Histoire d'Urantia

71. Développement de l’État

LIVRE D'URANTIA  -  Fascicule 71. Développement de l’État

(71.0) 71:0.1 L’État marque une évolution utile de la civilisation ; il représente le gain net que la société a retiré des ravages et des souffrances de la guerre. Même l’habileté politique n’est qu’une accumulation de techniques pour ajuster les rivalités de forces entre les tribus et nations en lutte.
 
(71.0) 71:0.2 L’État moderne est l’institution qui a survécu dans la longue bataille pour le pouvoir collectif. Un pouvoir supérieur a finalement prévalu et produit une créature de fait – l’État – avec le mythe moral que le citoyen est absolument obligé de vivre et de mourir pour l’État. Mais l’État n’a pas de genèse divine ; il n’a même pas été fondé par une action humaine intelligemment voulue ; il est purement une institution évolutionnaire et a pris naissance d’une manière entièrement automatique.
 
1. l’État embryonnaire

(71.0) 71:1.1 L’État est une organisation réglementaire territoriale et sociale. L’État le plus fort, le plus efficace et le plus durable se compose d’une seule nation dont la population possède un langage, des mœurs et des institutions communes.
 
(71.0) 71:1.2 Les premiers États étaient petits et furent tous le résultat de conquêtes. Ils ne naquirent pas d’associations volontaires. Beaucoup furent fondés par des nomades conquérants qui s’abattaient sur de paisibles bergers ou sur des cultivateurs établis pour les subjuguer et les réduire en esclavage. Ces États résultant de conquêtes étaient obligatoirement stratifiés ; les classes étaient inévitables, et les luttes de classes ont toujours été sélectives.
 
(71.0) 71:1.3 Les tribus nordiques d’hommes rouges américains ne réussirent jamais à s’organiser réellement en État. Elles ne progressèrent pas au-delà d’une vague confédération de tribus, une forme d’État très primitive. Celle qui se rapprocha le plus d’un véritable État fut la fédération des Iroquois, mais ce groupe de six nations ne fonctionna jamais tout à fait comme un État et ne réussit pas à survivre parce qu’il lui manquait certains éléments essentiels de la vie nationale moderne, tels que :
 
  (71.0) 71:1.4 1.L’acquisition et l’héritage de la propriété privée.
 
  (71.0) 71:1.5 2.Des villes doublées d’une industrie et d’une agriculture.
 
  (71.0) 71:1.6 3.Des animaux domestiques utiles.
 
  (71.0) 71:1.7 4.Une organisation pratique de la famille. Ces hommes rouges s’accrochaient à la famille maternelle et à l’héritage d’oncle à neveu.
 
  (71.0) 71:1.8 5.Un territoire défini.
 
  (71.0) 71:1.9 6.Un chef exécutif vigoureux.
 
  (71.0) 71:1.10 7.L’esclavage des prisonniers – ils les adoptaient ou les massacraient.
 
  (71.0) 71:1.11 8.Des conquêtes décisives.
 
(71.0) 71:1.12 Les hommes rouges étaient trop démocratiques ; ils avaient un bon gouvernement, mais qui échoua. Ils auraient finalement donné naissance à un État s’ils n’avaient prématurément rencontré la civilisation plus avancée des hommes blancs qui employaient les méthodes gouvernementales des Grecs et des Romains.
 
(71.0) 71:1.13 La réussite de l’État romain fut basée sur :
 
  (71.0) 71:1.14 1.La famille paternelle.
 
  (71.0) 71:1.15 2.L’agriculture et la domestication des animaux.
 
  (71.0) 71:1.16 3.La concentration de la population – les villes.
 
  (71.0) 71:1.17 4.La propriété privée des objets et de la terre.
 
  (71.0) 71:1.18 5.L’esclavage – les classes de citoyens.
 
  (71.0) 71:1.19 6.La conquête et la réorganisation des peuples faibles et arriérés.
 
  (71.0) 71:1.20 7.Un territoire défini avec des routes.
 
  (71.0) 71:1.21 8.Des dirigeants personnels et forts.
 
(71.0) 71:1.22 La grande faiblesse de la civilisation romaine, et l’un des facteurs de l’effondrement final de l’empire, fut la prise de dispositions soi-disant libérales et progressistes pour émanciper les garçons à vingt-et-un ans et pour libérer inconditionnellement les jeunes filles en leur laissant la faculté d’épouser un homme de leur choix ou de circuler dans le pays en s’adonnant à l’immoralité. Le tort causé à la société ne provint pas de ces réformes elles-mêmes, mais de la manière soudaine et générale dont elles furent adoptées. L’effondrement de Rome montre à quoi l’on peut s’attendre quand un État subit une expansion trop rapide accompagnée d’une dégénérescence interne.
 
(71.0) 71:1.23 L’État embryonnaire fut rendu possible par le déclin des liens du sang au profit des liens territoriaux, et ces fédérations de tribus étaient généralement cimentées fermement par des conquêtes. Un véritable État est caractérisé par une souveraineté qui transcende toutes les disputes mineures et les différences entre les groupes ; cependant, de nombreuses classes et castes subsistent dans les organisations d’État plus tardives, comme vestiges des tribus et clans des anciens temps. Les États territoriaux plus grands et ultérieurs livrèrent une bataille longue et acharnée à ces groupes de clans consanguins et moins nombreux, et le gouvernement tribal se révéla comme une précieuse transition entre l’autorité de la famille et celle de l’État. Au cours des temps plus récents, de nombreux clans prirent origine dans le commerce et dans d’autres associations industrielles.
 
(71.0) 71:1.24 Quand l’État ne réussit pas à s’intégrer, il en résulte une régression des techniques gouvernementales aux conditions antérieures ; on en trouve un exemple dans le féodalisme du Moyen Âge européen. Durant cet âge de ténèbres, l’État territorial s’effondra ; on en revint aux petits groupes des châteaux-forts et à la réapparition des clans et des stades tribaux de développement. Des semi-États semblables existent encore maintenant en Asie et en Afrique, mais ils ne représentent pas tous des régressions évolutionnaires ; beaucoup forment les noyaux embryonnaires des États de l’avenir.
 
2. L’évolution du gouvernement représentatif

(71.0) 71:2.1 Bien que la démocratie soit un idéal, elle est un produit de la civilisation et non de l’évolution. Allez lentement ! Choisissez soigneusement ! Car voici les dangers de la démocratie :
 
  (71.0) 71:2.2 1.La glorification de la médiocrité.
 
  (71.0) 71:2.3 2.Le choix de dirigeants ignorants et vils.
 
  (71.0) 71:2.4 3.L’incapacité de reconnaitre les faits fondamentaux de l’évolution sociale.
 
  (71.0) 71:2.5 4.Le danger du suffrage universel aux mains de majorités frustes et indolentes.
 
  (71.0) 71:2.6 5.L'asservissement à l’opinion publique ; la majorité n’a pas toujours raison.
 
(71.0) 71:2.7 L’opinion publique, l’opinion commune, a toujours retardé la société. Elle est néanmoins précieuse, car, tout en freinant l’évolution sociale, elle préserve la civilisation. L’éducation de l’opinion publique est la seule méthode saine et sure pour accélérer la civilisation. La force n’est qu’un expédient temporaire, et la croissance culturelle sera d’autant plus accélérée que les balles de fusil cèderont la place aux bulletins de vote. L’opinion publique (les mœurs) est l’énergie fondamentale et originelle dans l’évolution sociale et le développement de l’État ; mais, pour avoir une valeur pour l’État, il faut que son expression soit dépourvue de violence.
 
(71.0) 71:2.8 La mesure du progrès d’une société est directement déterminée par le degré auquel l’opinion publique parvient à contrôler la conduite personnelle et les règlements d’État sans recourir à la violence. L’apparition du premier gouvernement réellement civilisé coïncida avec le moment où l’opinion publique fut investie des pouvoirs du droit de vote personnel. Les élections populaires ne décident pas toujours de la chose correcte à faire, mais elles représentent la manière juste de commettre même une erreur. L’évolution ne produit pas instantanément une perfection superlative, mais plutôt un ajustement comparatif avec des progrès pratiques.
 
(71.0) 71:2.9 L’évolution d’une forme pratique et efficace de gouvernement représentatif comporte les dix étapes ou stades suivants :
 
  (71.0) 71:2.10 1.La liberté des personnes. L’esclavage, le servage et toutes les formes de servitude humaine doivent disparaitre.
 
  (71.0) 71:2.11 2.La liberté mentale. À moins qu’une population libre ne soit éduquée – qu’on lui ait appris à penser intelligemment et à faire des projets sagement – la liberté fait généralement plus de mal que de bien.
 
  (71.0) 71:2.12 3.Le règne de la loi. On ne peut jouir de la liberté que si la volonté et les caprices des dirigeants humains sont remplacés par des actes législatifs conformes à la loi fondamentale acceptée.
 
  (71.0) 71:2.13 4.La liberté de parole. Un gouvernement représentatif est impensable sans la possibilité pour les aspirations et opinions humaines de s’exprimer librement sous toutes les formes.
 
  (71.0) 71:2.14 5.La sécurité de la propriété. Nul gouvernement ne peut durer longtemps s’il ne réussit pas à assurer le droit de jouir de la propriété privée sous une forme quelconque. Les hommes ont le désir ardent d’utiliser leurs biens personnels, d’en avoir le contrôle, de les donner, de les vendre, de les louer et de les léguer.
 
  (71.0) 71:2.15 6.Le droit de pétition. Un gouvernement représentatif implique le droit pour les citoyens d’être entendus. Le privilège de la pétition est inhérent à la libre citoyenneté.
 
  (71.0) 71:2.16 7.Le droit de gouverner. Il ne suffit pas d’être entendu. Il faut que le pouvoir de pétition progresse jusqu’à la direction effective du gouvernement.
 
  (71.0) 71:2.17 8.Le suffrage universel. Le gouvernement représentatif présuppose un électorat intelligent, efficace et universel. Le caractère de ce gouvernement sera toujours déterminé par le caractère et l’envergure de ceux qui le composent. À mesure que la civilisation progressera, le suffrage, tout en restant universel pour les deux sexes, sera efficacement modifié, regroupé et différencié encore autrement.
 
  (71.0) 71:2.18 9.Le contrôle des fonctionnaires. Nul gouvernement civil ne jouera de rôle utile et efficace à moins que ses citoyens ne possèdent et n’emploient de sages techniques pour guider et contrôler les détenteurs de charges publiques et les fonctionnaires.
 
  (71.0) 71:2.19 10.Des représentants intelligents et formés. La survie de la démocratie dépend de la réussite des gouvernements représentatifs, et cette réussite est conditionnée par la pratique de ne nommer aux charges publiques que les individus techniquement formés, intellectuellement compétents, socialement loyaux et moralement dignes. Ces dispositions sont indispensables pour préserver le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
 
3. Les idéaux de l’État

(71.0) 71:3.1 La forme politique ou administrative d’un gouvernement a peu d’importance pourvu qu’elle fournisse les éléments essentiels du progrès civil – la liberté, la sécurité, l’éducation et la coordination sociale. Le cours de l’évolution sociale est déterminé par ce que l’État fait, et non par ce qu’il est. Après tout, nul État ne peut transcender les valeurs morales de ses citoyens mises en évidence par leurs chefs choisis. L’ignorance et l’égoïsme assurent la chute d’un gouvernement, même du type le plus élevé.
 
(71.0) 71:3.2 Si regrettable que ce soit, l’égotisme national a été indispensable à la survie sociale. La doctrine du peuple élu a été un facteur primordial dans la fusion des tribus et l’édification des nations jusque dans les temps modernes. Mais nul État ne peut atteindre des niveaux idéaux de fonctionnement avant que toutes les formes d’intolérance aient été maitrisées. L’intolérance est éternellement l’ennemie du progrès humain ; la meilleure manière de la combattre est de coordonner la science, le commerce, les divertissements et la religion.
 
(71.0) 71:3.3 L’État idéal fonctionne sous la poussée de trois puissantes impulsions coordonnées :
 
  (71.0) 71:3.4 1.La loyauté bienveillante dérivée de la réalisation de la fraternité humaine.
 
  (71.0) 71:3.5 2.Le patriotisme intelligent basé sur de sages idéaux.
 
  (71.0) 71:3.6 3.La clairvoyance cosmique interprétée en termes de faits, de besoins et de buts planétaires.
 
(71.0) 71:3.7 Les lois de l’État idéal sont peu nombreuses. Elles ont dépassé l’âge négatif des tabous pour entrer dans l’ère du progrès positif de la liberté individuelle résultant d’une meilleure maitrise de soi. Non seulement un État supérieur oblige ses citoyens à travailler, mais il les incite à utiliser de façon profitable et exaltante les loisirs croissants dont ils peuvent jouir à mesure que le progrès de l’âge des machines les libèrent des corvées. Les loisirs doivent contribuer à produire aussi bien qu’à consommer.
 
(71.0) 71:3.8 Nulle société n’a progressé bien loin en autorisant l'oisiveté et en tolérant la misère. D’autre part, il est impossible d’éliminer la pauvreté et la dépendance tant que l’on soutient largement des lignées tarées et dégénérées, et qu’on leur permet de se reproduire librement.
 
(71.0) 71:3.9 Une société morale devrait viser à préserver le respect de soi parmi ses citoyens et à fournir à tout individu normal des chances convenables de réalisation de soi. L’adoption de ce plan d’accomplissement social donnerait naissance à une société culturelle de l’ordre le plus élevé. L’évolution sociale devrait être encouragée par une supervision gouvernementale exerçant un minimum de contrôle réglementaire. Le meilleur État est celui qui coordonne le plus en gouvernant le moins.
 
(71.0) 71:3.10 Les idéaux de l’État doivent être atteints par évolution, par la lente croissance de la conscience civique, par la récognition que le service social est une obligation et un privilège. Après la fin de l’administration par les pillards politiques, les hommes commencent par assumer les fardeaux du gouvernement comme un devoir, mais, plus tard, ils recherchent ce ministère comme un privilège, comme le plus grand des honneurs. Le statut d’un niveau quelconque de civilisation est fidèlement dépeint par l’envergure des citoyens qui se portent volontaires pour accepter les responsabilités de l’État.
 
(71.0) 71:3.11 Dans un État démocratique véritable, le gouvernement des villes et des provinces est assuré par des experts et organisé exactement comme toutes les autres formes d’associations de personnes dans les domaines économiques et commerciaux.
 
(71.0) 71:3.12 Dans les États évolués, on estime que le service politique représente le plus haut degré de dévouement de la citoyenneté. La plus grande ambition des citoyens les plus sages et les plus nobles est de gagner la récognition civile, d’être élus ou nommés à un poste gouvernemental de confiance. Les gouvernements de ces États confèrent leurs plus hauts honneurs, en reconnaissance de services, à leurs fonctionnaires civils et sociaux. Les honneurs sont ensuite octroyés, dans l’ordre suivant, aux philosophes, aux éducateurs, aux savants, aux industriels et aux militaires. Les parents sont dument récompensés par l’excellence de leurs enfants. Quant aux chefs purement religieux, ils sont les ambassadeurs d’un royaume spirituel et reçoivent leur véritable récompense dans un autre monde.
 
4. La civilisation progressive

(71.0) 71:4.1 L’économie, la société et le gouvernement doivent évoluer s’ils veulent subsister. Des conditions statiques sur un monde évolutionnaire dénotent la décadence. Seules persistent les institutions qui vont de l’avant avec le courant de l’évolution.
 
(71.0) 71:4.2 Le programme progressif d’une civilisation en expansion englobe :
 
  (71.0) 71:4.3 1.La préservation des libertés individuelles.
 
  (71.0) 71:4.4 2.La protection du foyer.
 
  (71.0) 71:4.5 3.La promotion de la sécurité économique.
 
  (71.0) 71:4.6 4.La lutte préventive contre les maladies.
 
  (71.0) 71:4.7 5.L’instruction obligatoire.
 
  (71.0) 71:4.8 6.L’emploi obligatoire.
 
  (71.0) 71:4.9 7.L’utilisation profitable des loisirs.
 
  (71.0) 71:4.10 8.Les soins aux malheureux.
 
  (71.0) 71:4.11 9.L’amélioration de la race.
 
  (71.0) 71:4.12 10.La promotion des sciences et des arts.
 
  (71.0) 71:4.13 11.L’avancement de la philosophie – la sagesse.
 
  (71.0) 71:4.14 12.L’accroissement de la clairvoyance cosmique – la spiritualité.
 
(71.0) 71:4.15 Ces progrès dans les arts de la civilisation conduisent directement à la réalisation des buts humains et divins les plus élevés recherchés par les mortels – l’accomplissement social de la fraternité des hommes et le statut personnel d’être conscient de Dieu. Ce statut se révèle dans le désir suprême de chaque individu de faire la volonté du Père qui est aux cieux.
 
(71.0) 71:4.16 L’apparition d’une fraternité authentique signifie qu’un ordre social est arrivé où tous les hommes se réjouissent de porter les fardeaux les uns des autres et désirent réellement pratiquer la règle d’or. Toutefois, une telle société idéale ne peut voir le jour tant que les faibles et les méchants ne cessent de guetter l’occasion de tirer des avantages injustes et impies de ceux qui sont principalement poussés par leur dévouement au service de la vérité, de la beauté et de la bonté. Dans cette situation, il n’y a qu’une seule ligne de conduite pratique à suivre. Les adeptes de la règle d’or peuvent établir une société progressiste dans laquelle ils vivront selon leurs idéaux, tout en maintenant une défense adéquate contre leurs compagnons ignorants qui pourraient chercher soit à exploiter leur prédilection pour la paix, soit à détruire leur civilisation en progrès.
 
(71.0) 71:4.17 L’idéalisme ne peut jamais survivre, sur une planète en évolution, si les idéalistes de chaque génération se laissent exterminer par les ordres humains inférieurs. Le grand test de l’idéalisme est le suivant : une société évoluée peut-elle maintenir un état de préparation militaire qui assure sa sécurité contre toute attaque par ses voisins belliqueux, sans céder à la tentation d’employer cette force militaire en opérations offensives contre d’autres peuples en vue de bénéfices égoïstes ou d’agrandissement national ? La survie nationale exige un état de préparation, et seul l’idéalisme religieux peut empêcher de prostituer la préparation en agression. Seul l’amour (la fraternité) peut détourner les forts d’opprimer les faibles.
 
5. L’évolution de la compétition

(71.0) 71:5.1 La compétition est indispensable au progrès social, mais, si elle est désordonnée, elle engendre la violence. Dans la société actuelle, la compétition est en voie de remplacer lentement la guerre en déterminant la place de chaque individu dans l’industrie en même temps qu’elle décide de la survie des industries elles-mêmes. (Le meurtre et la guerre ont des statuts différents devant les mœurs ; le meurtre a été mis hors la loi depuis les premiers jours de la société, tandis que la guerre n’a encore jamais été proscrite par l’humanité dans son ensemble.)
 
(71.0) 71:5.2 Un État idéal n’entreprend de régler la conduite sociale que juste assez pour éliminer la violence dans la compétition individuelle et pour empêcher l’injustice dans l’initiative personnelle. Voici un grand problème pour les hommes d’État : Comment peut-on garantir la paix et la tranquillité dans l’industrie, faire payer les impôts pour soutenir le pouvoir de l’État et, en même temps, empêcher la fiscalité de handicaper l’industrie, et l’État de devenir parasitaire ou tyrannique ?
 
(71.0) 71:5.3 Dans les âges primitifs de tous les mondes, la compétition est indispensable au progrès de la civilisation. À mesure que l’évolution des hommes progresse, la coopération devient de plus en plus effective ; dans les civilisations avancées, elle est plus efficace que la compétition. Les hommes primitifs sont stimulés par la compétition. L’évolution primitive est caractérisée par la survie des êtres biologiquement valides, mais la meilleure manière de promouvoir les civilisations ultérieures est la coopération intelligente, la confrérie compréhensive et la fraternité spirituelle.
 
(71.0) 71:5.4 Il est exact que la concurrence industrielle conduit à des gaspillages excessifs et qu’elle est très inefficace, mais nulle tentative pour éliminer cette perte d’activité économique ne devrait être encouragée si les ajustements correspondants impliquent la plus légère atteinte à l’une quelconque des libertés individuelles fondamentales.
 
6. Le mobile du profit

(71.0) 71:6.1 L’économie d’aujourd’hui, motivée par la recherche du profit, est condamnée, à moins que les mobiles de service ne puissent s’ajouter aux mobiles de profit. La concurrence impitoyable, basée sur l’intérêt égoïste à vues étroites, finit par détruire les choses mêmes qu’elle cherche à maintenir. L’intention de rechercher exclusivement un profit pour soi-même est incompatible avec les idéaux chrétiens – et bien plus encore avec les enseignements de Jésus.
 
(71.0) 71:6.2 Dans l’économie, la recherche du profit se situe, par rapport à la recherche du service, à la même place relative que la peur par rapport à l’amour dans la religion. Mais il ne faudrait pas détruire ou supprimer brusquement la recherche du profit. Elle maintient assidument au travail bien des mortels qui autrement seraient indolents. Elle stimule l’énergie sociale, mais il n’est pas nécessaire que ses objectifs restent perpétuellement égoïstes.
 
(71.0) 71:6.3 La recherche du profit dans les activités économiques est entièrement vile et totalement indigne d’un ordre social avancé ; elle est néanmoins un facteur indispensable dans les phases initiales de la civilisation. Il ne faut pas enlever aux hommes le mobile du profit avant qu’ils aient fermement incorporé des types supérieurs de buts non lucratifs dans leurs efforts économiques et leurs services sociaux – le besoin transcendant d’une sagesse superlative, d’une fraternité fascinante et d’une excellence dans l’accomplissement spirituel.
 
7. L’éducation

(71.0) 71:7.1 Un État durable est fondé sur la culture, dominé par des idéaux et motivé par le service. Le but de l’éducation devrait consister à acquérir de l’habileté, rechercher la sagesse, réaliser son individualité et atteindre les valeurs spirituelles.
 
(71.0) 71:7.2 Dans l’État idéal, l’éducation continue tout au long de la vie, et la philosophie devient parfois la principale visée de ses citoyens. Les membres d’un tel État démocratique recherchent la sagesse pour accroitre leur clairvoyance concernant le sens des relations humaines, les significations de la réalité, la noblesse des valeurs, les buts de la vie et les gloires de la destinée cosmique.
 
(71.0) 71:7.3 Les Urantiens devraient avoir la vision d’une société culturelle nouvelle et supérieure. L’éducation fera un bond et atteindra de nouveaux niveaux de valeur lors de la disparition du système économique purement basé sur la recherche du profit. L’éducation a été trop longtemps régionaliste et militariste, exaltant l’ego et cherchant le succès personnel ; il faut qu’elle devienne finalement mondiale et idéaliste, permettant aux individus de s’épanouir et de saisir le point de vue cosmique.
 
(71.0) 71:7.4 L’éducation est récemment sortie de l’emprise du clergé pour passer sous celle des hommes de loi et des hommes d’affaires. En fin de compte, elle devra être confiée aux philosophes et aux savants. Il faut que les éducateurs soient des êtres libres, de vrais meneurs d’hommes, afin que la philosophie, la recherche de la sagesse, puisse devenir la principale visée de l’éducation.
 
(71.0) 71:7.5 L’éducation, c’est l’affaire de toute la vie ; il faut que l’éducation continue pendant toute la vie, de façon que l’humanité acquière graduellement l’expérience des niveaux ascendants de la sagesse humaine, qui sont les suivants :
 
  (71.0) 71:7.6 1.La connaissance des choses.
 
  (71.0) 71:7.7 2.La réalisation des significations.
 
  (71.0) 71:7.8 3.L’appréciation des valeurs.
 
  (71.0) 71:7.9 4.La noblesse du travail – le devoir.
 
  (71.0) 71:7.10 5.La motivation des buts – la moralité.
 
  (71.0) 71:7.11 6.L’amour du service – le caractère.
 
  (71.0) 71:7.12 7.La clairvoyance cosmique – le discernement spirituel.
 
(71.0) 71:7.13 Ensuite, grâce à ces accomplissements, nombre d’hommes s’élèveront au niveau ultime que le mental mortel puisse atteindre, la conscience de Dieu.
 
8. Le caractère de l’État

(71.0) 71:8.1 Le seul caractère sacré de tout gouvernement humain est la division de l’État en trois domaines, ceux des fonctions exécutive, législative et judiciaire. L’univers est administré selon un tel plan qui sépare les fonctions et l’autorité. À part ce divin concept de réglementation sociale ou de gouvernement civil efficace, peu importe la forme d’État qu’un peuple se choisisse, pourvu que la citoyenneté progresse toujours vers le but d’un meilleur contrôle de soi-même et de services sociaux accrus. L’acuité intellectuelle, la sagesse économique, l’intelligence sociale et le courage moral d’un peuple se reflètent fidèlement dans l’aspect de l’État.
 
(71.0) 71:8.2 L’évolution de l’État entraine une progression de niveau en niveau comme suit :
 
  (71.0) 71:8.3 1.La création d’un gouvernement triple ayant des départements exécutifs, législatifs et judiciaires.
 
  (71.0) 71:8.4 2.La liberté d’exercer des activités sociales, politiques et religieuses.
 
  (71.0) 71:8.5 3.L’abolition de toutes les formes d’esclavage et de servitude humaine.
 
  (71.0) 71:8.6 4.La capacité des citoyens de réglementer l’établissement des impôts.
 
  (71.0) 71:8.7 5.L’instauration d’une éducation universelle – l’instruction depuis le berceau jusqu’à la tombe.
 
  (71.0) 71:8.8 6.L’ajustement approprié entre les autorités locales et le gouvernement national.
 
  (71.0) 71:8.9 7.L’encouragement de la science et la victoire sur la maladie.
 
  (71.0) 71:8.10 8.La juste récognition de l’égalité des sexes et la fonction coordonnée des hommes et des femmes, au foyer, à l’école et à l’église, avec des services féminins spécialisés dans l’industrie et le gouvernement.
 
  (71.0) 71:8.11 9.L’élimination de l’esclavage des corvées par l’invention de machines, et la maitrise subséquente de l’âge mécanique.
 
  (71.0) 71:8.12 10.La victoire sur les dialectes – le triomphe d’un langage universel.
 
  (71.0) 71:8.13 11.La fin des guerres – l’arbitrage international des différends raciaux et nationaux par des cours continentales de nations, coiffées par un tribunal planétaire suprême recruté automatiquement parmi les chefs des cours continentales arrivant périodiquement à la retraite. Les décisions des tribunaux continentaux sont exécutoires ; le rôle du tribunal mondial est consultatif – moral.
 
  (71.0) 71:8.14 12.La tendance, dans le monde entier, à rechercher la sagesse – l’exaltation de la philosophie. L’évolution d’une religion mondiale laissant présager l’entrée de la planète dans les premières phases d’ancrage dans la lumière et la vie.
 
(71.0) 71:8.15 Telles sont les conditions préalables d’un gouvernement progressiste et les marques distinctives d’un État idéal. Urantia est loin de la réalisation de ces idéaux élevés, mais les races civilisées ont fait les premiers pas – l’humanité est en marche vers des destinées évolutionnaires plus hautes.
 
(71.0) 71:8.16 [Parrainé par un Melchizédek de Nébadon.]
 


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70. L’évolution du gouvernement humain

LIVRE D'URANTIA  -  Fascicule 70. L’évolution du gouvernement humain

(70.0) 70:0.1 À peine l’homme eut-il partiellement résolu le problème de sa subsistance qu’il fut confronté à la tâche de réglementer les contacts humains. Le développement de l’industrie exigeait des lois, de l’ordre et un ajustement social ; la propriété privée nécessitait un gouvernement.
 
(70.0) 70:0.2 Sur un monde évolutionnaire, les antagonismes sont naturels, la paix ne s’assure que par un système social régulateur. La réglementation sociale est inséparable de l’organisation sociale ; une association implique une autorité qui contrôle. Le gouvernement oblige à coordonner les antagonismes entre tribus, clans, familles et individus.
 
(70.0) 70:0.3 Le gouvernement est un développement inconscient ; il évolue par tâtonnements. Il possède une valeur de survie et, en conséquence, il devient traditionnel. L’anarchie accroissait la misère ; c’est pourquoi les gouvernements (la loi et l’ordre relatifs) émergèrent lentement ou sont en train d’apparaitre. Les exigences coercitives de la lutte pour l’existence ont littéralement poussé la race humaine sur la route progressive de la civilisation.
 
1. La genèse de la guerre

(70.0) 70:1.1 La guerre est l’état naturel et l’héritage de l’homme en évolution ; la paix est l’étalon social mesurant le développement de la civilisation. Avant que les races en progrès n’aient été partiellement organisées au point de vue social, l’homme était très individualiste, extrêmement méfiant et querelleur à un point incroyable. La violence est la loi de la nature, l’hostilité est la réaction automatique des enfants de la nature, tandis que la guerre n’est que ces mêmes activités poursuivies collectivement. Dans toutes les circonstances où le tissu dont est fait la civilisation est soumis à des tensions à cause des complications découlant du progrès de la société, il se produit, partout et toujours, un retour immédiat et ruineux à ces méthodes initiales pour ajuster, par la violence, les frictions provenant des relations entre humains.
 
(70.0) 70:1.2 La guerre est une réaction animale contre les malentendus et les irritations ; la paix accompagne la solution civilisée de tous ces problèmes et difficultés. Les races sangiks, ainsi que plus tard les Adamites et les Nodites dégénérés, étaient tous belliqueux. Les Andonites apprirent de bonne heure la règle d’or ; aujourd’hui encore, leurs descendants Esquimaux vivent principalement selon ce code ; la coutume est forte parmi eux, et ils sont relativement exempts d’antagonismes violents.
 
(70.0) 70:1.3 Andon apprit à ses enfants à résoudre leurs litiges en les faisant frapper chacun un arbre avec un bâton tout en maudissant l’arbre ; le premier dont le bâton cassait était proclamé vainqueur. Plus tard, les Andonites réglèrent leurs différends en organisant des séances publiques au cours desquelles les adversaires se raillaient et se ridiculisaient mutuellement, tandis que l’auditoire désignait le vainqueur par acclamations.
 
(70.0) 70:1.4 Mais le phénomène de la guerre ne pouvait apparaitre avant que la société ait assez évolué pour expérimenter effectivement des périodes de paix et sanctionner des pratiques guerrières. Le concept même de la guerre implique un certain degré d’organisation.
 
(70.0) 70:1.5 Après l’apparition de groupements sociaux, les irritations individuelles commencèrent à se fondre dans les sentiments collectifs, et ceci favorisa la tranquillité à l’intérieur des tribus, mais aux dépens de la paix entre tribus. La paix fut donc d’abord la prérogative du groupe interne, ou tribu, qui détestait et haïssait toujours le groupe externe, les étrangers. L’homme primitif considérait comme louable de verser le sang étranger.
 
(70.0) 70:1.6 Mais même ceci ne réussit pas au début. Quand les premiers chefs essayèrent d’aplanir des malentendus, ils se virent souvent obligés d’autoriser, au moins une fois par an, des combats à coup de pierre dans la tribu. Les membres du clan se divisaient en deux groupes et se lançaient dans une bataille qui durait toute la journée, sans aucune autre raison que de s’amuser ; ils aimaient réellement se battre.
 
(70.0) 70:1.7 La guerre subsiste parce que l’homme est humain, qu’il descend de l’animal par évolution et que tous les animaux sont belliqueux. Parmi les premières causes de guerre, on compte :
 
  (70.0) 70:1.8 1.La faim, qui conduisit à des razzias sur la nourriture. La rareté des terres a toujours amené la guerre, et, au cours de ces luttes, les premières tribus pacifiques furent pratiquement exterminées.
 
  (70.0) 70:1.9 2.La pénurie de femmes - une tentative pour suppléer à l’insuffisance d’aide domestique. Le rapt de femmes a toujours provoqué la guerre.
 
  (70.0) 70:1.10 3.La vanité - le désir d’exhiber les prouesses de la tribu. Les groupes supérieurs combattaient pour imposer leur mode de vie aux peuples inférieurs.
 
  (70.0) 70:1.11 4.Les esclaves - le besoin de recrues pour la main-d’œuvre.
 
  (70.0) 70:1.12 5.La vengeance constituait le motif de guerre quand une tribu croyait qu’une autre tribu voisine avait occasionné la mort d’un des siens. Le deuil se prolongeait jusqu’à ce qu’une tête fut rapportée. La guerre de vengeance fut considérée comme justifiée jusqu’à une époque relativement moderne.
 
  (70.0) 70:1.13 6.Le délassement - la guerre était envisagée comme une récréation par les jeunes de ces temps reculés. Quand il n’y avait pas de prétexte assez bon et suffisant pour déclencher une guerre, quand la paix devenait oppressante, les tribus voisines avaient l’habitude d'engager des sorties de combat semi-amical afin de se lancer dans une escarmouche en tant que délassement, de jouir d’un simulacre de bataille.
 
  (70.0) 70:1.14 7.La religion - le désir de convertir à un culte. Toutes les religions primitives sanctionnaient la guerre. C’est seulement tout récemment que la religion a commencé à la désapprouver. Malheureusement, l’ancien clergé était en général allié à la puissance militaire. L’une des grandes mesures des âges pour la paix fut la tentative de séparer l’Église de l’État.
 
(70.0) 70:1.15 Les anciennes tribus faisaient toujours la guerre à la demande de leurs dieux, sur ordre de leurs chefs ou de leurs sorciers-guérisseurs. Les Hébreux croyaient en un tel “ Dieu des batailles ” ; l’histoire de leur raid contre les Madianites est un récit typique de la cruauté atroce des anciennes guerres de tribus ; cette attaque, avec le massacre de tous les mâles et la tuerie subséquente de tous les enfants mâles ainsi que de toutes les femmes qui n’étaient pas vierges, aurait fait honneur aux mœurs d’un chef de tribu d’il y a deux- cent-mille ans. Et tout ceci fut accompli au “ nom du Seigneur Dieu d’Israël ”.
 
(70.0) 70:1.16 Le présent récit décrit l’évolution de la société - la solution naturelle des problèmes des races - l’homme élaborant sa propre destinée sur terre. De telles atrocités ne sont pas commises à l’instigation de la Déité, nonobstant la tendance des hommes à en faire porter la responsabilité à leurs dieux.
 
(70.0) 70:1.17 La miséricorde militaire a été lente à se manifester dans l’humanité. Même pendant qu’une femme, Déborah, régnait sur les Hébreux, la même cruauté systématique persista. Lors de sa victoire sur les Gentils, le commandant des troupes de Déborah fit “ passer toute l’armée au fil de l’épée ; il n’en subsista pas un seul ”.
 
(70.0) 70:1.18 Très tôt dans l’histoire de la race, on employa des armes empoisonnées. Toutes sortes de mutilations furent pratiquées. Saül n’hésita pas à réclamer cent prépuces de Philistins comme dot à payer par David pour sa fille Mical.
 
(70.0) 70:1.19 Les premières guerres eurent lieu entre tribus entières, mais, plus tard, lorsque deux individus appartenant à des tribus différentes avaient une dispute, ils se battaient en duel au lieu d’entrainer les deux tribus dans une bataille générale. La coutume s’établit également pour deux armées de tout miser sur l’issue du combat entre deux représentants choisis de part et d’autre, comme ce fut le cas pour David et Goliath.
 
(70.0) 70:1.20 Le premier adoucissement de la guerre consista à faire des prisonniers. Puis les femmes furent exemptées des hostilités, et ensuite vint la récognition des non-combattants. Des castes militaires et des armées permanentes se développèrent bientôt pour marcher de pair avec la complexité croissante du combat. De bonne heure, il fut interdit aux guerriers de s’adjoindre des femmes et ces dernières avaient depuis longtemps cessé de combattre, bien qu’elles aient toujours nourri et soigné les soldats, et les aient exhortés à se battre.
 
(70.0) 70:1.21 La pratique de déclarer la guerre représenta un grand progrès. Ces déclarations d’intention de se battre dénotaient l’avènement d’un sens de l’équité qui fut suivi par le développement graduel des règles de la guerre “ civilisée ”. Très tôt, l’usage s’établit de ne pas combattre près des lieux consacrés à la religion et, plus tard, de ne point se battre pendant certains jours sanctifiés. Ensuite vint la reconnaissance générale du droit d’asile ; les réfugiés politiques reçurent une protection.
 
(70.0) 70:1.22 La guerre évolua ainsi graduellement de la primitive chasse à l’homme au système un peu plus ordonné des nations “ civilisées ” plus récentes. Cependant, l’attitude sociale d’amitié ne remplace que lentement celle d’inimitié.
 
2. La valeur sociale de la guerre

(70.0) 70:2.1 Dans les âges passés, une guerre féroce provoquait des changements sociaux et facilitait l’adoption d’idées neuves qui autrement n’auraient pas vu naturellement le jour en dix-mille ans. Le prix terrible payé pour ces avantages certains consistait en des reculs temporaires de la société à l’état sauvage ; la raison civilisée était forcée d’abdiquer. La guerre est un remède puissant, très couteux et fort dangereux ; elle guérit souvent certains troubles sociaux, mais parfois elle tue le patient, elle détruit la société.
 
(70.0) 70:2.2 La nécessité constante de la défense nationale crée de nombreux ajustements sociaux nouveaux et progressifs. De nos jours, la société jouit du bénéfice d’une longue liste d’innovations utiles qui furent d’abord uniquement militaires ; elle doit même à la guerre la danse, dont l’une des formes premières était un exercice militaire.
 
(70.0) 70:2.3 La guerre eut une valeur sociale pour les civilisations du passé parce qu’elle :
 
  (70.0) 70:2.4 1.Imposait de la discipline, obligeait à la coopération.
 
  (70.0) 70:2.5 2.Donnait une prime à la force d’âme et au courage.
 
  (70.0) 70:2.6 3.Encourageait et renforçait le nationalisme.
 
  (70.0) 70:2.7 4.Détruisait les peuples faibles et inaptes.
 
  (70.0) 70:2.8 5.Supprimait l’illusion d’égalité primitive et stratifiait sélectivement la société.
 
(70.0) 70:2.9 La guerre a eu une certaine valeur évolutive et sélective, mais, tout comme l’esclavage, elle doit être un jour abandonnée au cours des lents progrès de la civilisation. Les guerres d’antan encourageaient les voyages et les relations culturelles ; maintenant, ces fins sont mieux servies par les méthodes modernes de transport et de communication. Les guerres d’antan fortifiaient les nations, mais les luttes modernes disloquent la culture civilisée. Les guerres anciennes aboutissaient à décimer les peuples inférieurs ; le résultat net des conflits modernes est la destruction sélective des meilleures souches humaines. Les guerres du passé favorisaient l’organisation et le rendement, mais ceux-ci sont maintenant devenus les buts de l’industrie moderne. Au cours des temps passés, la guerre était un ferment social qui poussait la civilisation en avant ; ce résultat s’obtient mieux maintenant par l’ambition et l’invention. Les guerres anciennes soutenaient le concept d’un Dieu des batailles, mais l’homme moderne a été informé que Dieu est amour. La guerre a servi bien des desseins utiles dans le passé, elle a été un échafaudage indispensable pour construire la civilisation, mais elle court rapidement à sa faillite culturelle - elle devient totalement incapable de donner en gains sociaux des dividendes proportionnés aux pertes terribles qui l’accompagnent.
 
(70.0) 70:2.10 Jadis, les médecins croyaient à la saignée pour guérir de nombreuses maladies, mais, depuis lors, ils ont découvert des remèdes plus efficaces pour la plupart de ces troubles. De même il faudra certainement que la saignée internationale de la guerre fasse place à la découverte de meilleures méthodes pour guérir les maux des nations.
 
(70.0) 70:2.11 Les nations d’Urantia se sont déjà engagées dans la lutte gigantesque entre le militarisme nationaliste et l’industrialisme. Sous bien des rapports, ce conflit est analogue à la lutte séculaire entre les pâtres-chasseurs et les cultivateurs. Mais, si l’industrialisme doit triompher du militarisme, il doit éviter les dangers qui l’assaillent. Les périls de l’industrie naissante sur Urantia sont :
 
  (70.0) 70:2.12 1.La forte tendance au matérialisme, l’aveuglement spirituel.
 
  (70.0) 70:2.13 2.Le culte de la puissance de la richesse, la dénaturation des valeurs.
 
  (70.0) 70:2.14 3.Les vices attenants au luxe, le manque de maturité culturelle.
 
  (70.0) 70:2.15 4.Les dangers croissants de l’indolence, l’insensibilité à l’esprit de service.
 
  (70.0) 70:2.16 5.L’accroissement d’une mollesse raciale indésirable, la dégénérescence biologique.
 
  (70.0) 70:2.17 6.La menace d’esclavage industriel standardisé, la stagnation de la personnalité. Le travail ennoblit, mais les corvées fastidieuses abêtissent.
 
(70.0) 70:2.18 Le militarisme est autocrate et cruel - voire sauvage. Il favorise l’organisation sociale parmi les conquérants, mais il désintègre les vaincus. L’industrialisme est plus civilisé et devrait être mené de manière à encourager les initiatives et l’individualisme. La société devrait favoriser l’originalité par tous les moyens.
 
(70.0) 70:2.19 Ne commettez pas l’erreur de glorifier la guerre ; discernez plutôt ce qu’elle a fait pour la société afin de pouvoir imaginer plus exactement le rôle de ses substituts pour continuer à faire progresser la civilisation. À défaut de substituts adéquats, vous pouvez être certains que la guerre continuera encore longtemps.
 
(70.0) 70:2.20 Les hommes n’accepteront jamais la paix, en tant que mode normal de vie, avant d’avoir été convaincus, entièrement et à maintes reprises, que la paix est ce qu’il y a de mieux pour leur bien-être matériel, et aussi avant que la société ait sagement fourni des substituts pacifiques pour satisfaire à l’une de leurs tendances inhérentes, celle de laisser périodiquement libre cours à une poussée collective destinée à libérer les sentiments et les énergies perpétuellement accumulés provenant des réactions de l’instinct humain de conservation.
 
(70.0) 70:2.21 Mais, même en passant, la guerre devrait être honorée en tant qu’école d’expérience qui a contraint une race d’individualistes arrogants à se soumettre à une autorité hautement concentrée – un chef exécutif. La guerre à l’ancienne mode conduisait à choisir pour chefs les hommes naturellement éminents, mais la guerre moderne ne le fait plus. Pour découvrir des chefs, la société doit maintenant se tourner du côté des conquêtes pacifiques : l’industrie, la science et les réalisations sociales.
 
3. Les associations humaines primitives

(70.0) 70:3.1 Dans la société la plus primitive, la horde est tout ; même les enfants lui appartiennent en commun. La famille évoluante remplaça la horde dans la puériculture, tandis que les clans et tribus émergeants prenaient sa place en tant qu’unités sociales.
 
(70.0) 70:3.2 L’appétit sexuel et l’amour maternel instaurent la famille, mais aucun véritable gouvernement n’apparait avant que des groupes suprafamiliaux aient commencé à se former. Aux temps préfamiliaux de la horde, le commandement était assuré par des individus choisis sans formalités. Les Boschimans africains n’ont jamais dépassé ce stade primitif ; leurs hordes n’ont pas de chefs.
 
(70.0) 70:3.3 Les familles s’unirent par des liens de sang en clans, en assemblées de parents, et les clans se transformèrent, plus tard, en tribus, en communautés territoriales. La guerre et la pression extérieure forcèrent les clans de parenté à s’organiser en tribus, mais ce furent le commerce et le négoce qui assurèrent la cohésion de ces groupes primitifs avec un certain degré de paix intérieure.
 
(70.0) 70:3.4 La paix sur Urantia sera amenée bien davantage par des organisations de commerce international que par toute la sophistique sentimentale des plans chimériques de paix. Les relations commerciales ont été facilitées par le développement du langage et par des méthodes perfectionnées de communications, ainsi que par l’amélioration des moyens de transport.
 
(70.0) 70:3.5 L’absence d’un langage commun a toujours entravé la croissance des groupes pacifiques, mais l’argent est devenu le langage universel du commerce moderne. La cohésion de la société moderne est en grande partie assurée par le marché industriel. L’appât du gain est un important élément civilisateur quand le désir de servir s’y ajoute.
 
(70.0) 70:3.6 Au début, chaque tribu était entourée par des zones concentriques de peur et de soupçons croissants, d’où l’ancienne coutume de tuer tous les étrangers et, plus tard, de les réduire en esclavage. La vieille idée d’amitié signifiait l’adoption dans le clan ; on croyait que l’on continuait à appartenir à son clan après la mort - ce fut l’un des premiers concepts de la vie éternelle.
 
(70.0) 70:3.7 La cérémonie d’adoption consistait à boire le sang l’un de l’autre. Dans certains groupes, on échangeait de la salive au lieu de boire du sang ; ce fut l’origine du baiser conventionnel. Et toutes les cérémonies d’association, qu’elles fussent de mariage ou d’adoption, se terminaient toujours par des festins.
 
(70.0) 70:3.8 Plus tard, on employa du sang dilué dans du vin rouge et, finalement, on but seulement du vin pour sceller la cérémonie d’adoption ; celle-ci était notifiée par l’attouchement des coupes de vin et consommée par l’absorption de la boisson. Les Hébreux employèrent une forme modifiée de cette cérémonie d’adoption. Leurs ancêtres arabes utilisaient le serment prêté pendant que la main du candidat reposait sur l’organe génital du natif de la tribu. Les Hébreux traitaient les étrangers adoptés avec bienveillance et fraternité. “ L’étranger qui séjourne parmi vous sera pour vous comme quelqu’un né parmi vous, et tu l’aimeras comme toi-même. ”
 
(70.0) 70:3.9 “ L’amitié de l’hôte ” était une relation d’hospitalité temporaire. Quand les invités en visite partaient, on cassait un plat en deux moitiés, dont l’une était donnée à l’ami partant pour servir d’introduction appropriée à une tierce personne qui pourrait arriver plus tard en visite. Il était de règle, pour les convives, de payer leur écot en racontant des histoires de leurs voyages et aventures. Les conteurs d’antan devinrent si populaires que les mœurs finirent par leur interdire d’exercer leurs talents aux époques de la chasse ou des moissons.
 
(70.0) 70:3.10 Les premiers traités de paix furent les “ liens de sang ”. Les ambassadeurs de paix de deux tribus en guerre se rencontraient, se rendaient hommage et ensuite se mettaient à piquer leur peau jusqu’à ce qu’elle saigne ; après quoi, ils suçaient mutuellement leur sang et déclaraient la paix.
 
(70.0) 70:3.11 Les premières missions de paix consistèrent en des délégations d’hommes amenant leurs plus belles jeunes filles pour assouvir l’appétit sexuel de leurs ex-ennemis, cet appétit étant utilisé pour combattre les tendances belliqueuses. La tribu ainsi honorée rendait la visite, avec son offrande de jeunes filles ; sur quoi, la paix était fermement établie et, bientôt, des mariages entre les familles des chefs étaient sanctionnés.
 
4. Clans et tribus

(70.0) 70:4.1 Le premier groupe pacifique fut la famille ; vinrent ensuite le clan, la tribu et plus tard la nation, qui devint en fin de compte l’État territorial moderne. Le fait que les groupes pacifiques, de nos jours, se soient développés depuis longtemps au-delà des liens du sang pour englober des nations est fort encourageant, malgré le fait que les nations d’Urantia dépensent encore des sommes immenses pour des préparatifs de guerre.
 
(70.0) 70:4.2 Les clans étaient des groupes liés par le sang, au sein de la tribu. Ils devaient leur existence à certains intérêts communs, tels que :
 
  (70.0) 70:4.3 1.Leur filiation remontant à un ancêtre commun.
 
  (70.0) 70:4.4 2.La fidélité à un totem religieux commun.
 
  (70.0) 70:4.5 3.L’emploi d’un même dialecte.
 
  (70.0) 70:4.6 4.Le partage d’un même lieu de séjour.
 
  (70.0) 70:4.7 5.La crainte des mêmes ennemis.
 
  (70.0) 70:4.8 6.Le partage d’une expérience militaire commune.
 
(70.0) 70:4.9 Les chefs des clans étaient toujours subordonnés au chef de la tribu ; les premiers gouvernements tribaux furent une vague confédération de clans. Les aborigènes australiens n’ont jamais développé une forme tribale de gouvernement.
 
(70.0) 70:4.10 Les chefs de temps de paix des clans régnaient en général par la ligne maternelle ; les chefs de guerre des tribus établirent la ligne paternelle. La cour des chefs de tribu et des premiers rois se composait des chefs de clans. La coutume voulait qu’ils fussent invités plusieurs fois par an à se présenter devant le roi, ce qui lui permettait de les surveiller et de mieux s’assurer leur coopération. Les clans jouèrent un rôle très utile dans les autarchies locales, mais retardèrent considérablement la croissance de nations grandes et fortes.
 
5. Les débuts du gouvernement

(70.0) 70:5.1 Toute institution humaine a eu un commencement, et le gouvernement civil est un produit de l’évolution progressive au même titre que le mariage, l’industrie et la religion. À partir des premiers clans et des tribus primitives, se développèrent progressivement les régimes successifs de gouvernement humain qui ont apparu et disparu pour arriver finalement aux formes de réglementation civile et sociale qui caractérisent le deuxième tiers du vingtième siècle.
 
(70.0) 70:5.2 Avec l’apparition graduelle des unités familiales, les bases du gouvernement furent établies dans l’organisation du clan, le groupement de familles consanguines. Le premier véritable corps gouvernemental fut le conseil des anciens. Ce groupe régulateur se composait d’hommes âgés qui s’étaient distingués de quelque manière efficace. La sagesse et l’expérience furent appréciées de bonne heure même par l’homme barbare, et il s’ensuivit une longue période de domination par les anciens. Ce règne oligarchique de l’âge se transforma petit à petit en l’idée du patriarcat.
 
(70.0) 70:5.3 Les premiers conseils des anciens contenaient le potentiel de toutes les fonctions gouvernementales : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Quand le conseil interprétait les mœurs courantes, il était un tribunal ; quand il établissait de nouveaux modes d’usages sociaux, il était une assemblée législative ; dans la mesure où ces décrets et promulgations étaient mis en vigueur, il était le pouvoir exécutif. Le président du conseil des anciens fut un des précurseurs du chef de tribu subséquent.
 
(70.0) 70:5.4 Certaines tribus avaient des conseils féminins et, de temps à autre, bien des tribus furent régies par des femmes. Certaines tribus d’hommes rouges conservèrent l’enseignement d’Onamonalonton en suivant les décisions unanimes du “ conseil des sept ”.
 
(70.0) 70:5.5 Il a été difficile au genre humain d’apprendre que ni la paix ni la guerre ne peuvent être régies par une assemblée consultative. Les “ palabres ” primitives furent rarement utiles. La race apprit de bonne heure qu’une armée commandée par un groupe de chefs de clans n’avait aucune chance contre une forte armée n’ayant qu’un seul chef. La guerre a toujours engendré des rois.
 
(70.0) 70:5.6 Au début, les chefs militaires furent choisis uniquement pour le service militaire et ils abandonnèrent un peu de leur autorité pendant les périodes de paix où leurs devoirs étaient davantage d’ordre social. Mais, peu à peu, ils commencèrent à empiéter sur les intervalles de paix avec tendance à continuer leur règne d’une guerre à la suivante. Souvent, ils veillaient à ce qu’une guerre ne mît pas trop longtemps à suivre la précédente. Ces seigneurs guerriers primitifs n’aimaient point la paix.
 
(70.0) 70:5.7 Plus tard, certains chefs furent choisis pour d’autres raisons que le service militaire, et sélectionnés à cause de leurs exceptionnelles qualités physiques ou de leurs remarquables aptitudes personnelles. Les hommes rouges avaient souvent deux groupes de chefs – les sachems, ou chefs de paix, et les chefs de guerre héréditaires. Les chefs de paix étaient également des juges et des éducateurs.
 
(70.0) 70:5.8 Quelques-unes des premières communautés furent régies par des sorciers-guérisseurs qui agirent souvent en tant que chefs. Un seul homme exerçait les fonctions de prêtre, de médecin et de chef exécutif. Les premiers insignes royaux avaient très souvent commencé par être des symboles ou des emblèmes de vêtements sacerdotaux.
 
(70.0) 70:5.9 Ce fut par ces étapes que la branche exécutive du gouvernement prit graduellement corps. Les conseils des clans et des tribus continuaient leur activité à titre consultatif et en tant que précurseurs des départements législatif et judiciaire qui apparurent plus tard. En Afrique, de nos jours, toutes ces formes de gouvernement primitif existent effectivement parmi les diverses tribus.
 
6. Le gouvernement monarchique

(70.0) 70:6.1 Un gouvernement d’État efficace n’apparut qu’avec l’arrivée d’un chef ayant pleine autorité exécutive. Les hommes découvrirent que l’on ne peut avoir de gouvernement efficace qu’en conférant le pouvoir à une personnalité, et non en soutenant une idée.
 
(70.0) 70:6.2 Le pouvoir souverain prit naissance dans l’idée de l’autorité ou de la richesse des familles. Quand un roitelet patriarcal devenait un véritable roi, on l’appelait parfois “ père de son peuple ”. Plus tard, on crut que les rois étaient issus de héros. Plus tard encore, le pouvoir devint héréditaire parce que l’on croyait à l’origine divine des rois.
 
(70.0) 70:6.3 La royauté héréditaire empêchait l’anarchie qui avait précédemment sévi entre la mort d’un roi et l’élection de son successeur, et fait tant de ravages. La famille avait un chef biologique et le clan, un chef naturel sélectionné, mais la tribu et, plus tard, l’État n’avaient pas de chef naturel ; ce fut un motif supplémentaire pour rendre héréditaires les rois-chefs. L’idée des familles royales et de l’aristocratie fut également fondée sur la coutume de “ posséder un nom ” dans les clans.
 
(70.0) 70:6.4 La succession des rois fut finalement considérée comme surnaturelle. On crut que le sang royal remontait à l’époque de l’état-major matérialisé du Prince Caligastia. Les rois devinrent ainsi des personnalités fétiches et furent démesurément craints ; une forme spéciale de langage fut adoptée à l’usage de la cour. Encore récemment, on a cru que l’attouchement des rois guérissait les maladies, et certains peuples d’Urantia considèrent encore que leurs souverains ont une origine divine.
 
(70.0) 70:6.5 Le roi-fétiche d’antan était souvent gardé dans l’isolement ; on le considérait comme trop sacré pour être vu, sauf pendant les jours de fête ou saints. On choisissait ordinairement un représentant pour le personnifier ; c’est là l’origine des premiers ministres. Le premier fonctionnaire ministériel fut un administrateur des aliments ; d’autres ne tardèrent pas à suivre. Les souverains nommèrent bientôt des représentants chargés du commerce et de la religion ; le développement des cabinets ministériels fut une mesure directe pour dépersonnaliser l’autorité exécutive. Les adjoints des premiers rois formèrent la noblesse attitrée, et l’épouse du roi fut graduellement élevée à la dignité de reine à mesure que les femmes en vinrent à être plus estimées.
 
(70.0) 70:6.6 Des souverains sans scrupules acquirent de grands pouvoirs par la découverte de poisons. La magie pratiquée dans les premières cours était diabolique ; les ennemis du roi mouraient bientôt. Toutefois, les tyrans, même les plus despotes, étaient assujettis à certaines restrictions ; ils étaient au moins freinés par la peur toujours présente d’être assassinés. Les sorciers-guérisseurs, les sorciers et les prêtres ont toujours puissamment freiné les rois. Par la suite, les proprétaires fonciers, l’aristocratie, exerça une influence restrictive et, de temps à autre, les clans et tribus se soulevaient tout simplement et renversaient leurs despotes et tyrans. Quand les souverains déposés étaient condamnés à mort, on leur accordait souvent le choix de se suicider, d’où l’origine de l’ancienne popularité du suicide en certaines circonstances.
 
7. Les clubs primitifs et les sociétés secrètes

(70.0) 70:7.1 Les liens du sang déterminèrent les premiers groupes sociaux. Les clans de parenté s’agrandirent par association. Les mariages intertribaux furent l’étape suivante d’accroissement du groupe, et la tribu complexe résultante forma le premier véritable corps politique. Le progrès suivant, dans le développement social, fut l’évolution des cultes religieux et des clubs politiques. Ils apparurent, en premier lieu, comme sociétés secrètes, entièrement religieuses à l’origine. Ensuite, ils fixèrent des règles. D’abord, ce furent des clubs d’hommes ; plus tard apparurent des groupes de femmes. Bientôt, ils se divisèrent en deux classes : politico-sociale et mystico-religieuse.
 
(70.0) 70:7.2 Ces sociétés avaient de nombreuses raisons pour rester secrètes, telles que :
 
  (70.0) 70:7.3 1.La crainte d’attirer le courroux des dirigeants pour avoir violé quelque tabou.
 
  (70.0) 70:7.4 2.Le désir de pratiquer des rites religieux minoritaires.
 
  (70.0) 70:7.5 3.L’intention de préserver de précieux secrets “ d’esprits ” ou de commerce.
 
  (70.0) 70:7.6 4.Le plaisir de posséder quelque talisman ou de la connaissance d’une magie spéciale.
 
(70.0) 70:7.7 Le fait même du secret conférait à tous les membres de ces sociétés le pouvoir du mystère vis-à-vis du reste de la tribu. Le secret flatte également la vanité ; les initiés formaient l’aristocratie sociale de leur temps. Après leur initiation, les jeunes gens chassaient avec les hommes, tandis qu’auparavant ils cueillaient les légumes avec les femmes. Et l’humiliation suprême, la disgrâce vis-à-vis de la tribu, consistait à échouer aux épreuves de puberté et à être ainsi obligé de rester hors de la demeure des hommes en compagnie des femmes et des enfants, à être considéré comme efféminé. D’ailleurs les non-initiés n’avaient pas la permission de se marier.
 
(70.0) 70:7.8 Les peuples primitifs apprirent de très bonne heure à leurs jeunes adolescents à maitriser leurs impulsions sexuelles. La coutume s’établit de séparer les garçons de leurs parents à partir de la puberté jusqu’au mariage, et de confier leur éducation et leur formation aux sociétés secrètes des hommes. L’une des fonctions principales de ces clubs était de conserver un contrôle sur les jeunes gens adolescents afin d’éviter les naissances illégitimes.
 
(70.0) 70:7.9 La prostitution commercialisée débuta quand ces clubs d’hommes payèrent en argent le droit de disposer de femmes d’autres tribus. Mais les groupes primitifs étaient remarquablement exempts de licence sexuelle.
 
(70.0) 70:7.10 La cérémonie d’initiation de la puberté s’étendait généralement sur une période de cinq années. Beaucoup d’entailles douloureuses et de tortures que l’on s’infligeait soi-même faisaient partie de ces cérémonies. La circoncision fut pratiquée d’abord comme rite d’initiation dans une de ces confréries secrètes. Les marques de la tribu étaient incisées sur le corps comme faisant partie de l’initiation de la puberté ; le tatouage fut à l’origine un insigne d’appartenance. De telles tortures, ainsi que de multiples privations, avaient pour but d’endurcir ces jeunes gens, de leur donner une idée des réalités de la vie et de ses tribulations inévitables. Ce résultat est mieux atteint par les jeux athlétiques et les épreuves physiques qui furent instaurés plus tard.
 
(70.0) 70:7.11 Mais les sociétés secrètes cherchaient réellement à améliorer la moralité des adolescents. L’un des buts principaux des cérémonies de puberté était de faire comprendre aux garçons qu’ils ne devaient pas toucher aux épouses des autres hommes.
 
(70.0) 70:7.12 Après ces années de discipline et d’entrainement rigoureux, et juste avant leur mariage, on laissait généralement aux jeunes gens une courte période de loisirs et de liberté après laquelle ils revenaient se marier en acceptant pour le reste de leur vie l’asservissement aux tabous de leur tribu. Cette ancienne coutume a subsisté jusqu’aux temps modernes dans l’idée stupide de “ jeter sa gourme ”.
 
(70.0) 70:7.13 Beaucoup de tribus sanctionnèrent ultérieurement la formation de clubs secrets de femmes, dont le but était de préparer les jeunes filles adolescentes à devenir des épouses et des mères. Après leur initiation, les jeunes filles étaient éligibles pour le mariage et recevaient la permission de participer à “ la présentation des filles à marier ”, les débuts mondains de cette époque. Des ordres féminins avec vœux de célibat apparurent de bonne heure.
 
(70.0) 70:7.14 Bientôt, des clubs non secrets firent leur apparition quand des groupes masculins et féminins de célibataires formèrent leurs organisations séparées. En réalité, ces associations furent les premières écoles. Tandis que les clubs d’hommes et les clubs de femmes s’adonnaient souvent à des persécutions mutuelles, certaines tribus plus évoluées, après contact avec les éducateurs de Dalamatia, expérimentèrent l’enseignement mixte avec des internats pour chaque sexe.
 
(70.0) 70:7.15 Les sociétés secrètes contribuèrent à instaurer des castes sociales, principalement à cause du caractère mystérieux de leurs initiations. Les membres de ces sociétés portèrent d’abord des masques pour effrayer les curieux et les écarter de leurs rites de deuil - du culte des ancêtres. Ce rituel se transforma plus tard en pseudoséances au cours desquelles des fantômes étaient censés avoir apparu. Les sociétés anciennes de la “ nouvelle naissance ” utilisaient des signes et employaient un langage secret spécial ; elles proscrivaient aussi certains aliments et boissons. Elles jouaient le rôle de police de nuit et avaient, par ailleurs, une activité très étendue dans le domaine social.
 
(70.0) 70:7.16 Toutes les associations secrètes imposaient un serment à leurs adhérents, prescrivaient la confiance et enseignaient la conservation des secrets. Ces ordres secrets impressionnaient les foules et en avaient le contrôle ; ils agissaient également comme sociétés de vigilance et pratiquaient ainsi la loi de Lynch. Leurs membres furent les premiers espions des tribus en guerre et formèrent la première police secrète en temps de paix. Mieux encore, ils maintinrent les rois peu scrupuleux dans un état d’anxiété. Pour leur faire contrepoids, les rois entretinrent leur propre police secrète.
 
(70.0) 70:7.17 Ces sociétés donnèrent naissance aux premiers partis politiques. Le premier gouvernement de parti fut celui des “ forts ” contre les “ faibles ”. Dans les temps anciens, un changement d’administration ne survenait qu’après une guerre civile qui prouvait amplement que les faibles étaient devenus forts.
 
(70.0) 70:7.18 Ces clubs furent employés par les marchands pour faire rentrer leurs créances et par les souverains pour recouvrer des impôts. La taxation fiscale a été une longue lutte, dont l’une des premières formes fut la dime, le dixième du produit de la chasse ou du butin. À l’origine, les impôts furent prélevés pour maintenir le train de vie de la maison royale, mais on découvrit qu’il était plus facile de les recouvrer en les déguisant sous forme d’une offrande pour contribuer au service des temples.
 
(70.0) 70:7.19 Petit à petit, ces associations secrètes se transformèrent pour devenir les premières œuvres charitables, puis évoluèrent en sociétés religieuses primitives annonciatrices des Églises. Finalement, quelques-unes de ces sociétés devinrent communes à plusieurs tribus ; ce furent les premières confréries internationales.
 
8. Les classes sociales

(70.0) 70:8.1 L’inégalité mentale et physique des êtres humains provoque l’apparition de classes sociales. Les seuls mondes sans couches sociales sont les plus primitifs ou les plus avancés. À son aurore, une civilisation n’a pas encore commencé la différenciation des niveaux sociaux, tandis qu’un monde ancré dans la lumière et la vie a, dans une large mesure, fait disparaitre ces divisions de l’humanité, si caractéristiques de toutes les étapes intermédiaires de l’évolution.
 
(70.0) 70:8.2 À mesure que la société est sortie de la sauvagerie pour entrer dans la barbarie, ses composants humains ont tendu à se grouper en classes pour les raisons générales suivantes :
 
  (70.0) 70:8.3 1.Raisons naturelles - contact, parenté et mariage ; les premières distinctions sociales furent basées sur le sexe, l’âge et le sang - la parenté avec le chef.
 
  (70.0) 70:8.4 2.Raisons personnelles - la récognition des aptitudes, de l’endurance, de l’habileté et de la force d’âme, bientôt suivie par celle de la maitrise du langage, du savoir et de l’intelligence générale.
 
  (70.0) 70:8.5 3.Raisons de chance - la guerre et l’émigration aboutirent à séparer des groupes humains. L’évolution des classes fut fortement influencée par les conquêtes, les rapports entre vainqueurs et vaincus, tandis que l’esclavage amena la première division générale de la société entre hommes libres et serfs.
 
  (70.0) 70:8.6 4.Raisons économiques - riches et pauvres. La fortune et la possession d’esclaves furent une base qui engendra l’une des classes de la société.
 
  (70.0) 70:8.7 5.Raisons géographiques - des classes se formèrent par suite de l’établissement de la population dans des régions urbaines ou rurales. Villes et campagnes ont respectivement contribué à la différenciation entre éleveurs-cultivateurs et marchands-industriels, avec leurs réactions et leurs points de vue divergents.
 
  (70.0) 70:8.8 6.Raisons sociales - des classes se sont graduellement formées selon l’appréciation populaire de la valeur sociale de différents groupes. Parmi les première divisions de ce genre, on trouve les démarcations entre prêtres-éducateurs, chefs-guerriers, capitalistes-marchands, manœuvres ordinaires et esclaves. L’esclave ne pouvait jamais devenir un capitaliste, mais le salarié pouvait parfois entrer dans les rangs capitalistes.
 
  (70.0) 70:8.9 7.Raisons professionnelles - au fur et à mesure que les professions se multiplièrent, elles tendirent à établir des castes et des corporations. Les travailleurs se scindèrent en trois groupes : les classes professionnelles, y compris les sorciers-guérisseurs, puis les ouvriers qualifiés et enfin les manœuvres non spécialisés.
 
  (70.0) 70:8.10 8.Raisons religieuses - les premiers clubs cultuels donnèrent naissance à leurs propres classes à l’intérieur des clans et tribus ; la piété et le mysticisme ont longtemps perpétué la prêtrise en tant que groupe social distinct.
 
  (70.0) 70:8.11 9.Raisons raciales - la présence de deux ou plusieurs races, dans une nation ou une unité territoriale donnée, produit généralement des castes de couleur. Le système originel des castes aux Indes était basé sur la couleur, comme d’ailleurs celui de l’ancienne Égypte.
 
  (70.0) 70:8.12 10.Raisons d’âge - jeunesse et maturité. Dans les tribus, les garçons demeuraient sous la surveillance de leur père tant que ce dernier vivait, tandis que les filles étaient laissées aux soins de leur mère jusqu’à leur mariage.
 
(70.0) 70:8.13 Des classes flexibles et mouvantes sont indispensables à une civilisation évoluante, mais, quand les classes deviennent des castes, quand les niveaux sociaux se pétrifient, le progrès de la stabilité se paye par une déperdition de l’initiative personnelle. La caste sociale résout le problème de trouver sa place dans l’industrie, mais elle restreint considérablement le développement individuel et empêche pratiquement la coopération sociale.
 
(70.0) 70:8.14 Du fait que les classes sociales se sont formées naturellement, elles persisteront jusqu’à ce que les hommes arrivent à les faire disparaitre progressivement par évolution en manipulant avec intelligence les ressources biologiques, intellectuelles et spirituelles d’une civilisation en progrès, et notamment les suivantes :
 
  (70.0) 70:8.15 1.Le renouvèlement biologique des souches raciales - l’élimination sélective des lignées humaines inférieures. Cela tendra à effacer de nombreuses inégalités humaines.
 
  (70.0) 70:8.16 2.L’entrainement éducatif de la puissance cérébrale accrue par cette amélioration biologique.
 
  (70.0) 70:8.17 3.La stimulation religieuse des sentiments de parenté et de fraternité humaines.
 
(70.0) 70:8.18 Mais ces mesures ne peuvent porter leurs véritables fruits que dans les lointains millénaires de l’avenir, bien que d’importantes améliorations sociales doivent suivre immédiatement le maniement intelligent, sage et patient de ces facteurs accélérateurs du progrès culturel. La religion est le puissant levier qui élève la civilisation au-dessus du chaos, mais elle est impuissante sans le point d’appui d’un mental sain et normal, solidement basé sur une hérédité également saine et normale.
 
9. Les droits de l’homme

(70.0) 70:9.1 La nature ne confère aucun droit à l’homme, elle ne lui donne que la vie et un monde où la vivre. La nature ne lui assure même pas le droit de rester vivant, comme on peut s’en rendre compte en imaginant ce qui se passerait probablement si un homme sans armes rencontrait face à face un tigre affamé dans une forêt vierge. Le don primordial que la société fait aux hommes est la sécurité.
 
(70.0) 70:9.2 La société a graduellement affirmé ses droits qui, à l’heure présente, sont les suivants :
 
  (70.0) 70:9.3 1.L’assurance d’un approvisionnement en vivres.
 
  (70.0) 70:9.4 2.La défense militaire - la sécurité par l’état de préparation.
 
  (70.0) 70:9.5 3.La sauvegarde de la paix interne - la prévention contre les violences personnelles et les désordres sociaux.
 
  (70.0) 70:9.6 4.Le contrôle sexuel - le mariage, l’institution de la famille.
 
  (70.0) 70:9.7 5.La propriété - le droit de posséder.
 
  (70.0) 70:9.8 6.L’encouragement de l’émulation individuelle et collective.
 
  (70.0) 70:9.9 7.La prise de dispositions pour éduquer et former la jeunesse.
 
  (70.0) 70:9.10 8. La promotion des échanges et du commerce – le développement industriel.
 
  (70.0) 70:9.11 9.L’amélioration de la condition et de la rémunération des travailleurs.
 
  (70.0) 70:9.12 10.La garantie de la liberté des pratiques religieuses afin que toutes les autres activités sociales puissent être exaltées en devenant spirituellement motivées.
 
(70.0) 70:9.13 Quand des droits sont si anciens que l’on ne peut connaitre leur origine, ils sont souvent appelés droits naturels. Cependant, les droits humains ne sont pas réellement naturels ; ils sont entièrement sociaux. Ils sont relatifs et toujours changeants, et ne représentent rien de plus que les règles du jeu - une mise au point reconnue des rapports qui régissent les phénomènes toujours changeants de la concurrence humaine.
 
(70.0) 70:9.14 Ce que l’on peut considérer comme un droit à une époque donnée ne l’est plus à une autre. La survie d’un grand nombre de déficients et de dégénérés n’est pas due à leur droit naturel d’encombrer la civilisation du vingtième siècle, mais simplement au fait que la société de l’époque, les mœurs, l’ont ainsi décrété.
 
(70.0) 70:9.15 L’Europe du Moyen Âge reconnaissait peu de droits humains. Chaque homme appartenait alors à quelqu’un d’autre, et les droits n’étaient que des privilèges ou des faveurs accordés par l’État ou l’Église. La révolte contre cette erreur fut également une erreur parce qu’elle fit croire que tous les hommes naissent égaux.
 
(70.0) 70:9.16 Les hommes faibles et inférieurs ont toujours lutté pour avoir des droits égaux ; ils ont toujours insisté pour que l’État oblige ceux qui sont forts et supérieurs à subvenir à leurs besoins et à compenser encore autrement les insuffisances qui sont trop souvent le résultat naturel de leur propre indifférence et de leur indolence.
 
(70.0) 70:9.17 Mais cet idéal d’égalité est né de la civilisation ; il ne se trouve pas dans la nature. Même la culture démontre de manière probante l’inégalité naturelle des hommes en faisant ressortir leurs capacités inégales à l’assimiler. La réalisation soudaine et non évolutive d’une prétendue égalité naturelle ferait rapidement rétrograder les hommes civilisés aux grossiers usages et coutumes des époques primitives. La société ne peut offrir des droits égaux à tous, mais elle peut promettre d’administrer loyalement et équitablement les droits variables de chacun. La société a la responsabilité et le devoir de fournir aux enfants de la nature une occasion équitable et paisible de pourvoir à leurs besoins, de participer à l'autoperpétuation et de jouir en même temps de certaines satisfactions égoïstes, la somme de ces trois facteurs constituant le bonheur humain.
 
10. L’évolution de la justice

(70.0) 70:10.1 La justice naturelle est une théorie élaborée par les hommes ; elle n’est pas une réalité. Dans la nature, la justice est purement théorique, totalement fictive. La nature ne fournit qu’une seule sorte de justice – la conformité inévitable des résultats aux causes.
 
(70.0) 70:10.2 La justice telle que les hommes la conçoivent consiste à faire valoir ses droits, et c’est pourquoi elle est une affaire d’évolution progressive. Le concept de justice peut bien faire partie constituante d’un mental doté d’esprit, mais la justice toute faite ne surgit pas spontanément dans les mondes de l’espace.
 
(70.0) 70:10.3 L’homme primitif attribuait tous les phénomènes à une personne. Quand un sauvage trépassait, on ne se demandait pas ce qui l’avait fait périr, mais qui l’avait tué. Le meurtre accidentel n’était donc pas reconnu et, lors de la punition d’un crime, le mobile du coupable n’était aucunement pris en considération. Le jugement était rendu d’après le tort causé.
 
(70.0) 70:10.4 Dans les sociétés les plus primitives, l’opinion publique agissait directement ; il n’y avait pas besoin d’agents de justice. La vie primitive ne connaissait pas d’intimité. Les voisins d’un homme étaient responsables de sa conduite ; ils avaient donc le droit de fureter dans ses affaires personnelles. La société était réglementée d’après la théorie que la communauté des membres du groupe doit s’intéresser au comportement de chaque individu et, dans une certaine mesure, en avoir le contrôle.
 
(70.0) 70:10.5 On crut de très bonne heure que des esprits dispensaient la justice par l’entremise des sorciers-guérisseurs et des prêtres. Cela fit des membres de ces ordres les premiers détectives et agents de la loi. Leurs méthodes primitives pour découvrir les crimes consistaient à faire subir des ordalies du feu, du poison et de la douleur. Ces épreuves sauvages n’étaient rien de plus que de grossières techniques d’arbitrage ; elles ne réglaient pas nécessairement les différends avec justice. Par exemple, quand on administrait un poison, l’accusé était tenu pour innocent s’il le vomissait.
 
(70.0) 70:10.6 L’Ancien Testament relate une de ces ordalies, un test de culpabilité conjugale. Si un homme suspectait sa femme de lui être infidèle, il l’emmenait chez le prêtre et exposait ses soupçons, après quoi le prêtre préparait un breuvage composé d’eau bénite et de balayures du sol du temple. À la suite d’un cérémonial approprié comprenant des malédictions menaçantes, on obligeait la femme accusée à boire l’écœurante potion. Si elle était coupable “ l’eau qui cause la malédiction entrera en elle et deviendra amère, et son ventre enflera, et ses cuisses pourriront, et la femme sera en exécration à son peuple ”. Si par hasard une femme pouvait avaler cette immonde boisson sans montrer de symptômes de maladie physique, elle était acquittée des accusations portées par son mari jaloux.
 
(70.0) 70:10.7 Ces méthodes atroces de détection des crimes furent pratiquées à une époque ou à une autre par presque toutes les tribus en évolution. Le duel est une survivance moderne du jugement par ordalies.
 
(70.0) 70:10.8 Il ne faut pas s’étonner que les Hébreux et d’autres tribus semi-civilisées aient pratiqué ces techniques primitives d’administration de la justice il y a plus de trois-mille ans, mais il est stupéfiant que des hommes réfléchis aient ultérieurement inséré ces restes de barbarie dans les pages d’un recueil d’écrits sacrés. La simple réflexion devrait rendre évident que nul être divin n’a jamais donné aux mortels des instructions aussi injustes concernant la détection et le jugement des infidélités conjugales soupçonnées.
 
(70.0) 70:10.9 La société adopta de bonne heure l’attitude de compensation par représailles ; œil pour œil, vie pour vie. Les tribus en évolution reconnurent toutes le droit de vengeance par le sang. La vengeance devint le but de la vie primitive, mais, depuis lors, la religion a grandement modifié ces premières pratiques tribales. Les instructeurs de la religion révélée ont toujours proclamé : “ À moi la vengeance, dit le Seigneur. ” Dans les temps primitifs, les meurtres par la vengeance n’étaient pas tellement différents de ceux que l’on commet aujourd’hui en alléguant la loi non écrite.
 
(70.0) 70:10.10 Le suicide était un mode courant de représailles. Si un homme était incapable de se venger lui-même durant sa vie, il mourait persuadé qu’il pourrait revenir comme fantôme et exercer sa colère contre son ennemi. Cette croyance était très générale, et la menace de se suicider sur le seuil d’un ennemi était donc habituellement suffisante pour l’amener à composition. L’homme primitif n’attachait pas grand prix à la vie. Le suicide à propos de vétilles était commun, mais les enseignements des Dalamatiens réduisirent beaucoup cette coutume, et, à une époque plus récente, les loisirs, le confort, la religion et la philosophie se sont alliés pour rendre la vie plus douce et plus désirable. Les grèves de la faim présentent toutefois une analogie moderne avec ces anciens procédés de représailles.
 
(70.0) 70:10.11 L’une des premières expressions de progrès dans la loi tribale concernait la reprise de la vendetta comme une affaire de la tribu. Il est cependant étrange de constater que, même alors, un homme pouvait tuer sa femme sans punition, pourvu qu’il eût entièrement payé le prix de son achat. Cependant, aujourd’hui encore, les Esquimaux laissent à la famille lésée le soin de décider et d’administrer la sanction d’un crime, même s’il s’agit d’un meurtre.
 
(70.0) 70:10.12 Un autre progrès fut l’imposition d’amendes pour avoir violé un tabou, l’institution de pénalités. Ces amendes constituèrent les premiers revenus publics. La pratique de payer “ l’argent du sang ” entra également en vogue comme substitut de la vengeance du sang. Les dommages correspondants étaient habituellement payés en femmes ou en bétail ; il fallut longtemps pour que des amendes réelles, des compensations monétaires, fussent imposées comme punition d’un crime. Puisque l’idée de punition d’un crime représentait essentiellement une compensation, toutes les choses, y compris la vie humaine, finirent par avoir un prix que l’on pouvait payer à titre de dommages-intérêts. Les Hébreux furent les premiers à abolir la pratique de payer l’argent du sang. Moïse leur enseigna qu’ils ne devaient “ point prendre de rançon pour la vie d’un meurtrier coupable d’avoir tué ; il sera certainement mis à mort ”.
 
(70.0) 70:10.13 La justice fut donc exercée d’abord par la famille, ensuite par le clan et, plus tard, par la tribu. L’administration de la véritable justice date du moment où la revanche fut enlevée aux groupes privés et apparentés pour être confiée aux soins du groupe social, l’État.
 
(70.0) 70:10.14 La punition d’un coupable en le brulant vif fut jadis de pratique courante. Elle était admise par beaucoup d’anciens chefs, y compris Hammourabi et Moïse. Ce dernier ordonna que beaucoup de crimes, en particulier les crimes graves de nature sexuelle, fussent punis en brulant le coupable sur un bucher. Si “ la fille d’un prêtre ”, ou de tout autre citoyen de marque, s’adonnait publiquement à la prostitution, les Hébreux avaient coutume de la “ bruler au feu ”.
 
(70.0) 70:10.15 La trahison – le fait de “ vendre ” ou de trahir un membre de la tribu – fut le premier crime capital. Le vol du bétail était universellement puni par une exécution sommaire et, encore récemment, le vol de chevaux a été puni de la même manière. Mais, à mesure que le temps passait, on apprit que la punition du crime avait moins de valeur préventive par sa sévérité que par sa certitude et sa rapidité.
 
(70.0) 70:10.16 Quand la société ne réussit pas à punir les crimes, la rancune du groupe s’affirme généralement sous forme de lynchage. L’établissement de sanctuaires fut un moyen d’échapper à ces accès de colère collective. Le lynchage et le duel représentent le comportement des individus qui refusent d’abandonner à l’État le redressement privé.
 
11. Lois et tribunaux

(70.0) 70:11.1 Il est tout aussi difficile de faire des distinctions tranchées entre les mœurs et les lois que d’indiquer exactement, à l’aurore, à quel moment le jour a succédé à la nuit. Les mœurs sont des lois et des règlements de police en gestation. Quand elles sont établies depuis longtemps, les mœurs mal définies tendent à se cristalliser en lois précises, en règles concrètes et en conventions sociales bien précises.
 
(70.0) 70:11.2 Au commencement, la loi est toujours négative et prohibitive ; dans les civilisations en progrès, elle devient de plus en plus positive et directrice. La société primitive opérait négativement ; elle accordait à l’individu le droit de vivre en imposant à tous les autres le commandement “ Tu ne tueras point ”. Tout octroi de droits ou de libertés à un individu implique une restriction de la liberté de tous les autres, ce qui est effectué par le tabou, la loi primitive. L’idée tout entière du tabou est négative par inhérence, car la société primitive était entièrement négative dans son organisation, et l’administration primitive de la justice consistait à imposer les tabous. Mais, à l’origine, les lois ne s’appliquaient qu’aux membres de la tribu, comme on en vit plus tard un exemple chez les Hébreux qui avaient, pour traiter avec les Gentils, un code éthique différent de leur code intérieur.
 
(70.0) 70:11.3 Le serment prit naissance aux jours de Dalamatia dans un effort pour rendre les témoignages plus véridiques. Les serments consistaient alors à prononcer une malédiction sur soi-même. Auparavant, nul individu n’aurait voulu témoigner contre son groupe natal.
 
(70.0) 70:11.4 Le crime consistait en une attaque contre les mœurs de la tribu, le péché était la transgression des tabous bénéficiant de l’approbation des fantômes, et il y eut une longue confusion due à ce que l’on ne parvenait pas à séparer le crime du péché.
 
(70.0) 70:11.5 L’intérêt personnel fit instaurer le tabou interdisant de tuer, la société le sanctifia sous forme de mœurs traditionnelles, tandis que la religion en consacra la coutume comme une loi morale ; les trois facteurs contribuèrent ainsi à rendre la vie humaine plus sûre et plus sacrée. Dans les premiers temps, la société se serait désagrégée si les droits n’avaient pas eu la sanction de la religion ; la superstition fut la police morale et sociale des longs âges évolutionnaires. Les anciens prétendaient tous que leurs lois antiques, les tabous, avaient été données à leurs ancêtres par les dieux.
 
(70.0) 70:11.6 La loi est une transcription codifiée d’une longue expérience humaine, une opinion publique cristallisée et légalisée. Les mœurs furent la matière première, l’expérience accumulée, à partir de laquelle les intelligences légiférantes ultérieures formulèrent les lois écrites. Les anciens juges n’avaient pas de lois. Quand ils signifiaient une décision, ils disaient simplement : “ C’est la coutume. ”
 
(70.0) 70:11.7 La référence à des précédents, dans les décisions des tribunaux, représente l’effort des juges pour adapter les lois écrites aux conditions changeantes de la société. Elle permet l’adaptation progressive aux conditions sociales évoluantes, conjuguée avec la solennité de la continuité traditionnelle.
 
(70.0) 70:11.8 Les différends sur la propriété étaient tranchés selon des principes fort variés, tels que :
 
  (70.0) 70:11.9 1.La destruction de la propriété contestée.
 
  (70.0) 70:11.10 2.La force – les contestants en décidaient par un combat.
 
  (70.0) 70:11.11 3.L’arbitrage – une tierce partie décidait.
 
  (70.0) 70:11.12 4.L’appel aux anciens – et, plus tard, aux tribunaux.
 
(70.0) 70:11.13 Les premiers tribunaux furent des rencontres pugilistiques réglementées où les juges étaient simplement des arbitres. Ils veillaient à ce que le combat se poursuive selon les règles approuvées. Avant d’engager un combat devant le tribunal, chacun des lutteurs déposait une somme entre les mains du juge pour garantir le paiement des frais et de l’amende par le vaincu. “ La force était encore le droit. ” Plus tard, les arguments verbaux furent substitués aux coups physiques.
 
(70.0) 70:11.14 Toute l’idée de la justice primitive ne consistait pas tant à être équitable qu’à régler la contestation et à empêcher ainsi les désordres publics et la violence privée. Les hommes primitifs n’éprouvaient guère de ressentiments contre ce que l’on considérerait aujourd’hui comme une injustice ; il était admis que ceux qui disposaient du pouvoir l’emploieraient égoïstement. Néanmoins, on peut déterminer très exactement le statut de n’importe quelle civilisation par le sérieux et l’équité de ses tribunaux, et par l’intégrité de ses juges.
 
12. L’attribution de l’autorité civile

(70.0) 70:12.1 La grande lutte dans l’évolution du gouvernement a concerné la concentration du pouvoir. Les administrateurs de l’univers ont appris, par expérience, que la meilleure manière de régler la vie des peuples évolutionnaires sur les mondes habités est un gouvernement civil du type représentatif où l’équilibre du pouvoir est maintenu par une bonne coordination entre les branches exécutive, législative et judiciaire.
 
(70.0) 70:12.2 Alors que l’autorité primitive était basée sur la force, sur la puissance physique, le gouvernement idéal est le système représentatif où le commandement est fondé sur l’aptitude ; mais, en ces temps de barbarie, la guerre sévissait beaucoup trop pour permettre à un gouvernement représentatif de fonctionner efficacement. Dans la longue lutte entre la division de l’autorité et l’unité de commandement, ce furent les dictateurs qui gagnèrent. Les pouvoirs initiaux et diffus du conseil primitif des anciens se concentrèrent progressivement en la personne du monarque absolu. Après l’instauration de véritables rois, les groupes d’anciens subsistèrent comme corps consultatifs quasi législatifs-judiciaires. Plus tard, des législatures à statut coordonné firent leur apparition et, finalement, des cours suprêmes de jugement furent établies en dehors des législatures.
 
(70.0) 70:12.3 Les rois faisaient appliquer les mœurs, la loi originelle non écrite. Plus tard, ils imposèrent les actes législatifs, la cristallisation de l’opinion publique. Les assemblées populaires en tant qu’expression de l’opinion publique furent lentes à apparaitre, mais marquèrent un grand progrès social.
 
(70.0) 70:12.4 Les pouvoirs des premiers rois étaient grandement limités par les mœurs – par la tradition ou l’opinion publique. À une époque plus récente, certaines nations d’Urantia ont codifié ces mœurs en des documents formant une base pour gouverner.
 
(70.0) 70:12.5 Les mortels d’Urantia ont droit à la liberté. Il leur appartient de créer leurs systèmes gouvernementaux, d’adopter leurs constitutions ou d’autres chartes d’autorité civile et de procédure administrative. Après avoir fait cela, ils devraient choisir pour chefs exécutifs leurs compagnons les plus compétents et les plus dignes. Ils ne devraient élire, pour représentants dans la branche législative, que des personnes intellectuellement et moralement qualifiées pour en assumer les responsabilités sacrées ; et, pour juges de leurs tribunaux élevés et suprêmes, que des personnes douées d’une aptitude naturelle et rendues sages par une profonde expérience.
 
(70.0) 70:12.6 Si les hommes veulent conserver leur liberté, il leur faut, après avoir choisi leur charte de liberté, s’arranger pour qu’elle soit interprétée sagement, intelligemment et sans peur, afin d’empêcher :
 
  (70.0) 70:12.7 1.L’usurpation d’un pouvoir injustifié par la branche exécutive ou par la branche législative.
 
  (70.0) 70:12.8 2.Les machinations d’agitateurs ignorants et superstitieux.
 
  (70.0) 70:12.9 3.Le retard dans les progrès scientifiques.
 
  (70.0) 70:12.10 4.L’impasse de la domination par la médiocrité.
 
  (70.0) 70:12.11 5.La domination par des minorités corrompues.
 
  (70.0) 70:12.12 6.Le contrôle par des aspirants dictateurs ambitieux et habiles.
 
  (70.0) 70:12.13 7.Les dislocations désastreuses dues aux paniques.
 
  (70.0) 70:12.14 8.L’exploitation par des hommes sans scrupules.
 
  (70.0) 70:12.15 9.La transformation des citoyens en esclaves fiscaux de l’État.
 
  (70.0) 70:12.16 10.Le défaut d’équité sociale et économique.
 
  (70.0) 70:12.17 11.L’union de l’Église et de l’État.
 
  (70.0) 70:12.18 12.La perte de la liberté personnelle.
 
(70.0) 70:12.19 Tels sont les desseins et les buts des tribunaux constitutionnels agissant comme gouverneurs sur les rouages du gouvernement représentatif d’un monde évolutionnaire.
 
(70.0) 70:12.20 La lutte de l’humanité pour perfectionner le gouvernement sur Urantia concerne la mise au point des canaux administratifs, leur adaptation aux besoins courants en perpétuel changement, l’amélioration de la répartition des pouvoirs à l’intérieur du gouvernement, et ensuite la sélection de chefs administratifs vraiment sages. Il existe une forme de gouvernement divine et idéale, mais elle ne peut être révélée ; elle doit être lentement et laborieusement découverte par les hommes et les femmes de chaque planète dans tous les univers du temps et de l’espace.
 
(70.0) 70:12.21 [Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]
 


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69. Les institutions humaines primitives

LIVRE D'URANTIA  -  Fascicule 69. Les institutions humaines primitives

(69.0) 69:0.1 Sur le plan émotionnel, l’homme transcende ses ancêtres animaux par son aptitude à apprécier l’humour, l’art et la religion. Sur le plan social, l’homme montre sa supériorité en fabriquant des outils, en communiquant sa pensée et en établissant des institutions.
 
(69.0) 69:0.2 Quand des êtres humains restent longtemps groupés en société, ces collectivités entrainent toujours la création de certaines tendances d’activités qui culminent en institutions. Presque toutes les institutions humaines ont fait apparaitre une économie de travail tout en contribuant dans une certaine mesure à accroitre la sécurité collective.
 
(69.0) 69:0.3 L’homme civilisé tire une grande fierté du caractère, de la stabilité et de la permanence des institutions établies, mais toutes les institutions humaines ne représentent que l’accumulation des mœurs du passé telles qu’elles ont été conservées par les tabous et revêtues de dignité par la religion. Ces legs deviennent des traditions, et les traditions se métamorphosent finalement en conventions.
 
1. Les institutions humaines fondamentales

(69.0) 69:1.1 Toutes les institutions humaines répondent à quelque besoin social, passé ou présent, bien que leur développement excessif amoindrisse infailliblement la valeur propre de l’individu en éclipsant la personnalité et en restreignant les initiatives. L’homme devrait contrôler ses institutions et non se laisser dominer par ces créations d’une civilisation qui progresse.
 
(69.0) 69:1.2 Les institutions humaines appartiennent à trois classes générales :
 
  (69.0) 69:1.3 1.Les institutions d’autoconservation. Ces institutions comprennent les pratiques nées de la faim et des instincts de préservation de soi qui lui sont liés. Nous citerons l’industrie, la propriété, la guerre d’intérêt et toute la machinerie régulatrice de la société. Tôt ou tard, l’instinct de la peur conduit à établir ces institutions de survivance au moyen de tabous, de conventions et de sanctions religieuses. Mais la peur, l’ignorance et la superstition ont joué un rôle prédominant dans la création et le développement ultérieur de toutes les institutions humaines.
 
  (69.0) 69:1.4 2.Les institutions d’autoperpétuation. Ce sont les créations de la société nées de l’appétit sexuel, de l’instinct maternel et des sentiments affectifs supérieurs des races. Elles embrassent les sauvegardes sociales du foyer et de l’école, de la vie familiale, de l’éducation, de l’éthique et de la religion. Elles comprennent les coutumes du mariage, la guerre défensive et l’édification des foyers.
 
  (69.0) 69:1.5 3.Les pratiques de satisfaction égoïste. Ce sont les pratiques nées des tendances à la vanité et des sentiments d’orgueil ; elles comprennent les coutumes d’habillement et de parure personnelle, les usages sociaux, les guerres de prestige, la danse, les amusements, les jeux et d’autres formes de plaisirs sensuels. Mais la civilisation n’a jamais produit d’institutions spéciales pour les satisfactions égoïstes.
 
(69.0) 69:1.6 Ces trois groupes de pratiques sociales sont intimement reliés et interdépendants. Ils représentent sur Urantia une organisation complexe qui fonctionne comme un seul mécanisme social.
 
2. L’aurore de l’industrie

(69.0) 69:2.1 L’industrie primitive prit lentement forme comme assurance contre les terreurs de la famine. Dès le début de son existence, l’homme commença à prendre exemple sur certains animaux qui emmagasinent de la nourriture pendant les périodes de surabondance en vue des jours de pénurie.
 
(69.0) 69:2.2 Avant l’apparition de l’ancienne économie et de l’industrie primitive, les tribus étaient en général réduites au dénuement et à de véritables souffrances. L’homme primitif devait entrer en compétition avec la totalité du monde animal pour trouver sa nourriture. Le poids de la compétition entraine toujours l’homme vers le niveau de la bête ; la pauvreté est son état naturel et tyrannique. La richesse n’est pas un don de la nature ; elle résulte du travail, de la connaissance et de l’organisation.
 
(69.0) 69:2.3 L’homme primitif se rendit rapidement compte des avantages de l’association. L’association conduisit à l’organisation, et le premier résultat de l’organisation fut la division du travail, avec son économie immédiate de temps et de matériaux. Ces spécialisations du travail naquirent d’une adaptation aux pressions extérieures – suivant les lignes de moindre résistance. Les sauvages primitifs n’ont jamais volontairement ni de bonne grâce fourni un travail réel. C’est la contrainte des nécessités qui les força à s’y plier.
 
(69.0) 69:2.4 L’homme primitif détestait travailler beaucoup et ne se dépêchait jamais, à moins de se trouver en face d’un grand danger. Le temps considéré comme élément du travail, l’idée d’accomplir une tâche donnée dans une certaine limite de durée, sont des notions entièrement modernes. Les anciens n’étaient jamais pressés par le temps. Ce fut la double exigence d’une lutte intense pour l’existence et de la progression constante des niveaux de vie qui poussa les races primitives, naturellement indolentes, dans les voies de l’industrie.
 
(69.0) 69:2.5 Le travail et les efforts de conception distinguent l’homme de la bête dont les efforts sont essentiellement instinctifs. La nécessité de travailler est la plus grande bénédiction pour l’homme. Tous les membres de l’état-major du Prince travaillaient ; ils firent beaucoup pour ennoblir le travail physique sur Urantia. Adam fut un jardinier ; le Dieu des Hébreux travaillait – il était le créateur et le soutien de toutes choses. Les Hébreux furent la première tribu à attacher un prix suprême à l’industrie ; ils furent le premier peuple à décréter que “ celui qui ne travaille pas ne mangera pas ”. Mais beaucoup de religions du monde retournèrent à l’idéal primitif de l’oisiveté. Jupiter était un joyeux viveur et Bouddha devint un adepte réfléchi des loisirs.
 
(69.0) 69:2.6 Les tribus sangiks furent assez industrieuses quand elles demeurèrent loin des tropiques. Mais il y eut un très, très long combat entre les adeptes paresseux de la magie et les apôtres du travail – les prévoyants de l’avenir.
 
(69.0) 69:2.7 La première prévoyance humaine eut pour objet la conservation du feu, de l’eau et de la nourriture. Mais l’homme primitif était un joueur né ; il voulait toujours avoir quelque chose pour rien et, dans ces temps anciens, les succès obtenus par un travail assidu furent trop souvent attribués à la magie. La magie mit longtemps à céder la place à la prévoyance, à l’abnégation et à l’industrie.
 
3. La spécialisation du travail

(69.0) 69:3.1 Dans la société primitive, les divisions du travail furent déterminées par des circonstances d’abord naturelles, puis sociales. L’ordre primitif des spécialisations fut le suivant :
 
  (69.0) 69:3.2 1.La spécialisation fondée sur le sexe. Le travail de la femme se trouva déterminé par la présence sélective des enfants ; par nature, les femmes aiment davantage les bébés que ne le font les hommes. La femme devint ainsi la travailleuse routinière, tandis que l’homme chassait et combattait, passant par des périodes nettement marquées de travail et de repos.
 
  (69.0) 69:3.3 Tout au long des âges, les tabous ont contribué à maintenir strictement la femme dans son domaine propre. L’homme a fort égoïstement choisi le travail le plus agréable, laissant à la femme les corvées courantes. L’homme a toujours eu honte de faire le travail de la femme, mais la femme n’a jamais montré de répugnance à accomplir celui de l’homme. Fait étrange à noter, l’homme et la femme ont toujours travaillé de concert à construire et meubler leur foyer.
 
  (69.0) 69:3.4 2.Les modifications dues à l’âge et à la maladie. Ces différences déterminèrent la division suivante du travail : les hommes âgés et les infirmes furent chargés de bonne heure de la fabrication des outils et des armes. On les affecta plus tard à la construction des réseaux d’irrigation.
 
  (69.0) 69:3.5 3.Les différenciations fondées sur la religion. Les sorciers-guérisseurs furent les premiers êtres humains à être exemptés de travail physique ; ils furent les pionniers des professions libérales. Les forgerons formaient un petit groupe concurrent des sorciers-guérisseurs comme magiciens. Leur habileté au travail des métaux les fit craindre. Les “ forgerons blancs ” et les “ forgerons noirs ” donnèrent naissance à la croyance primitive aux magies blanche et noire. Cette croyance s’attacha plus tard à la superstition des bons et des mauvais fantômes, des bons et des mauvais esprits.
 
  (69.0) 69:3.6 Les forgerons furent le premier groupe non religieux à bénéficier de privilèges spéciaux. Ils étaient considérés comme neutres pendant les guerres, et ces loisirs supplémentaires les conduisirent à devenir, en tant que classe, les politiciens de la société primitive. Mais les forgerons abusèrent grossièrement de leurs privilèges et devinrent l’objet d’une haine universelle que leurs concurrents les sorciers-guérisseurs s’empressèrent d’attiser. Dans cette première épreuve de force entre la science et la religion, la religion, ou plutôt la superstition, triompha. Après avoir été chassés des villages, les forgerons tinrent les premières auberges, les premières hôtelleries aux abords des agglomérations.
 
  (69.0) 69:3.7 4.Les maitres et les esclaves. Les relations entre vainqueurs et vaincus produisirent une nouvelle différenciation du travail, qui signifia le commencement de l’esclavage humain.
 
  (69.0) 69:3.8 5.Les différenciations fondées sur divers dons physiques et mentaux. Les différences inhérentes aux hommes favorisèrent d’autres divisions du travail, tous les êtres humains ne naissent pas égaux.
 
(69.0) 69:3.9 Les premiers spécialistes de l’industrie furent les tailleurs de silex et les maçons, puis vinrent les forgerons. Ensuite, les spécialisations collectives se développèrent ; des familles et des clans entiers se vouèrent à certains genres de travaux. L’origine de l’une des plus anciennes castes de prêtres, en dehors des sorciers-guérisseurs tribaux, provint de la glorification superstitieuse d’une famille de remarquables fabricants de sabres.
 
(69.0) 69:3.10 Les premiers spécialistes collectifs de l’industrie furent les exportateurs de sel gemme et les potiers. Les femmes fabriquaient la poterie simple et les hommes, la poterie de fantaisie. Dans certaines tribus, le tissage et la couture étaient faits par les femmes, dans d’autres, par les hommes.
 
(69.0) 69:3.11 Les premiers commerçants furent des femmes ; elles étaient employées comme espionnes, et leur commerce était un accessoire. Le commerce prit bientôt de l’expansion, les femmes servant d’intermédiaires, de revendeurs. Puis apparut une classe de marchands qui prirent une commission, un bénéfice, pour leurs services. La croissance du troc entre groupes donna naissance au commerce, et l’échange de la main-d’œuvre spécialisée suivit l’échange des denrées.
 
4. Les débuts du commerce

(69.0) 69:4.1 De même que le mariage par contrat fit suite au mariage par capture, de même le commerce par échange suivit la saisie par raids. Mais une longue période de piraterie intervint entre les pratiques primitives du troc silencieux et le commerce ultérieur par des méthodes d’échanges modernes.
 
(69.0) 69:4.2 Les premiers trocs furent effectués par des commerçants armés qui laissaient leurs biens en un point neutre. Les femmes tinrent les premiers marchés ; elles furent les commerçants les plus anciens parce que c’étaient elles qui portaient les fardeaux ; les hommes étaient des guerriers. Les comptoirs de vente apparurent très tôt sous forme de murs suffisamment larges pour empêcher les commerçants de s’atteindre mutuellement avec leurs armes.
 
(69.0) 69:4.3 On se servait d’un fétiche pour monter la garde auprès des biens déposés pour le troc silencieux. Ces lieux de marché étaient à l’abri du vol ; rien ne pouvait en être retiré qui ne fût troqué ou vendu ; avec un fétiche de garde, les biens étaient toujours en sureté. Les premiers commerçants étaient scrupuleusement honnêtes au sein de leurs propres tribus, mais trouvaient tout à fait normal de tromper des étrangers éloignés. Les premiers Hébreux eux-mêmes observaient un code éthique distinct pour leurs affaires avec les Gentils.
 
(69.0) 69:4.4 Le troc silencieux se perpétua pendant des âges avant que les hommes n’acceptent de se réunir sans armes sur la place sacrée du marché. Ces mêmes places de marchés devinrent les premiers emplacements de sanctuaires et furent connues plus tard, dans certaines régions, comme “ villes de refuge ”. Tout fugitif atteignant le lieu du marché était sain et sauf, à l’abri de toute attaque.
 
(69.0) 69:4.5 Les premiers poids utilisés furent des grains de blé et d’autres céréales. La première monnaie d’échange fut un poisson ou une chèvre. Plus tard, la vache devint une unité de troc.
 
(69.0) 69:4.6 L’écriture moderne a son origine dans les premiers enregistrements commerciaux ; la première littérature de l’homme fut un document poussant au commerce, une publicité pour le sel. Beaucoup de guerres primitives furent livrées pour la possession de gisements naturels, par exemple de silex, de sel ou de métaux. Le premier traité officiel signé entre des tribus concernait l’exploitation en commun d’un gisement de sel. Ces lieux de traités fournirent à des tribus variées des occasions de se mêler et d’échanger amicalement et pacifiquement des idées.
 
(69.0) 69:4.7 L’écriture progressa en passant par les stades “ du bâton-message ”, des cordes à nœuds, des dessins figuratifs, des hiéroglyphes et des wampums (ceintures de coquillages) avant d’atteindre les alphabets symboliques primitifs. La transmission des messages se fit d’abord au moyen de signaux de fumée, puis de coureurs, de cavaliers, de chemins de fer et d’avions, de même que par le télégraphe, le téléphone et les radiocommunications.
 
(69.0) 69:4.8 Les commerçants de l’antiquité firent circuler, dans le monde habité, des idées nouvelles et des méthodes améliorées. Le commerce, lié à l’aventure, conduisit à l’exploration et à la découverte. Et tout ceci donna naissance aux moyens de transport. Le commerce a été le grand civilisateur en provoquant la fécondation croisée des cultures.
 
5. Les débuts du capital

(69.0) 69:5.1 Le capital est un travail comportant renonciation au présent en faveur de l’avenir. Les économies représentent une forme d’assurance pour l’entretien et la survivance. La thésaurisation de la nourriture développa la maitrise de soi et créa les premiers problèmes de capital et de travail. L’homme qui possédait de la nourriture, en admettant qu’il puisse la protéger contre les voleurs, avait un net avantage sur celui qui n’en avait pas.
 
(69.0) 69:5.2 Le banquier primitif était l’homme le plus vaillant de la tribu. Il gardait en dépôt les trésors du groupe, et le clan tout entier était prêt à défendre sa hutte en cas d’attaque. L’accumulation des capitaux individuels et des richesses collectives conduisit donc immédiatement à une organisation militaire. À l’origine, ces précautions étaient destinées à défendre la propriété contre les pillards étrangers, mais on prit bientôt l’habitude de maintenir l’entrainement de l’organisation militaire en lançant des raids sur les propriétés et les richesses des tribus voisines.
 
(69.0) 69:5.3 Les mobiles essentiels de l’accumulation du capital furent :
 
  (69.0) 69:5.4 1.La faim - associée à la prévoyance. L’économie et la conservation de la nourriture signifiaient puissance et confort pour ceux qui étaient assez prévoyants pour pourvoir ainsi aux besoins futurs. Le stockage de la nourriture était une bonne assurance contre les risques de famine et de désastre. Tout l’ensemble des mœurs primitives avait en réalité pour but d’aider les hommes à subordonner le présent à l’avenir.
 
  (69.0) 69:5.5 2.L’amour de la famille - le désir de pourvoir à ses besoins. Le capital représente l’épargne d’un bien malgré la pression des nécessités du jour, afin de s’assurer contre les exigences de l’avenir. Une partie de ce besoin à venir peut concerner la postérité de l’épargnant.
 
  (69.0) 69:5.6 3.La vanité - le désir de faire étalage de l’accumulation de ses biens. La possession de vêtements de rechange fut l’une des premières marques de distinction. La vanité du collectionneur flatta de bonne heure l’orgueil des hommes.
 
  (69.0) 69:5.7 4.Le rang social - le vif désir d’acheter un prestige social et politique. Une noblesse commercialisée surgit très tôt ; l’admission dans ses rangs dépendait de services particuliers rendus à la royauté ou était ouvertement accordée contre un versement d’argent.
 
  (69.0) 69:5.8 5.Le pouvoir - la soif d’être le maitre. Le prêt de trésors était employé comme moyen d’asservissement, car, dans ces temps anciens, le taux de l’intérêt était de cent pour cent par an. Les prêteurs se faisaient eux-mêmes rois en se créant une armée permanente de débiteurs. Les serviteurs esclaves comptèrent parmi les premières formes de propriété que l’on accumulait. Dans l’antiquité, l’esclavage pour dettes s’étendait même jusqu’à la possession du corps après la mort.
 
  (69.0) 69:5.9 6.La peur des fantômes des morts - le salaire payé aux prêtres pour être protégé. Les hommes commencèrent de bonne heure à faire des présents funéraires aux prêtres avec l’idée que cet emploi de leurs biens faciliterait leurs progrès dans la vie future. Les prêtres devinrent ainsi très riches ; ils furent les magnats des capitalistes d’autrefois.
 
  (69.0) 69:5.10 7.Le désir sexuel - le désir d’acheter une ou plusieurs femmes. La première forme de commerce entre les hommes fut l’échange de femmes ; il précéda de beaucoup le commerce des chevaux. Mais jamais le troc d’esclaves pour des raisons sexuelles n’a fait progresser la société ; un tel trafic fut et est toujours une honte raciale, car il a toujours et simultanément gêné le développement de la vie familiale et pollué les aptitudes biologiques des peuples supérieurs.
 
  (69.0) 69:5.11 8.Les nombreuses formes de satisfaction égoïste. Certains ont cherché la fortune parce qu’elle conférait le pouvoir ; d’autres peinèrent pour acquérir des biens parce que cela leur rendait la vie facile. Les hommes primitifs (et d’autres plus tard) avaient tendance à dilapider leurs ressources en luxe. Les boissons alcooliques et les drogues piquaient la curiosité des races primitives.
 
(69.0) 69:5.12 À mesure que la civilisation se développa, les hommes eurent de nouvelles raisons d’épargner ; de nouveaux besoins s’ajoutaient rapidement à la faim originelle. La pauvreté devint un tel sujet d’horreur que seuls les riches étaient censés aller directement au ciel quand ils mouraient. La propriété devint une valeur si respectée qu’il suffisait de donner un festin prétentieux pour effacer le déshonneur d’un nom.
 
(69.0) 69:5.13 L’accumulation des richesses devint rapidement la marque de la distinction sociale. Dans certaines tribus, des individus allaient jusqu’à amasser des biens pendant des années uniquement pour faire sensation en les brulant à l’occasion de quelque fête ou en les distribuant largement aux membres de leur tribu. Cela en faisait de grands hommes. Les peuples modernes eux-mêmes se complaisent en de somptueuses distributions de cadeaux de Noël, tandis que les hommes riches dotent les grandes institutions philanthropiques et éducatives. Les techniques de l’homme varient, mais sa nature ne change aucunement.
 
(69.0) 69:5.14 Il est toujours équitable de rappeler que bien des hommes riches de l’antiquité distribuèrent une grande partie de leur fortune par peur d’être tués par ceux qui convoitaient leurs trésors. Des hommes fortunés sacrifiaient communément des vingtaines d’esclaves pour montrer leur dédain des richesses.
 
(69.0) 69:5.15 Bien que le capital ait contribué à libérer les hommes, il a énormément compliqué leur organisation sociale et industrielle. Son emploi abusif par des capitalistes injustes n’infirme pas le fait que le capital est la base de la société industrielle moderne. Grâce à lui et aux inventions, la génération actuelle jouit d’un degré de liberté qui n’a jamais été atteint auparavant sur terre. Nous notons cela comme un fait et non pour justifier les nombreux abus que des personnes égoïstes et inconséquentes, qui en ont la garde, font du capital.
 
6. L’importance du feu dans la civilisation

(69.0) 69:6.1 La société primitive avec ses quatre divisions – industrielle, régulatrice, religieuse et militaire – se forma en employant le feu, les animaux, les esclaves et la propriété.
 
(69.0) 69:6.2 La capacité de faire du feu a séparé, d’un seul coup et pour toujours, l’homme de l’animal ; c’est l’invention ou la découverte humaine fondamentale. Le feu permit à l’homme de demeurer sur le sol la nuit, car tous les animaux en ont peur. Le feu encouragea les rapports sociaux à la tombée du jour. Non seulement il protégeait du froid et des bêtes féroces, mais il était aussi employé comme protection contre les fantômes. On rechercha d’abord sa lumière plutôt que sa chaleur ; beaucoup de tribus arriérées refusent encore aujourd’hui de dormir sans qu’une flamme brule toute la nuit.
 
(69.0) 69:6.3 Le feu fut un grand civilisateur, car il fournit à l’homme le premier moyen d’être altruiste sans rien perdre ; un homme pouvait offrir des braises à un voisin sans se priver lui-même de feu. Au foyer familial, le feu était entretenu par la mère ou par la fille ainée ; il fut le premier éducateur, car il exigeait de la vigilance et de la fiabilité. Le foyer primitif n’était pas constitué par une construction, mais par la famille elle-même réunie autour du feu, de l’âtre familial. Quand un fils fondait un nouveau foyer, il emportait un brandon de l’âtre familial.
 
(69.0) 69:6.4 Bien qu’Andon, l’inventeur du feu, eût évité de le traiter comme un objet d’adoration, beaucoup de ses descendants considérèrent la flamme comme un fétiche ou un esprit. Ils ne surent pas tirer bénéfice du feu pour l’hygiène, car ils se refusaient à bruler leurs détritus. L’homme primitif craignait le feu et cherchait toujours à le garder dans de bonnes dispositions ; c’est pourquoi il l’aspergeait d’encens. En aucune circonstance les anciens n’auraient craché dans un feu, pas plus qu’ils n’auraient passé entre quelqu’un et un feu allumé. L’humanité primitive tenait même pour sacrés les pyrites de fer et les silex utilisés pour allumer le feu.
 
(69.0) 69:6.5 C’était un péché d’éteindre une flamme ; si une hutte prenait feu, on la laissait bruler. Les feux des temples et des sanctuaires étaient sacrés et ne devaient jamais s’éteindre. On avait cependant coutume de rallumer de nouveaux feux chaque année ou après une calamité quelconque. Les femmes furent choisies comme prêtresses parce qu’elles étaient les gardiennes des feux familiaux.
 
(69.0) 69:6.6 Les premiers mythes sur le feu descendu de chez les dieux naquirent de l’observation d’incendies provoqués par la foudre. Les idées sur l’origine surnaturelle du feu conduisirent directement à son adoration, et le culte du feu donna naissance à la coutume du “ passage dans les flammes ”, pratique qui fut conservée jusqu’à l’époque de Moïse. L’idée que l’on passe à travers le feu après la mort persiste toujours. Le mythe du feu fut un grand lien dans les temps primitifs et subsiste encore dans le symbolisme des Parsis.
 
(69.0) 69:6.7 Le feu conduisit à la cuisson des aliments ; “ mange-cru ” devint un terme de dérision. La cuisson diminua la dépense d’énergie vitale nécessaire pour digérer la nourriture et laissa ainsi à l’homme primitif quelques forces pour se cultiver socialement ; en même temps, l’élevage réduisait l’effort indispensable pour se procurer des aliments et donnait du temps pour les activités sociales.
 
(69.0) 69:6.8 Il ne faut pas oublier que le feu ouvrit la porte à la métallurgie et conduisit subséquemment à la découverte de la puissance de la vapeur et, de nos jours, aux utilisations de l’électricité.
 
7. L’emploi des animaux

(69.0) 69:7.1 À l’origine, le monde animal tout entier était l’ennemi de l’homme ; les êtres humains durent apprendre à se protéger contre les bêtes. L’homme commença par manger les animaux, mais apprit plus tard à les domestiquer et à les dresser pour le servir.
 
(69.0) 69:7.2 La domestication des animaux apparut fortuitement. Les sauvages chassaient les troupeaux à peu près comme les Indiens américains chassaient le bison. En encerclant le troupeau, ils pouvaient garder le contrôle des animaux et ne les tuer que dans la mesure où ils en avaient besoin pour se nourrir. Ils construisirent plus tard des enclos et capturèrent des troupeaux entiers.
 
(69.0) 69:7.3 Il fut facile d’apprivoiser certains animaux, mais beaucoup d’entre eux, à l’instar des éléphants, ne se reproduisaient pas en captivité. On découvrit bientôt que certaines espèces supportaient la présence de l’homme et se reproduisaient en captivité. La domestication des animaux s’instaura ainsi par l’élevage sélectif, art qui a fait de grands progrès depuis l’époque de Dalamatia.
 
(69.0) 69:7.4 Le chien fut le premier animal à être domestiqué ; la difficile expérience de son dressage commença lorsqu’un certain chien, après avoir accompagné un chasseur toute une journée, le suivit jusque chez lui. Pendant des générations, le chien servit de nourriture, pour la chasse et les transports, et d’animal de compagnie. À l’origine, les chiens ne faisaient que hurler, mais plus tard ils apprirent à aboyer. Le flair subtil du chien fit naitre l’idée qu’il était capable de voir les esprits, et c’est ainsi qu’apparut le culte du chien-fétiche. L’emploi de chiens de garde permit pour la première fois au clan tout entier de dormir la nuit. On prit alors l’habitude d’employer des chiens de garde pour protéger le foyer contre les esprits aussi bien que contre les ennemis matériels. Quand le chien aboyait, c’était signe qu’un homme ou une bête approchait, mais, quand il hurlait, les esprits ne devaient pas être loin. Même aujourd’hui, beaucoup de gens croient encore que le hurlement d’un chien la nuit est un signe de mort.
 
(69.0) 69:7.5 Tant que les hommes furent des chasseurs, ils restèrent assez bons pour les femmes, mais, après la domestication des animaux, alors que régnait en outre la confusion de Caligastia, beaucoup de tribus traitèrent leurs femmes d’une façon honteuse, en n’ayant pas beaucoup plus d’égards pour elles que pour leurs animaux. Les traitements brutaux infligés aux femmes par les hommes constituent l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire humaine.
 
8. L’esclavage en tant que facteur de civilisation

(69.0) 69:8.1 Les hommes primitifs n’hésitèrent jamais à réduire leurs compagnons en esclavage. La femme fut le premier esclave, un esclave familial. Les peuplades pastorales asservirent les femmes en en faisant des partenaires sexuelles inférieures. Cette sorte d’esclavage sexuel découla directement de l’indépendance accrue de l'homme par rapport à la femme.
 
(69.0) 69:8.2 Il n’y a pas si longtemps, l’esclavage était le sort des prisonniers de guerre qui refusaient la religion de leurs vainqueurs. Dans les temps les plus anciens, les captifs étaient mangés ou torturés à mort, ou contraints de se combattre mutuellement, ou sacrifiés aux esprits, ou réduits en esclavage. L’esclavage fut un grand progrès sur le massacre des vaincus et le cannibalisme.
 
(69.0) 69:8.3 L’esclavage fut un pas en avant vers un traitement plus clément des prisonniers de guerre. L’embuscade d’Aï, suivie du massacre total des hommes, des femmes et des enfants, le roi seul étant épargné pour satisfaire la vanité du vainqueur, est une image fidèle des boucheries barbares auxquelles se livraient même des peuples supposés civilisés. Le coup de main contre Og, roi de Basan, fut tout aussi brutal et radical. Les Hébreux “ détruisaient complètement ” leurs ennemis et s’emparaient de tous leurs biens à titre de butin. Ils imposaient un tribut à toutes les villes sous peine de “ destruction de tous les mâles ”. Mais beaucoup de tribus de la même époque manifestaient moins d’égoïsme tribal et avaient depuis longtemps commencé à adopter les captifs supérieurs.
 
(69.0) 69:8.4 Les chasseurs, par exemple les hommes rouges américains, ne pratiquaient pas l’esclavage. Ils adoptaient leurs captifs ou bien ils les tuaient. L’esclavage n’était pas répandu chez les peuples pasteurs parce qu’ils avaient besoin de peu d’ouvriers. En temps de guerre, les peuplades de bergers avaient l’habitude de tuer tous les hommes captifs et de n’emmener en esclavage que les femmes et les enfants. Le code de Moïse contenait des dispositions spécifiques pour que ces captives deviennent des épouses. Si elles ne plaisaient pas, les Hébreux avaient le droit de les chasser, mais ils n’avaient pas le droit de vendre comme esclaves de telles épouses répudiées – ce fut au moins un progrès de la civilisation. Bien que le niveau social des Hébreux fût grossier, il était malgré tout très supérieur à celui des tribus environnantes.
 
(69.0) 69:8.5 Les pasteurs furent les premiers capitalistes ; leurs troupeaux représentaient un capital, et ils vivaient sur l’intérêt – le croit naturel. Ils n’étaient guère enclins à confier ces richesses aux soins d’esclaves ou de femmes. Plus tard, ils firent des prisonniers masculins, qu’ils forcèrent à cultiver le sol. Telle est l’origine première du servage – l’homme attaché à la terre. Les Africains apprenaient facilement à travailler la terre, et c’est pourquoi ils devinrent la grande race esclave.
 
(69.0) 69:8.6 L’esclavage fut un maillon indispensable dans la chaine de la civilisation humaine. Il constitua le pont sur lequel la société passa du chaos et de l’indolence à l’ordre et aux activités de la civilisation ; il contraignit au travail les peuples arriérés et paresseux, ce qui procura à leurs supérieurs les richesses et les loisirs permettant le progrès social.
 
(69.0) 69:8.7 L’institution de l’esclavage força l’homme à inventer les mécanismes régulateurs de la société primitive ; elle donna naissance aux premières formes de gouvernement. L’esclavage exige une forte réglementation ; il disparut pratiquement pendant le Moyen-Âge européen parce que les seigneurs féodaux ne pouvaient plus contrôler leurs esclaves. Les tribus arriérées des anciens temps, tout comme les aborigènes australiens d’aujourd’hui, n’eurent jamais d’esclaves.
 
(69.0) 69:8.8 Il est vrai que l’esclavage fut opprimant, mais c’est à l’école de l’oppression que les hommes apprirent l’industrie. Les esclaves partagèrent, en fin de compte, les bienfaits d’une société supérieure qu’ils avaient bien involontairement contribué à bâtir. L’esclavage crée une organisation culturelle et des réalisations sociales, mais attaque bientôt insidieusement la société par l’intérieur et se révèle la plus grave des maladies sociales destructrices.
 
(69.0) 69:8.9 Les inventions mécaniques modernes ont rendu l’esclavage suranné. L’esclavage, comme la polygamie, est en voie de disparaitre parce qu’il ne paie pas. Par contre, il s’est toujours révélé désastreux de libérer d’un seul coup un grand nombre d’esclaves ; leur émancipation progressive donne lieu à moins de troubles.
 
(69.0) 69:8.10 À l’heure actuelle, les hommes ne sont plus des esclaves sociaux, mais des milliers de personnes permettent à l’ambition de les asservir par des dettes. L’esclavage involontaire a cédé la place à une forme nouvelle et améliorée de servitude industrielle modifiée.
 
(69.0) 69:8.11 Bien que l’idéal de la société soit la liberté universelle, l’oisiveté ne devrait jamais être tolérée. Toute personne valide devrait être forcée d’accomplir une quantité de travail au moins suffisante pour la faire vivre.
 
(69.0) 69:8.12 La société moderne fait marche arrière. L’esclavage a presque disparu ; les animaux domestiques sont en train d’en faire autant, et la civilisation revient au feu – au monde inorganique – pour l’énergie dont elle a besoin. L’homme est sorti de l’état sauvage grâce au feu, à l’esclavage et aux animaux. Aujourd’hui, il reprend la route inverse ; il rejette le concours des esclaves et l’assistance des animaux, et cherche à arracher aux réserves élémentaires de la nature de nouveaux secrets et de nouvelles sources de richesses et de puissance.
 
9.La propriété privée

(69.0) 69:9.1 Bien que la société primitive fût pratiquement communautaire, les hommes primitifs ne pratiquaient pas les doctrines modernes du communisme. Le communisme de ces premiers temps n’était ni une pure théorie ni une doctrine sociale ; il était un ajustement automatique simple et pratique. Ce communisme empêchait le paupérisme et la misère. La mendicité et la prostitution étaient à peu près inconnues dans ces anciennes tribus.
 
(69.0) 69:9.2 Le communisme primitif ne nivela pas spécialement les hommes par le bas ; il n’exalta pas la médiocrité, mais donna une prime à l’oisiveté et à la paresse, étouffa l’industrie et détruisit l’ambition. Le communisme fut l’échafaudage indispensable à la croissance de la société primitive, mais il céda la place à l’évolution d’un ordre social plus élevé, parce qu’il allait à l’encontre de quatre puissantes inclinations humaines :
 
  (69.0) 69:9.3 1.La famille. L’homme ne cherche pas seulement à accumuler des biens ; il désire léguer son capital à sa progéniture. Mais, dans la société communautaire primitive, le capital laissé par un homme au moment de sa mort était soit consommé immédiatement, soit réparti entre les membres de son groupe. On n’héritait pas d’une propriété - les droits successoraux étaient de cent pour cent. La coutume ultérieure d’accumuler des capitaux et de transmettre la propriété par héritage représenta un progrès social très net, et ceci en dépit des grossiers abus ultérieurs accompagnant le mauvais emploi du capital.
 
  (69.0) 69:9.4 2.Les tendances religieuses. L’homme primitif voulait également se constituer une propriété comme un point de départ pour sa vie dans sa prochaine existence. Ce mobile explique pourquoi l’on garda si longtemps la coutume d’ensevelir les biens personnels d’un défunt avec lui. Les anciens croyaient que seuls les riches survivaient à la mort avec quelque dignité et plaisir dans l’immédiat. Ceux qui enseignèrent les religions révélées, et plus spécialement les éducateurs chrétiens, furent les premiers à proclamer que les pauvres pouvaient obtenir leur salut dans les mêmes conditions que les riches.
 
  (69.0) 69:9.5 3.Le désir de liberté et de loisirs. Aux premiers temps de l’évolution sociale, la mainmise du groupe sur les revenus individuels était pratiquement une forme d’esclavage ; le travailleur devenait l’esclave de l’oisif. La faiblesse autodestructrice de ce communisme fut que les imprévoyants prirent l’habitude de vivre aux crochets des économes. Même dans les temps modernes, les imprévoyants comptent sur l’état (sur les contribuables économes) pour prendre soin d’eux. Ceux qui n’ont pas de capitaux s’attendent toujours à être nourris par ceux qui en ont.
 
  (69.0) 69:9.6 4.Le besoin de sécurité et de puissance. Le communisme fut finalement éliminé par les fraudes d’individus progressistes et prospères qui eurent recours à divers subterfuges pour éviter de devenir esclaves des paresseux oisifs de leur tribu. Au début, toute thésaurisation fut secrète, car l’insécurité des temps primitifs empêchait d’accumuler visiblement des capitaux. Même plus tard, il fut extrêmement dangereux d’amasser de trop grandes richesses ; on était sûr que le roi forgerait quelque accusation pour confisquer les biens d’un homme fortuné. D’ailleurs, quand un homme riche mourait, les funérailles étaient retardées jusqu’à ce que la famille ait fait don d’une forte somme à une institution publique ou au roi, ce qui était une forme de taxe successorale.
 
(69.0) 69:9.7 Dans les tout premiers temps, les femmes étaient propriété de la communauté et la mère dominait la famille. Les chefs primitifs possédaient toutes les terres et étaient propriétaires de toutes les femmes ; un mariage ne pouvait se conclure sans le consentement du chef de la tribu. Quand le communisme disparut, les femmes devinrent propriété individuelle, et le père de famille assuma peu à peu le pouvoir domestique. C’est ainsi que le foyer apparut ; les coutumes prédominantes de polygamie furent progressivement remplacées par la monogamie. (La polygamie est la survivance du concept d’esclavage de la femme dans le mariage. La monogamie est l’idéal, libre de tout esclavage, de l’association incomparable d’un seul homme et d’une seule femme dans la merveilleuse entreprise d’édifier un foyer, d’élever des enfants, de se cultiver mutuellement et de s’améliorer.)
 
(69.0) 69:9.8 À l’origine, tous les biens, y compris les outils et les armes, étaient propriété commune de la tribu. La propriété privée comprit d’abord toutes les choses qu’un individu avait personnellement touchées. Si un étranger buvait dans une coupe, cette coupe était désormais la sienne. Plus tard, toute place où du sang avait été versé devenait la propriété de la personne ou du groupe blessé.
 
(69.0) 69:9.9 La propriété privée fut donc respectée à l’origine parce qu’on la supposait chargée d’une certaine partie de la personnalité de son possesseur. L’honnêteté à l’égard de la propriété reposait en sécurité sur cette superstition ; nulle police n’était nécessaire pour protéger les biens personnels. Il n’y avait pas de vols à l’intérieur du groupe, mais les hommes n’hésitaient pas à s’approprier les biens des autres tribus. Les relations de propriété ne prenaient pas fin avec la mort ; de bonne heure, les effets personnels furent brulés, puis ensevelis avec le défunt et, plus tard, hérités par la famille survivante ou par la tribu.
 
(69.0) 69:9.10 Les effets personnels d’ordre ornemental tirèrent leur origine du port d’amulettes ; la vanité doublée de la peur des fantômes amena les hommes primitifs à résister à toute tentative de les délester de leurs amulettes favorites auxquelles ils attribuaient plus de valeur qu’au nécessaire.
 
(69.0) 69:9.11 L’emplacement où il dormait fut l’une des premières propriétés de l’homme. Plus tard, des domiciles furent attribués par le chef de la tribu, qui détenait toute la propriété foncière pour le compte du groupe. Bientôt, l’emplacement du feu conféra la propriété. Plus tard encore, un puits constitua un droit sur les terres attenantes.
 
(69.0) 69:9.12 Les trous d’eau et les puits figurèrent parmi les premières possessions privées. Toutes les pratiques fétichistes furent employées pour protéger les trous d’eau, les puits, les arbres, les récoltes et le miel. Quand la foi dans les fétiches disparut, des lois furent élaborées pour protéger la propriété privée. Mais les lois sur les gibiers, les droits de chasse, précédèrent de beaucoup les lois foncières. Les hommes rouges américains ne comprirent jamais la propriété privée des terres ; ils ne pouvaient saisir le point de vue de l’homme blanc.
 
(69.0) 69:9.13 La propriété privée fut marquée de bonne heure par des insignes de famille, lointaine origine des emblèmes héraldiques. Les biens fonciers pouvaient aussi être placés sous la garde des esprits. Les prêtres “ consacraient ” un terrain qui reposait alors sous la protection des tabous magiques érigés sur lui. On disait des propriétaires de ce terrain qu’ils avaient un “ titre de prêtre ”. Les Hébreux portaient un grand respect à ces bornes familiales : “ Maudit soit celui qui déplace la borne de son voisin. ” Ces jalons de pierre portaient les initiales du prêtre. Les arbres eux-mêmes devenaient propriété privée quand ils étaient marqués d’initiales.
 
(69.0) 69:9.14 Dans les temps primitifs, seules les récoltes étaient propriétés privées, mais des récoltes successives conféraient un droit ; l’agriculture fut ainsi la genèse de la propriété privée des terres. Les individus ne reçurent d’abord une terre que pour la durée de leur vie ; à leur mort, la terre revenait à la tribu. Les tout premiers droits fonciers donnés aux individus par la tribu furent des tombeaux - des cimetières familiaux. À une époque plus récente, la terre appartint à ceux qui l’entourèrent d’une barrière. Mais les villes se réservèrent toujours certaines terres comme pâtures publiques et pour servir en cas de siège ; les “ terrains communaux ” sont la survivance des formes primitives de propriété collective.
 
(69.0) 69:9.15 Ce fut finalement l’État qui attribua la propriété aux individus, en se réservant le droit de lever des impôts. Une fois qu’ils eurent assuré leurs titres, les propriétaires fonciers purent percevoir des loyers, et la terre devint une source de revenus – un capital. Finalement, la terre devint vraiment négociable, avec des ventes, des transferts, des hypothèques et des forclusions.
 
(69.0) 69:9.16 La propriété privée accrut la liberté et renforça la stabilité ; mais la possession privée de la terre ne reçut de sanction sociale qu’après l’échec du contrôle et de la direction par la communauté. Elle fut bientôt suivie de l’apparition successive d’esclaves, de serfs et de classes sociales dépourvus de terres. Mais le perfectionnement du machinisme délivre progressivement l’homme de l’esclavage des travaux serviles.
 
(69.0) 69:9.17 Le droit de propriété n’est pas absolu ; il est purement social. Mais les gouvernements, les lois, l’ordre, les droits civils, les libertés sociales, les conventions, la paix et le bonheur que connaissent les peuples modernes se sont tous développés autour de la propriété privée des biens.
 
(69.0) 69:9.18 L’ordre social actuel n’est pas nécessairement juste - il n’est ni divin ni sacré - mais l’humanité fera bien d’aller lentement pour procéder à des modifications. Le système que vous avez mis en place est bien supérieur à tous ceux qu’ont connus vos ancêtres. Quand vous changerez l’ordre social, assurez-vous que vous le ferez pour un ordre meilleur. Ne vous laissez pas convaincre d’expérimenter avec les formules rejetées par vos aïeux. Allez de l’avant, ne reculez pas ! Laissez l’évolution se poursuivre ! Ne faites pas un pas en arrière.
 
(69.0) 69:9.19 [Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]
 


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68. L’aurore de la civilisation

LIVRE D'URANTIA  -  Fascicule 68. L’aurore de la civilisation

(68.0) 68:0.1 Voici le commencement du récit du long, très long combat de l’espèce humaine allant de l’avant, partant d’un statut à peine meilleur qu’une existence animale, et passant par les âges intermédiaires pour arriver aux temps plus récents où une civilisation réelle, bien qu’imparfaite, s’était développée parmi les races supérieures de l’humanité.
 
(68.0) 68:0.2 La civilisation est une acquisition raciale ; elle n’est pas inhérente à la biologie ; c’est pourquoi tous les enfants doivent être élevés dans un milieu culturel, et la jeunesse de chaque génération successive doit recevoir à nouveau son éducation. Les qualités supérieures de la civilisation – scientifiques, philosophiques et religieuses – ne se transmettent pas d’une génération à l’autre par héritage direct. Ces réalisations culturelles ne sont préservées que par la conservation éclairée du patrimoine social.
 
(68.0) 68:0.3 L’évolution sociale d’ordre coopératif fut inaugurée par les instructeurs de Dalamatia. Pendant trois-cent-mille ans, l’humanité fut élevée dans l’idée qu’il fallait agir collectivement. L’homme bleu profita plus que tous les autres de ces enseignements premiers ; l’homme rouge en profita dans une certaine mesure et l’homme noir, moins que tous les autres. À des époques plus récentes, les races jaune et blanche ont présenté le développement social le plus avancé d’Urantia.
 
1. La socialisation protectrice

(68.0) 68:1.1 Quand les hommes sont amenés à se rapprocher étroitement, ils apprennent souvent à s’aimer mutuellement, mais les hommes primitifs ne débordaient pas naturellement de sentiments fraternels ni du désir de contacts sociaux avec leurs semblables. C’est plutôt par de tristes expériences que les races primitives apprirent que “ l’union fait la force ” ; et c’est ce manque d’attirance fraternelle naturelle qui fait, maintenant, obstacle à une réalisation immédiate de la fraternité des hommes sur Urantia.
 
(68.0) 68:1.2 De bonne heure, l’association devint le prix de la survie. L’homme isolé était impuissant s’il ne portait pas une marque tribale témoignant de son appartenance à un groupe qui se vengerait certainement de toute attaque contre lui. Même à l’époque de Caïn, il était funeste d’aller seul au loin sans porter la marque de quelque groupe. La civilisation est devenue l’assurance de l’homme contre une mort violente, et ses primes sont payées par la soumission aux nombreuses exigences légales de la société.
 
(68.0) 68:1.3 La société primitive fut ainsi fondée sur les nécessités réciproques et sur l’accroissement de sécurité dus aux associations. C’est sous l’empire de la peur de l’isolement et grâce à une coopération donnée à contrecœur que la société humaine a évolué pendant des cycles millénaires.
 
(68.0) 68:1.4 Les hommes primitifs apprirent de bonne heure que les groupes sont beaucoup plus grands et plus forts que la simple somme des individus qui les composent. Cent hommes unis et travaillant à l’unisson peuvent déplacer un gros bloc de pierre ; une vingtaine de gardiens de la paix bien entrainés peuvent contenir une foule en colère. C’est ainsi que naquit la société, non d’une simple association numérique, mais plutôt grâce à l’organisation de coopérateurs intelligents. Mais la coopération n’est pas une caractéristique naturelle de l’homme ; celui-ci apprend à coopérer d’abord par peur, et plus tard parce qu’il découvre que c’est très avantageux pour faire face aux difficultés du temps présent et pour se protéger contre les périls supposés de l’éternité.
 
(68.0) 68:1.5 Les peuples qui s’organisèrent ainsi de bonne heure en sociétés primitives obtinrent de meilleurs résultats dans leurs attaques contre la nature ainsi que dans leur défense contre leurs semblables. Ils avaient de plus grandes possibilités de survie. La civilisation a donc constamment progressé sur Urantia malgré ses nombreux reculs. Et c’est uniquement parce que la valeur de survie est accrue par l’association que les nombreuses bévues des hommes n’ont réussi jusqu’à présent ni à arrêter ni à détruire la civilisation humaine.
 
(68.0) 68:1.6 La société culturelle contemporaine est un phénomène plutôt récent. Cela est bien démontré par la survie, à l’heure actuelle, de conditions sociales aussi primitives que celles des aborigènes australiens et des Boschimans et Pygmées d’Afrique. Chez ces peuplades arriérées, on peut encore observer quelque peu l’hostilité tribale, la suspicion personnelle et d’autres traits hautement antisociaux si caractéristiques de toutes les races primitives. Ces misérables restes des peuples asociaux de jadis témoignent éloquemment du fait que la tendance individualiste naturelle de l’homme ne peut lutter avec succès contre les organisations et associations de progrès social plus efficaces et plus puissantes. Ces races antisociales arriérées et soupçonneuses, dont les dialectes changent tous les soixante ou quatre-vingts kilomètres, montrent dans quel monde vous auriez risqué de vivre s’il n’y avait pas eu les enseignements de l’état-major corporel du Prince Planétaire et les apports ultérieurs du groupe adamique des élévateurs raciaux.
 
(68.0) 68:1.7 L’expression moderne “ retour à la nature ” est une illusion de l’ignorance, une croyance à la réalité d’un ancien “ âge d’or ” fictif. La légende de l’âge d’or a pour seule base le fait historique de l’existence de Dalamatia et d’Éden, mais ces sociétés améliorées étaient loin de réaliser les rêves utopiques.
 
2. Les facteurs de progrès social

(68.0) 68:2.1 La société civilisée résulte des efforts initiaux des hommes pour surmonter leur aversion de l’isolement, ce qui n’implique pas nécessairement une affection mutuelle, et l’état turbulent présent de certains groupes primitifs illustre bien les difficultés que traversèrent les premières tribus. Bien que les membres d’une civilisation puissent se heurter et se combattre, et bien que la civilisation, elle-même, puisse apparaitre comme un ensemble incohérent de tentatives et de luttes, elle n’en démontre pas moins un effort soutenu, et non la monotonie mortelle de la stagnation.
 
(68.0) 68:2.2 Le niveau de l’intelligence a puissamment contribué au rythme de la progression culturelle, mais la société a essentiellement pour but de diminuer l’élément risque dans le mode de vie individuel. Elle a progressé à l’allure même où elle a réussi à diminuer la souffrance et à augmenter l’élément plaisir dans la vie. C’est ainsi que le corps social tout entier avance lentement vers le but de sa destinée – la survie ou la disparition – selon que son but est la préservation du moi ou le plaisir égoïste. La préservation du moi fait naitre la société, tandis que l’excès des jouissances égoïstes détruit la civilisation.
 
(68.0) 68:2.3 Une société s’occupe de se perpétuer, de se conserver et de se satisfaire, mais l’humaine réalisation de soi est digne de devenir l’objectif immédiat de beaucoup de groupes culturels.
 
(68.0) 68:2.4 L’instinct grégaire dans l’homme naturel ne suffit pas à expliquer le développement d’une organisation sociale telle que celle qui existe présentement sur Urantia. Bien que cette propension innée soit à la base de la société humaine, une grande part de la sociabilité de l’homme est un acquêt. Deux grandes influences qui contribuèrent aux associations primitives d’êtres humains furent la faim et l’amour sexuel, besoins instinctifs que les hommes partagent avec le monde animal. Deux autres sentiments ont rapproché les êtres humains et les ont maintenus rapprochés, la vanité et la peur, plus particulièrement la peur des fantômes.
 
(68.0) 68:2.5 L’histoire n’est que le compte rendu de la lutte millénaire des hommes pour leur nourriture. L’homme primitif ne pensait que lorsqu’il avait faim ; économiser de la nourriture fut son premier renoncement, son premier acte d’autodiscipline. Avec le développement de la société, la faim cessa d’être le seul motif d’association. De nombreuses autres sortes de faims, le désir d’assouvir des besoins divers conduisirent tous l’humanité à s’associer plus étroitement. Mais la société d’aujourd’hui est déséquilibrée par la croissance excessive de prétendus besoins humains. La civilisation occidentale du vingtième siècle gémit d’épuisement sous l’énorme surcharge du luxe et la multiplication désordonnée des envies et des désirs humains. La société moderne subit la tension d’une des phases les plus dangereuses d’interassociation à grande échelle et d’interdépendance hautement complexe.
 
(68.0) 68:2.6 La pression sociale de la faim, de la vanité et de la peur des fantômes était continue, mais celle de la satisfaction sexuelle était temporaire et sporadique. À lui seul, le désir sexuel ne contraignait pas les hommes et les femmes primitifs à assumer les lourdes charges de l’entretien d’un foyer. Le foyer primitif était fondé sur l’effervescence sexuelle du mâle privé de satisfactions fréquentes, et sur le profond amour maternel de la femme, amour qu’elle partage, dans une certaine mesure, avec les femelles de tous les animaux supérieurs. La présence d’un enfant sans défense détermina la première différenciation entre les activités masculines et féminines ; la femme dut entretenir une résidence fixe où elle pouvait cultiver le sol. Depuis les temps les plus reculés, l’endroit où se tient la femme a toujours été considéré comme le foyer.
 
(68.0) 68:2.7 La femme devint donc de bonne heure indispensable à l’évolution du plan social, moins à cause d’une éphémère passion sexuelle que par suite du besoin de nourriture ; elle était une partenaire essentielle à la conservation de soi. Elle était un fournisseur de nourriture, une bête de somme et une compagne capable de supporter des mauvais traitements sans ressentiment violent ; en plus de tous ces traits désirables, elle était un moyen toujours présent de satisfaction sexuelle.
 
(68.0) 68:2.8 Presque toutes les valeurs durables de la civilisation ont leurs racines dans la famille. La famille fut le premier groupement pacifique couronné de succès, car l’homme et la femme apprirent à concilier leurs antagonismes tout en enseignant les occupations pacifiques à leurs enfants.
 
(68.0) 68:2.9 La fonction du mariage, dans l’évolution, est d’assurer la survie de la race, et non simplement de réaliser un bonheur personnel. Les vrais objectifs du foyer consistent à se préserver et à se perpétuer. La satisfaction égoïste est accessoire ; elle n’est essentielle que comme stimulant assurant l’association sexuelle. La nature exige la survivance, mais les arts de la civilisation ne cessent d’accroitre les plaisirs du mariage et les satisfactions de la vie familiale.
 
(68.0) 68:2.10 Si nous élargissons la notion de vanité pour y faire entrer l’orgueil, l’ambition et l’honneur, nous pouvons alors discerner non seulement comment ces propensions contribuent à former des associations humaines, mais aussi comment elles maintiennent les hommes réunis, puisque ces sentiments seraient vains sans un public devant qui parader. À la vanité s’adjoignirent bientôt d’autres sentiments et d’autres impulsions nécessitant un cadre social pour s’exhiber et s’assouvir. Ce groupe de sentiments donna naissance aux premières manifestations de tous les arts et cérémonies, et de toutes les formes de compétitions et de jeux sportifs.
 
(68.0) 68:2.11 La vanité contribua puissamment à la naissance de la société, mais, au moment où ces révélations sont faites, les efforts tortueux d’une génération vaniteuse menacent d’inonder et de submerger toute la structure complexe d’une civilisation hautement spécialisée. Le besoin de plaisirs a depuis longtemps supplanté celui de la faim ; les objectifs sociaux légitimes de la préservation du moi se transforment rapidement en formes viles et menaçantes de satisfactions égoïstes. La préservation du moi édifie la société ; le déchainement des satisfactions égoïstes détruit infailliblement la civilisation.
 
3. L’influence socialisante de la peur des fantômes

(68.0) 68:3.1 Les désirs primitifs produisirent la société originelle, mais la peur des fantômes assura sa cohésion et imprima à son existence un aspect extrahumain. La peur ordinaire avait une origine physiologique : la peur de la douleur physique, la faim inassouvie ou quelque calamité terrestre ; mais la peur des fantômes fut une sorte de terreur nouvelle et formidable.
 
(68.0) 68:3.2 Le plus important facteur individuel, dans l’évolution de la société humaine, fut probablement de rêver de fantômes. Bien que la plupart des rêves aient troublé profondément le mental primitif, les fantômes apparus en rêve terrorisèrent littéralement les premiers hommes et amenèrent les rêveurs superstitieux à se jeter dans les bras les uns des autres avec une volonté sincère d’association pour se protéger mutuellement contre les dangers invisibles, vagues et imaginaires du monde des esprits. Rêver de fantômes fut une des différences qui apparut le plus tôt entre le mental humain et le mental animal. Les animaux n’imaginent pas la survie après la mort.
 
(68.0) 68:3.3 À part le facteur des fantômes, toute la société fut fondée sur des instincts biologiques et des besoins fondamentaux. Mais la peur des fantômes introduisit dans la civilisation un nouveau facteur, une peur qui s’écarte et va au-delà des besoins élémentaires de l’individu, et s’élève même bien au-dessus des luttes pour préserver le groupe. La crainte des esprits des trépassés mit en lumière une nouvelle et étonnante forme de peur, une terreur effroyable et puissante, qui donna un coup de fouet aux ordres sociaux relâchés des premiers âges et provoqua la formation des groupes primitifs, plus sérieusement disciplinés et mieux contrôlés de ces temps anciens. Par la peur superstitieuse de l’irréel et du surnaturel, cette superstition insensée, qui subsiste encore en partie, prépara le mental des hommes à une découverte ultérieure, celle de “ la crainte du Seigneur qui est le commencement de la sagesse ”. Les peurs sans fondement dues à l’évolution sont destinées à être supplantées par le respect craintif de la Déité inspiré par la révélation. Le culte primitif de la peur des fantômes devint un lien social puissant et, depuis ce jour bien lointain, l’humanité s’est toujours plus ou moins efforcée d’atteindre la spiritualité.
 
(68.0) 68:3.4 La faim et l’amour rapprochèrent les hommes ; la vanité et la peur des fantômes les gardèrent unis ; mais ces seuls sentiments, sans l’influence des révélations pacificatrices, sont incapables de supporter les tensions provoquées par les suspicions et les irritations des associations humaines. Sans l’aide des sources suprahumaines, la tension sociale aboutit à une rupture quand elle atteint certaines limites ; et ces influences mêmes de mobilisation sociale – faim, amour, vanité et peur – conspirent alors à plonger l’humanité dans la guerre et les effusions de sang.
 
(68.0) 68:3.5 La tendance à la paix de la race humaine n’est pas une dotation naturelle ; elle dérive des enseignements de la religion révélée, de l’expérience accumulée des races progressives et plus spécialement des enseignements de Jésus, le Prince de la Paix.
 
4. L’évolution des mœurs

(68.0) 68:4.1 Toutes les institutions sociales modernes proviennent de l’évolution des coutumes primitives de vos ancêtres sauvages ; les conventions d’aujourd’hui sont les coutumes d’hier élargies et modifiées. Ce que l’habitude est pour l’individu, la coutume l’est pour le groupe, et les coutumes des groupes se transforment en usages populaires ou en traditions tribales – en conventions de masse. Toutes les institutions de la société humaine contemporaine ont leur modeste origine dans ces premières amorces.
 
(68.0) 68:4.2 Il faut se rappeler que les mœurs prirent naissance dans un effort pour adapter la vie des groupes aux conditions d’existence en masse ; les mœurs furent la première institution sociale de l’homme. Toutes ces réactions tribales résultèrent de l’effort accompli pour éviter la douleur et l’humiliation tout en cherchant à jouir des plaisirs et du pouvoir. L’origine des usages populaires, à l’instar de celle des langages, est toujours inconsciente et non intentionnelle, donc toujours enveloppée de mystère.
 
(68.0) 68:4.3 La peur des fantômes conduisit l’homme primitif à envisager le surnaturel ; elle établit ainsi des bases solides pour les puissantes influences sociales de l’éthique et de la religion, qui à leur tour préservèrent intactes de génération en génération les mœurs et les coutumes de la société. Les mœurs se trouvèrent de bonne heure établies et cristallisées par la croyance que les trépassés tenaient jalousement à la manière dont ils avaient vécu et dont ils étaient morts. On croyait donc qu’ils puniraient implacablement les vivants osant traiter avec une négligence dédaigneuse les règles de vie qu’ils avaient respectées pendant qu’eux-mêmes vivaient dans la chair. Tout ceci est parfaitement illustré par le respect que la race jaune porte actuellement à ses ancêtres. Les religions primitives qui apparurent plus tard renforcèrent puissamment l’action de la peur des fantômes en stabilisant les mœurs, mais le développement de la civilisation a progressivement libéré l’humanité des liens de la peur et de l’esclavage de la superstition.
 
(68.0) 68:4.4 Avant la libération et la libéralisation apportées par l’enseignement des éducateurs de Dalamatia, l’homme ancien était la victime impuissante du rituel des mœurs ; le sauvage primitif était prisonnier d’un cérémonial sans fin. Tout ce qu’il faisait depuis son réveil matinal jusqu’au moment où il s’endormait, le soir, dans sa caverne devait être accompli exactement d’une certaine façon, conformément aux usages populaires de sa tribu. Il était esclave de la tyrannie des usages ; sa vie ne comportait rien de libre, de spontané, ni d’original. Aucun progrès naturel ne le menait vers une existence mentale, morale ou sociale supérieure.
 
(68.0) 68:4.5 L’homme primitif était enserré dans l’étau de la coutume ; le sauvage était un véritable esclave des usages ; mais, de temps à autre, apparurent des types variants de personnalités qui osèrent inaugurer de nouvelles manières de penser et des méthodes de vie améliorées. Néanmoins, l’inertie de l’homme primitif constitue le frein de sécurité biologique contre la précipitation consistant à se lancer trop soudainement dans les dérèglements désastreux accompagnant une civilisation qui progresse trop vite.
 
(68.0) 68:4.6 Toutefois, ces coutumes ne sont pas un mal sans contrepartie ; leur évolution devrait se poursuivre. Il est presque fatal pour le maintien de la civilisation de vouloir les modifier globalement par une révolution radicale. La coutume a été le fil de continuité qui assura la cohésion de la civilisation. La voie de l’histoire humaine est jonchée de vestiges de coutumes abandonnées et de pratiques sociales surannées ; mais nulle civilisation n’a survécu en abandonnant ses mœurs, à moins d’avoir adopté des coutumes meilleures et mieux appropriées.
 
(68.0) 68:4.7 La survie d’une société dépend principalement de l’évolution progressive de ses mœurs. Le processus d’évolution des coutumes est fondé sur le désir d’expérimenter. Des idées nouvelles sont mises en avant – la concurrence s’ensuit. Une civilisation progressive embrasse les idées avancées et elle dure ; le temps et les circonstances choisissent en dernier ressort le groupe le plus apte à survivre. Cela ne signifie pas que chaque changement distinct et isolé dans la composition de la société humaine ait été un gain. Non ! certes non ! car il y eut maints et maints reculs dans la longue lutte de la civilisation d’Urantia vers le progrès.
 
5. Les techniques du sol – les arts d’entretien

(68.0) 68:5.1 La terre est le théâtre de la société ; les hommes en sont les acteurs. L’homme doit toujours adapter son jeu pour se conformer à la situation de la terre. L’évolution des mœurs dépend toujours du rapport hommes-sol. Ceci est vrai, bien qu’il soit difficile de le discerner. Les techniques des hommes relativement au sol, ou arts d’entretien, ajoutées à leur niveau de vie, forment le total des usages populaires constituant les mœurs. Et la somme des adaptations humaines aux exigences de la vie correspond à sa civilisation culturelle.
 
(68.0) 68:5.2 Les premières cultures humaines apparurent le long des fleuves de l’hémisphère oriental, et il y eut quatre grandes étapes dans la marche en avant de la civilisation :
 
  (68.0) 68:5.3 1.Le stade de la cueillette. La contrainte alimentaire, la faim, conduisit à la première forme d’organisation industrielle, les chaines primitives de cueillette de la nourriture. La ligne des marcheurs de la faim parcourant un pays en glanant la nourriture s’étendait parfois sur quinze kilomètres. Ce fut le stade primitif de culture nomade et c’est le mode de vie des Boschimans d’Afrique aujourd’hui.
 
  (68.0) 68:5.4 2.Le stade de la chasse. L’invention des armes-outils permit aux hommes de devenir des chasseurs et de se libérer ainsi en grande partie de l’esclavage de la nourriture. Un Andonite réfléchi, qui s’était sérieusement meurtri le poing dans un combat violent, redécouvrit l’idée d’utiliser, au lieu de son bras, un long bâton à l’extrémité duquel il avait attaché, avec des tendons, un morceau de silex dur pour remplacer le poing. De nombreuses tribus firent, chacune de leur côté, des découvertes de ce genre, et ces diverses formes de marteaux représentèrent l’un des grands pas en avant de la civilisation humaine. Certains indigènes australiens n’ont guère dépassé ce stade à l’heure actuelle.
 
  (68.0) 68:5.5 Les hommes bleus devinrent des chasseurs et des trappeurs experts. En barrant les rivières, ils prenaient de grandes quantités de poissons dont ils séchaient le surplus en prévision de l’hiver. De nombreuses formes de pièges et de traquenards ingénieux furent employées pour attraper le gibier, mais les races les plus primitives ne chassaient pas les animaux de grande taille.
 
  (68.0) 68:5.6 3.Le stade pastoral. Cette phase de la civilisation fut rendue possible par la domestication des animaux. Les Arabes et les indigènes d’Afrique figurent parmi les peuples pastoraux les plus récents.
 
  (68.0) 68:5.7 La vie pastorale apporta une amélioration supplémentaire à l’esclavage alimentaire. L’homme apprit à vivre sur l’intérêt de son capital, sur le croit de son troupeau. Il eut ainsi plus de loisirs pour faire des progrès et se cultiver.
 
  (68.0) 68:5.8 La société prépastorale avait été une société de coopération sexuelle, mais l’extension de l’élevage plongea la femme dans un abime d’esclavage social. Aux époques primitives, l’homme avait la charge d’assurer la nourriture animale tandis que la femme devait fournir les légumes comestibles. La dignité du statut féminin s’abaissa donc considérablement dès que l’homme entra dans l’ère pastorale de son existence. La femme dut encore travailler pour produire les aliments végétaux nécessaires à la vie, alors que l’homme n’eut plus qu’à recourir à son troupeau pour fournir de la nourriture animale en abondance. L’homme devint ainsi relativement indépendant de la femme, et le statut de la femme déclina régulièrement pendant tout l’âge pastoral. Vers la fin de cette période, la femme n’était guère plus qu’un animal humain, réduit à travailler et à porter la descendance de l’homme, tout comme les animaux des troupeaux sur qui l’on comptait pour travailler et mettre bas leurs petits. Les hommes de l’âge pastoral portaient un grand amour à leurs troupeaux ; il est d’autant plus regrettable qu’ils n’aient pu développer une affection plus profonde pour leurs femmes.
 
  (68.0) 68:5.9 4.Le stade agricole. Cette ère fut déterminée par la culture des plantes, qui représente le type le plus élevé de civilisation matérielle. Caligastia et Adam s’efforcèrent tous deux d’enseigner l’horticulture et l’agriculture. Adam et Ève furent des jardiniers et non des pasteurs, car, à cette époque, le jardinage était une forme avancée de culture. La culture des plantes exerce une influence ennoblissante sur toutes les races de l’humanité.
 
  (68.0) 68:5.10 L’agriculture fit plus que quadrupler le rapport hommes-sol du monde. Elle peut se combiner avec les occupations pastorales du stade précédent. Quand les trois stades chevauchent, l’homme chasse et la femme cultive le sol.
 
  (68.0) 68:5.11 Il y a toujours eu des frictions entre les bergers et les laboureurs. Le chasseur et le pasteur sont militants et belliqueux ; l’agriculteur est plus pacifique. L’association avec les animaux suggère la lutte et la force ; l’association avec les plantes instille l’esprit de patience, de quiétude et de paix. L’agriculture et l’industrie sont les activités de la paix. Mais leur faiblesse commune, en tant qu’activités sociales sur le plan mondial, est leur monotonie et leur manque d’aventures.
 
(68.0) 68:5.12 La société humaine a évolué en partant du stade de la chasse et passé par celui de l’élevage pour atteindre le stade territorial de l’agriculture. Chaque étape de cette progression de la civilisation fut marquée par une diminution constante du nomadisme ; les hommes se mirent à vivre de plus en plus à leur foyer.
 
(68.0) 68:5.13 Maintenant, l’industrie s’ajoute à l’agriculture, avec un accroissement correspondant de l’urbanisation et une multiplication des groupes non agricoles parmi les classes de citoyens. Mais une civilisation industrielle ne peut espérer survivre si ses dirigeants ne se rendent pas compte que les développements sociaux, même les plus élevés, doivent toujours reposer sur une base agricole saine.
 
6.L’évolution de la culture

(68.0) 68:6.1 L‘homme est une créature du sol, un enfant de la nature ; quels que soient ses efforts pour échapper à la terre, il est certain d’échouer en dernier ressort. “ Tu es poussière et tu retourneras à la poussière ” est littéralement vrai pour l’humanité tout entière. La lutte fondamentale de l’homme a été, est et sera toujours pour la terre. Les premières associations d’êtres humains primitifs eurent pour objectif de gagner ces batailles pour la terre. Le rapport hommes-sol est sous-jacent à toute civilisation sociale.
 
(68.0) 68:6.2 L’intelligence de l’homme accrut le rendement de la terre grâce aux arts et aux sciences ; en même temps, l’accroissement naturel de sa descendance fut quelque peu contrôlé, assurant ainsi les moyens d’existence et les loisirs permettant d’établir une civilisation culturelle.
 
(68.0) 68:6.3 La société humaine est contrôlée par une loi décrétant que la population doit varier en proportion directe des arts du sol et en proportion inverse d’un niveau de vie donné. Tout au long de ces âges primitifs, encore plus qu’à présent, la loi de l’offre et de la demande concernant l’homme et la terre détermina la valeur estimative de l’un et de l’autre. Pendant les périodes où les terres libres abondaient – territoires inoccupés – le besoin d’hommes était grand, et la valeur de la vie humaine fortement rehaussée en conséquence ; les pertes de vies étaient alors considérées comme plus horribles. Pendant les périodes de rareté des terres et de surpeuplement correspondant, la vie humaine représentait comparativement une moindre valeur, si bien que la guerre, les famines et les épidémies étaient alors considérées avec moins d’inquiétude.
 
(68.0) 68:6.4 Quand le rendement de la terre diminue, ou quand la population s’accroit, l’inévitable lutte reprend et les pires traits de la nature humaine remontent à la surface. L’accroissement du rendement de la terre, l’extension des arts mécaniques et la réduction de la population tendent tous à encourager le meilleur côté de la nature humaine.
 
(68.0) 68:6.5 Une société de pionniers produit des manœuvres non qualifiés ; les beaux-arts et le véritable progrès scientifique, ainsi que la culture spirituelle, ont toujours mieux prospéré dans les grands centres de vie soutenus par une population agricole et industrielle pour lesquels le rapport hommes-sol est légèrement moindre. Les villes multiplient toujours le pouvoir de leurs habitants, pour le bien comme pour le mal.
 
(68.0) 68:6.6 La dimension des familles a toujours subi l’influence du niveau de vie. Plus le niveau s’élève, plus le nombre d’enfants décroit, jusqu’au point où la famille se stabilise ou s’éteint graduellement.
 
(68.0) 68:6.7 Tout au long des âges, les niveaux de vie ont déterminé la qualité d’une population survivante en contraste avec sa seule quantité. Les niveaux de vie d’une classe locale donnent naissance à de nouvelles castes sociales, à de nouvelles mœurs. Quand les niveaux de vie deviennent trop compliqués ou comportent un luxe excessif, ils tournent rapidement au suicide. Les castes résultent directement de la forte pression sociale d’une concurrence aigüe due à la densité de la population.
 
(68.0) 68:6.8 Les races primitives eurent souvent recours à des pratiques restrictives de la population ; toutes les tribus primitives tuaient les enfants difformes ou maladifs. Avant l’époque de l’achat des épouses, on tuait souvent les petites filles à leur naissance. Les nouveau-nés étaient parfois étranglés, mais la méthode la plus courante était l’exposition. Un père de jumeaux insistait généralement pour que l’un des deux soit tué, car on croyait que les naissances multiples étaient dues à la magie ou à l’infidélité. Pourtant, les jumeaux de même sexe étaient généralement épargnés. Bien que ces tabous sur les jumeaux aient été jadis presque universels, ils ne firent jamais partie des mœurs des Andonites ; ces peuples considéraient toujours les jumeaux comme d’heureux présages.
 
(68.0) 68:6.9 De nombreuses races apprirent la technique de l’avortement, et cette pratique devint très courante après l’établissement du tabou sur les enfants de célibataires. Les jeunes filles eurent longtemps pour coutume de tuer leur enfant, mais, dans les groupes plus civilisés, ces enfants illégitimes devinrent pupilles de leur grand-mère maternelle. De nombreux clans primitifs furent pratiquement exterminés par les pratiques conjointes de l’avortement et de l’infanticide. Toutefois, malgré la tyrannie des mœurs, il était très rare de voir tuer des enfants une fois qu’ils avaient pris le sein – l’amour maternel est trop fort.
 
(68.0) 68:6.10 Il subsiste encore au vingtième siècle des restes de ces pratiques primitives de contrôle des naissances. Dans une tribu d’Australie, les mères refusent d’élever plus de deux ou trois enfants. Il n’y a pas très longtemps, les membres d’une tribu cannibale mangeaient chaque enfant cinquième né. À Madagascar, certaines tribus détruisent encore tous les enfants nés certains jours néfastes, et cette pratique provoque la mort d’environ vingt-cinq pour cent des nouveau-nés.
 
(68.0) 68:6.11 Du point de vue mondial, le surpeuplement n’a jamais posé de question grave dans le passé, mais, si les guerres se raréfient et si la science réussit à maitriser progressivement les maladies humaines, il peut devenir un problème sérieux dans un proche avenir. À ce moment-là, la grande épreuve de sagesse dans la conduite du monde se présentera. Les dirigeants d’Urantia auront-ils la clairvoyance et le courage de favoriser la multiplication d’êtres humains moyens et stabilisés, ou de favoriser celle des groupes extrêmes, d’une part ceux qui dépassent la normale et d’autre part la masse considérablement croissante des êtres inférieurs à la normale ? L’homme normal devrait être encouragé ; il est l’épine dorsale de la civilisation et la source des génies mutants de la race. L’homme inférieur à la normale devrait être gardé sous le contrôle de la société ; il ne devrait pas en être produit plus qu’il n’en faut pour travailler aux niveaux inférieurs de l’industrie, aux tâches qui demandent une intelligence dépassant le niveau animal, mais qui exigent des activités d’un niveau tellement inférieur qu’elles deviennent véritablement un esclavage et un asservissement pour les types supérieurs de l’humanité.
 
(68.0) 68:6.12 [Présenté par un Melchizédek jadis stationné sur Urantia.]
 


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