Histoire d'Urantia

91. L’évolution de la prière

LIVRE D'URANTIA  -  Fascicule 91. L’évolution de la prière

(91.0) 91:0.1 La prière, en tant qu’acte religieux, prit naissance dans des expressions antérieures non religieuses de monologues et de dialogues. Quand les hommes primitifs atteignirent la conscience de soi, il se produisit l’inévitable corollaire de la conscience d’autrui, le double potentiel de la sensibilité sociale et de la récognition de Dieu.
 
(91.0) 91:0.2 Les toutes premières formes de prière n’étaient pas adressées à la Déité. Ces expressions ressemblaient beaucoup à ce que vous diriez à un ami en vous lançant dans une entreprise importante : “ Souhaitez-moi bonne chance. ” Les primitifs étaient esclaves de la magie ; la chance, bonne ou mauvaise, pénétrait toutes les affaires de la vie. Au début, ces demandes de chance furent des monologues – simplement une manière de penser à haute voix pour les servants de la magie. Ensuite, ces croyants à la chance enrôlèrent leurs amis et leur famille pour les soutenir, et bientôt furent accomplies certaines formes de cérémonies incluant le clan ou la tribu tout entiers.
 
(91.0) 91:0.3 Quand les concepts des fantômes et des esprits évoluèrent, ces demandes furent adressées à des entités suprahumaines ; et, quand les hommes eurent conscience des dieux, ces expressions atteignirent le niveau de prières authentiques. À titre d’exemple, chez certaines tribus d’Australie, les prières religieuses primitives ont précédé la croyance aux esprits et aux personnalités suprahumaines.
 
(91.0) 91:0.4 Aux Indes, la tribu Toda observe la pratique de n’adresser de prières à personne en particulier, exactement comme le faisaient les peuples primitifs avant l’époque de la conscience religieuse. Seulement, chez les Todas, cela représente une régression de leur religion qui dégénère à ce niveau primitif. Les rituels d’aujourd’hui chez les prêtres laitiers des Todas ne représentent pas une cérémonie religieuse, parce que les prières impersonnelles ne contribuent en rien à conserver ni à élever des valeurs sociales, morales ou spirituelles quelconques.
 
(91.0) 91:0.5 La prière préreligieuse faisait partie des pratiques mana des Mélanésiens, des croyances oudah des Pygmées africains et des superstitions manitou des Indiens d’Amérique du Nord. Les tribus Baganda d’Afrique n’ont émergé que récemment du niveau mana de prière. Dans cette confusion évolutionnaire primitive, les hommes adressent leurs prières à des dieux – locaux ou nationaux – à des fétiches, à des amulettes, à des fantômes, à des chefs et à des gens du commun.
 
1. La prière primitive

(91.0) 91:1.1 La fonction de la religion évolutionnaire primitive est de conserver et d’accroitre les valeurs sociales, morales et spirituelles essentielles qui prennent lentement forme. Cette mission de la religion n’est pas observée consciemment par l’humanité, mais elle est principalement accomplie par la fonction de la prière. La pratique de la prière représente l’effort involontaire, mais néanmoins personnel et collectif, d’un groupe donné pour assurer (pour actualiser) la conservation des valeurs supérieures. Sans la sauvegarde de la prière, tous les jours fériés religieux reviendraient vite au statut de simples journées de vacances.
 
(91.0) 91:1.2 La religion et ses moyens d'action, dont le principal est la prière, ne sont alliés qu’aux valeurs jouissant d’une récognition sociale générale, d’une approbation collective. C’est pourquoi, lorsqu’un homme primitif tentait de satisfaire ses sentiments les moins nobles ou ses ambitions purement égoïstes, il était privé du secours de la religion et de l’aide de la prière. Si un individu se proposait de faire quelque chose d’antisocial, il était forcé de rechercher l’aide de la magie non religieuse, d’avoir recours aux sorciers et, donc, d’être privé de l’aide de la prière. La prière devint donc de très bonne heure un puissant instigateur d’évolution sociale, de progrès moral et d’accomplissement spirituel.
 
(91.0) 91:1.3 Cependant, le mental primitif n’était ni logique ni conséquent. Les hommes primitifs ne percevaient pas que les choses matérielles n’étaient pas du domaine de la prière. Ces âmes simples constataient que nourriture, abris, pluie, gibier et autres biens matériels accroissaient le bien-être social ; c’est pourquoi elles commencèrent à prier pour ces bénédictions physiques. Cela constituait une perversion de la prière, mais encourageait l’effort pour atteindre ces objectifs matériels par des actions éthiques et sociales. Tout en avilissant les valeurs spirituelles d’un peuple, cette prostitution de la prière avait néanmoins pour effet direct d’élever ses mœurs économiques, sociales et éthiques.
 
(91.0) 91:1.4 C’est dans le type de mental le plus primitif que la prière est seulement un monologue. Elle devient de bonne heure un dialogue et s’amplifie rapidement au niveau d’un culte collectif. La prière signifie que les incantations prémagiques de la religion primitive ont atteint, par évolution, le niveau où le mental humain reconnait la réalité de pouvoirs ou d’êtres bénéfiques capables de rehausser les valeurs sociales et d’accroitre les idéaux moraux ; en outre, il reconnait que ces influences sont suprahumaines et distinctes de l’ego humain conscient de soi et de ses compagnons mortels. La vraie prière n’apparait donc pas avant que l’action du ministère religieux ne soit envisagée comme personnelle.
 
(91.0) 91:1.5 La prière a peu de liens avec l’animisme, mais de telles croyances peuvent exister parallèlement aux sentiments religieux émergents. Dans nombre de cas, la religion et l’animisme ont eu des origines entièrement séparées.
 
(91.0) 91:1.6 Chez les mortels qui n’ont pas été délivrés des entraves primitives de la peur, il y a sérieusement danger que toutes les prières conduisent à un sens morbide du péché, à une conviction injustifiée de culpabilité, réelle ou imaginaire. Toutefois, à l’époque moderne, il est peu probable qu’un grand nombre de personnes consacrent suffisamment de temps à prier pour en arriver à ces réflexions nuisibles sur leur indignité ou leur culpabilité. Les dangers accompagnant la déformation et la perversion de la prière sont constitués par l’ignorance, la superstition, la cristallisation, la dévitalisation, le matérialisme et le fanatisme.
 
2. L’évolution de la prière

(91.0) 91:2.1 Les premières prières furent simplement des souhaits exprimés en paroles, l’expression de désirs sincères. La prière devint ensuite une technique pour obtenir la coopération des esprits. Puis elle atteignit la fonction supérieure d’aider la religion à conserver toutes les valeurs dignes d’être préservées.
 
(91.0) 91:2.2 La prière et la magie surgirent toutes deux comme résultat des réactions humaines d’ajustement à l’environnement urantien ; mais, à part cette relation générale, elles ont peu de points communs. La prière a toujours indiqué une action positive de la part de l’ego qui la prononçait ; elle a toujours été psychique et parfois spirituelle. La magie a généralement signifié une tentative pour manipuler la réalité sans affecter l’ego du manipulateur, du pratiquant de la magie. Malgré leurs origines indépendantes, la magie et la prière ont souvent été liées dans leurs stades ultérieurs de développement. Partant de formules et passant par des rituels et des incantations, la magie s’est parfois haussée, par l’élévation de ses buts, au seuil de la vraie prière. La prière est parfois devenue si matérialiste qu’elle a dégénéré en une technique pseudomagique pour éviter la dépense de l’effort requis pour résoudre les problèmes urantiens.
 
(91.0) 91:2.3 Quand l’homme apprit que la prière ne pouvait contraindre les dieux, il lui donna davantage le caractère de pétition, de recherche d’une faveur. Mais la prière la plus authentique est en réalité une communion entre l’homme et son Créateur.
 
(91.0) 91:2.4 L’apparition de l’idée de sacrifice dans une religion amoindrit inéluctablement l’efficacité supérieure de la vraie prière, en ce sens que les hommes cherchent à substituer les offrandes de biens matériels à celle de la consécration de leur propre vouloir à faire la volonté de Dieu.
 
(91.0) 91:2.5 Quand la religion est dépourvue d’un Dieu personnel, ses prières sont transposées aux niveaux de la théologie et de la philosophie. Quand, dans une religion, le concept le plus élevé de Dieu est celui d’une Déité impersonnelle, comme dans l’idéalisme panthéiste, ce concept fournit bien une base pour certaines formes de communion mystique, mais il est fatal pour la puissance de la vraie prière, qui représente toujours la communion de l’homme avec un être personnel et supérieur.
 
(91.0) 91:2.6 Aux premiers temps de l’évolution raciale, et même aujourd’hui dans l’expérience quotidienne de la moyenne des mortels, la prière est, dans une grande mesure, un phénomène de rapports entre l’homme et son subconscient. Mais il existe aussi un domaine de prière où les individus intellectuellement alertes et spirituellement progressifs atteignent plus ou moins le contact avec les niveaux superconscients du mental humain, le domaine de l’Ajusteur de Pensée intérieur. En outre, il existe une phase spirituelle définie de la vraie prière concernant sa réception et sa récognition par les forces spirituelles de l’univers ; cette phase est entièrement distincte de toutes l association humaine et intellectuelle.
 
(91.0) 91:2.7 La prière contribue grandement au développement du sentiment religieux d’un mental humain en évolution. Elle exerce une puissante influence pour empêcher l’isolement de la personnalité.
 
(91.0) 91:2.8 La prière représente l’une des techniques associées aux religions naturelles de l’évolution raciale qui fait également partie des valeurs expérientielles des religions supérieures éthiquement excellentes, les religions de révélation.
 
3. La prière et l’alter ego

(91.0) 91:3.1 Quand les enfants apprennent pour la première fois à se servir du langage, ils sont enclins à penser tout haut, à exprimer leurs pensées en paroles, même si personne n’est là pour les entendre. À l’aurore de leur imagination créative, ils montrent une tendance à converser avec des compagnons imaginaires. De cette manière, un ego qui commence à éclore cherche à se maintenir en communion avec un alter ego fictif. Par cette technique, l’enfant apprend de bonne heure à convertir ses monologues en pseudodialogues où cet alter ego fait des réponses à ses pensées exprimées à haute voix et à l’expression de ses souhaits. Une très grande partie des réflexions des adultes se poursuit mentalement sous forme de conversations.
 
(91.0) 91:3.2 La forme initiale et primitive de la prière ressemblait beaucoup aux récitations semi-magiques de la tribu des Todas d’aujourd’hui, prières qui n’étaient adressées à personne en particulier. Par l’émergence de l’idée d’un alter ego, ces techniques de prière tendent à se transformer en communications du type dialogué. Avec le temps, le concept de l’alter ego est haussé à un statut supérieur de dignité divine, et la prière en tant qu’acte religieux a fait son apparition. Ce type primitif de prière est destiné à évoluer par de nombreuses phases et durant de longs âges avant d’atteindre le niveau de la prière intelligente et vraiment éthique.
 
(91.0) 91:3.3 La conception de l’alter ego par des générations successives de mortels pratiquant la prière évolue en passant par les fantômes, les fétiches et les esprits, jusqu’aux dieux polythéistes et finalement jusqu’au Dieu Unique, un être divin qui incorpore les idéaux les plus élevés et les aspirations les plus sublimes de l’ego en prière. C’est ainsi que la prière fonctionne bel et bien comme le plus puissant acte religieux pour conserver les valeurs et les idéaux supérieurs de ceux qui prient. À partir du moment où l’homme conçoit un alter ego et jusqu’à l’apparition du concept d’un divin Père céleste, la prière est toujours une pratique qui vous rend plus sociable, plus moral et plus spiritualiste.
 
(91.0) 91:3.4 La simple prière de la foi manifeste dans l’expérience humaine une puissante évolution par laquelle les anciennes conversations avec le symbole fictif de l’alter ego de la religion primitive ont été élevées au niveau de la communion avec l’esprit de l’Infini, au niveau où l’on est sincèrement conscient de la réalité du Dieu éternel et du Père Paradisiaque de toute création intelligente.
 
(91.0) 91:3.5 En dehors de ce qui concerne le moi supérieur dans l’expérience de la prière, il faut se rappeler que la prière éthique est une manière splendide d’élever l’ego et de renforcer le moi pour une vie meilleure et des accomplissements plus élevés. La prière incite l’ego humain à rechercher de l’aide dans les deux directions : pour l’assistance matérielle en puisant dans le réservoir subconscient de l’expérience du mortel, et pour l’inspiration et la gouverne en allant aux frontières superconscientes où le matériel prend contact avec le spirituel, avec le Moniteur de Mystère.
 
(91.0) 91:3.6 La prière a toujours été et sera toujours une expérience humaine double : un processus psychologique associé à une technique spirituelle. Ces deux fonctions de la prière ne peuvent jamais être entièrement séparées.
 
(91.0) 91:3.7 La prière éclairée doit reconnaitre non seulement un Dieu extérieur et personnel, mais aussi une Divinité intérieure et impersonnelle, l’Ajusteur qui vous habite. Quand un homme prie, il est tout à fait juste qu’il s’efforce de saisir le concept du Père Universel au Paradis ; mais, pour la plupart des buts pratiques, une technique plus efficace consistera à revenir au concept d’un proche alter égo, exactement comme le mental primitif avait l’habitude de le faire, et on reconnaitra ensuite que l’idée de cet alter égo était tout d’abord une simple fiction devenue ensuite, par évolution, la vérité que Dieu habite l’homme mortel par la présence de fait de l’Ajusteur ; de sorte que l’homme peut ainsi parler, pour ainsi dire, face à face, avec un divin alter ego réel et authentique qui l’habite et qui est l’essence et la présence même du Dieu vivant, le Père Universel.
 
4. La prière éthique

(91.0) 91:4.1 Nulle prière ne peut être éthique si le suppliant recherche un avantage égoïste sur ses semblables. La prière égoïste et matérialiste est incompatible avec les religions éthiques qui sont fondées sur l’amour divin et désintéressé. Une telle prière aussi dépourvue d’éthique retourne aux niveaux primitifs de pseudomagie, elle est indigne d’une civilisation en marche et des religions éclairées. La prière égoïste transgresse l’esprit de toutes les éthiques fondées sur une justice aimante.
 
(91.0) 91:4.2 La prière ne doit jamais être prostituée au point de devenir un substitut à l’action. Toute prière éthique est un stimulant pour l’action et un guide pour les efforts progressifs vers les buts idéalistes d’aboutissement au moi supérieur.
 
(91.0) 91:4.3 Dans toutes vos prières, soyez équitables. Ne vous attendez pas que Dieu montre de la partialité, qu’il vous aime plus que ses autres enfants, vos amis, vos voisins et même vos ennemis. Mais la prière des religions naturelles ou évoluées ne commence pas par être éthique, comme elle l’est dans les religions révélées ultérieures. Toute prière, qu’elle soit individuelle ou communautaire, peut être soit égoïste, soit altruiste , c’est-à-dire que l’on peut centrer la prière sur soi-même ou sur autrui. Quand la prière ne recherche rien pour celui qui prie ni pour ses compagnons, alors une telle attitude de l’âme tend vers les niveaux de la véritable adoration. Les prières égoïstes impliquent des confessions et des suppliques, et consistent souvent en requêtes pour des faveurs matérielles. La prière est un peu plus éthique quand elle s’occupe du pardon et recherche la sagesse pour accroitre la maitrise de soi.
 
(91.0) 91:4.4 La prière du type non égoïste apporte des forces et des consolations, tandis que la prière matérialiste est vouée à désappointer et à désillusionner ses auteurs au fur et à mesure que le progrès des découvertes scientifiques démontre que l’homme vit dans un univers physique de loi et d’ordre. L’enfance d’un individu ou d’une race est caractérisée par des prières primitives égoïstes et matérialistes. Et, dans une certaine mesure, toutes ces suppliques sont efficaces en ce sens qu’elles conduisent invariablement aux efforts qui contribuent à obtenir les réponses à de telles prières. La prière réelle de la foi contribue toujours à faire progresser la technique de la vie, même si de telles demandes ne sont pas dignes de récognition spirituelle. Mais les personnes spirituellement évoluées doivent prendre de grandes précautions quand elles essayent de dissuader les penseurs primitifs, ou manquant de maturité, de formuler ce genre de prières.
 
(91.0) 91:4.5 Rappelez-vous que, même si la prière ne change pas Dieu, elle effectue très souvent des changements importants et durables chez celui qui prie avec foi et dans une expectative confiante. La prière a engendré beaucoup de paix mentale, d’allégresse, de calme, de courage, de maitrise de soi et d’équité chez les hommes et les femmes des races en évolution.
 
5. Les répercussions sociales de la prière

(91.0) 91:5.1 Dans le culte des ancêtres, la prière conduit à cultiver les idéaux ancestraux. Mais, en tant qu’aspect du culte de la Déité, la prière transcende toutes les pratiques de cet ordre, car elle conduit à cultiver les idéaux divins. De même que le concept de l’alter égo de la prière devient suprême et divin, de même les idéaux humains s’élèvent en conséquence du niveau purement humain vers les niveaux célestes et divins, et le résultat de toutes ces prières est le rehaussement du caractère humain et la profonde unification de la personnalité humaine.
 
(91.0) 91:5.2 Mais il n’est pas nécessaire que la prière soit toujours individuelle. La prière en groupe ou en assemblée est fort efficace, en ce sens que ses répercussions accroissent beaucoup la sociabilité. Quand une collectivité s’adonne à une prière en commun pour le relèvement moral et l’élévation spirituelle, ces dévotions réagissent sur les individus qui composent le groupe ; leur participation les rend tous meilleurs. Même toute une ville ou une nation tout entière peuvent être aidées par ces prières dévotionnelles. La confession, le repentir et la prière ont conduit des individus, des villes, des nations et des races entières à de puissants efforts de réforme et à des actes courageux vaillamment accomplis.
 
(91.0) 91:5.3 Si vous désirez vraiment vaincre l’habitude de critiquer un ami, la manière la plus rapide et la plus sure d’effectuer ce changement d’attitude consiste à établir l’habitude de prier pour cette personne chaque jour de votre vie. Mais les répercussions sociales de ces prières dépendent largement de deux conditions :
 
  (91.0) 91:5.4 1.La personne pour qui l’on prie doit savoir que l’on prie pour elle.
 
  (91.0) 91:5.5 2.La personne qui prie devrait entrer en contact social étroit avec la personne pour qui elle prie.
 
(91.0) 91:5.6 La prière est la technique par laquelle toute religion devient tôt ou tard une institution. Avec le temps, la prière s’associe à de nombreux moyens d'action secondaires dont quelques-uns sont utiles et d’autres nettement nuisibles, tels que prêtres, livres sacrés, rituels d’adoration et cérémonies.
 
(91.0) 91:5.7 Mais les hommes au mental plus spirituellement illuminé devraient être patients et tolérants envers les intellects moins bien doués, qui désirent ardemment un symbolisme pour mobiliser leur clairvoyance spirituelle restreinte. Les forts ne doivent pas regarder les faibles avec dédain. Ceux qui sont conscients de Dieu sans symbolisme ne doivent pas dénier le ministère de grâce des symboles à ceux qui trouvent difficile d’adorer la Déité et de révérer, sans formes ni rites, la vérité, la beauté et la bonté. Dans la prière d’adoration, la plupart des mortels imaginent quelque symbole de l’objet-but de leurs dévotions.
 
6. Le domaine de la prière

(91.0) 91:6.1 À moins d’être en liaison avec la volonté et les actes des forces spirituelles personnelles et des superviseurs matériels d’un royaume, la prière ne peut avoir d’effet direct sur votre milieu physique. Le domaine des suppliques par la prière possède des limites bien définies, mais ces limites ne s’appliquent pas de la même manière à la foi de ceux qui prient.
 
(91.0) 91:6.2 La prière n’est pas une technique de cure pour les maladies réelles et organiques, mais elle a énormément contribué à faire bénéficier d’un débordement de santé et à guérir de nombreux troubles mentaux, émotionnels et nerveux. Même dans le cas de maladies bactériennes réelles, la prière a bien souvent accru l’efficacité des autres remèdes appliqués. La prière a transformé bien des invalides irritables et mécontents en des parangons de patience et en a fait des inspirateurs pour tous les autres humains souffrants.
 
(91.0) 91:6.3 Si difficile qu’il puisse être de concilier les doutes scientifiques au sujet de l’efficacité de la prière avec le besoin toujours présent de rechercher aide et gouverne auprès de sources divines, n’oubliez jamais que la prière sincère de la foi est une force puissante pour promouvoir le bonheur personnel, la maitrise de soi de l’individu, l’harmonie sociale, le progrès moral et l’accomplissement spirituel.
 
(91.0) 91:6.4 Même en tant que pratique purement humaine, en tant que dialogue avec votre alter ego, la prière constitue une technique d’approche des plus efficaces pour mettre en œuvre les pouvoirs de la nature humaine, dont les réserves sont accumulées et conservées dans les domaines inconscients du mental humain. La prière est une saine pratique psychologique en dehors de ses implications religieuses et de sa signification spirituelle. C’est un fait d’expérience humaine que la plupart des personnes, si elles sont assez durement harcelées, adresseront d’une certaine manière des prières à quelque source d’assistance.
 
(91.0) 91:6.5 Ne soyez pas paresseux au point de demander à Dieu de résoudre vos difficultés, mais n’hésitez jamais à lui demander sagesse et force spirituelle pour vous guider et vous soutenir pendant que vous attaquez résolument et courageusement les problèmes à traiter.
 
(91.0) 91:6.6 La prière a été un facteur indispensable au progrès et à la préservation de la civilisation religieuse, et il lui reste encore de puissantes contributions à apporter pour rehausser et spiritualiser la société, pourvu que ceux qui prient veuillent bien le faire à la lumière des faits scientifiques, de la sagesse philosophique, de la sincérité intellectuelle et de la foi spirituelle. Priez comme Jésus l’enseignait à ses disciples – honnêtement, de façon désintéressée, avec équité et sans douter.
 
(91.0) 91:6.7 Mais l’efficacité de la prière, dans l’expérience spirituelle personnelle de celui qui prie, ne dépend en aucune manière de la compréhension intellectuelle de l’adorateur, ni de sa finesse philosophique, de son niveau social, de son statut culturel ou de ses autres acquisitions humaines. Les accompagnements psychiques et spirituels de la prière de la foi sont immédiats, personnels et expérientiels. Il n’existe aucune autre technique permettant à chaque homme, indépendamment de tous autres accomplissements terrestres, d’approcher si efficacement et si immédiatement du seuil du royaume où il peut communiquer avec son Auteur, où la créature prend contact avec la réalité du Créateur, avec l’Ajusteur de Pensée intérieur.
 
7. Mysticisme, extase et inspiration

(91.0) 91:7.1 En tant que technique pour cultiver la conscience de la présence de Dieu, le mysticisme est entièrement digne de louanges, mais, si sa pratique conduit à l’isolement social et culmine en fanatisme religieux, il est tout à fait répréhensible. Bien trop souvent, les idées que le mystique surmené estime être des inspirations divines ne sont que des exaltations venues des profondeurs de son propre mental. Le contact du mental humain avec son Ajusteur intérieur, bien qu’il soit fréquemment favorisé par une méditation fervente, est beaucoup plus souvent facilité par les services sincères et aimants d’un ministère désintéressé auprès de ses semblables.
 
(91.0) 91:7.2 Les grands éducateurs religieux et prophètes des temps passés n’étaient pas des mystiques outranciers. Ils étaient des hommes et des femmes connaissant Dieu et servant leur Dieu au mieux par leur ministère désintéressé auprès de leurs semblables. Jésus emmenait souvent ses apôtres à part, pendant de courtes périodes, pour méditer et prier, mais, la plupart du temps, il les maintenait en contact de service avec les multitudes. L’âme des hommes a besoin d’exercice spirituel aussi bien que de nourriture spirituelle.
 
(91.0) 91:7.3 L’extase religieuse est admissible quand elle résulte d’antécédents sains, mais cette expérience est plus souvent la conséquence d’influences purement émotives que la manifestation d’un caractère spirituel profond. Les personnes religieuses ne doivent pas considérer chaque pressentiment psychologique brillant et chaque expérience émotionnelle intense comme une révélation divine ou une communication spirituelle. L’extase spirituelle authentique est généralement associée à un grand calme extérieur et à un contrôle émotif à peu près parfait. Mais la véritable vision prophétique est un pressentiment suprapsychologique. Les visitations de ce genre ne sont ni des pseudohallucinations ni des extases ressemblant à des transes.
 
(91.0) 91:7.4 Le mental humain peut opérer en réponse à une prétendue inspiration quand elle est sensible soit aux exaltations du subconscient, soit aux stimuli du superconscient. Dans les deux cas, ces accroissements du contenu de la conscience apparaissent à l’individu comme plus ou moins étrangers. L’enthousiasme mystique immodéré et l’extase religieuse sans frein ne sont pas des lettres de créance de l’inspiration, des lettres de créances prétendues divines.
 
(91.0) 91:7.5 Le test pratique de toutes ces étranges expériences religieuses de mysticisme, d’extase et d’inspiration consiste à observer si ces phénomènes amènent l’intéressé à :
 
  (91.0) 91:7.6 1.Jouir d’une santé physique meilleure et plus complète.
 
  (91.0) 91:7.7 2.Agir plus pratiquement et plus efficacement dans sa vie mentale.
 
  (91.0) 91:7.8 3.Rendre sociale son expérience religieuse avec plus de plénitude et de joie.
 
  (91.0) 91:7.9 4.Spiritualiser plus complètement sa vie quotidienne en même temps qu’il remplit fidèlement les devoirs courants de l’existence de mortel ordinaire.
 
  (91.0) 91:7.10 5.Accroitre son amour et son appréciation de la vérité, de la beauté et de la bonté.
 
  (91.0) 91:7.11 6.Conserver les valeurs sociales, morales, éthiques et spirituelles couramment reconnues.
 
  (91.0) 91:7.12 7.Développer sa clairvoyance spirituelle – sa conscience de Dieu.
 
(91.0) 91:7.13 Mais la prière n’a pas de lien réel avec ces expériences religieuses exceptionnelles. Quand la prière devient trop esthétique, quand elle consiste à peu près exclusivement en une admirable et bienheureuse contemplation de la divinité paradisiaque, elle perd beaucoup de son influence socialisante et tend vers le mysticisme et l’isolement de ses adeptes. Un excès de prière solitaire présente un certain danger qui est corrigé et écarté par la prière en groupe, les dévotions collectives.
 
8. La prière en tant qu’expérience personnelle

(91.0) 91:8.1 La prière comporte un aspect vraiment spontané, car l’homme primitif commença à prier bien avant d’avoir le moindre concept clair d’un Dieu. Les premiers hommes avaient l’habitude de prier en deux circonstances différentes : quand ils se trouvaient en grande détresse, ils éprouvaient une impulsion à tendre la main vers une aide ; et, quand ils exultaient, ils se laissaient aller à exprimer impulsivement leur joie.
 
(91.0) 91:8.2 La prière n’est pas une évolution de la magie ; les deux ont surgi indépendamment l’une de l’autre. La magie fut une tentative pour adapter la Déité aux circonstances ; la prière est l’effort pour adapter la personnalité à la volonté de la Déité. La vraie prière est à la fois morale et religieuse ; la magie n’est ni l’une ni l’autre.
 
(91.0) 91:8.3 La prière peut devenir une coutume établie. Beaucoup de personnes prient parce que d’autres le font. D’autres encore prient parce qu’elles craignent qu’il leur arrive quelque chose d’affreux si elles ne présentent pas régulièrement leurs suppliques.
 
(91.0) 91:8.4 Pour certains individus, la prière est une calme expression de gratitude, pour d’autres, une expression collective de louanges, une dévotion sociale. Elle est parfois l’imitation de la religion d’autrui, alors que la vraie prière est la communication sincère et confiante entre la nature spirituelle de la créature et la présence ubiquitaire de l’esprit du Créateur.
 
(91.0) 91:8.5 La prière peut être une expression spontanée de conscience de Dieu ou une récitation dénuée de sens de formules théologiques. Elle peut être la louange extatique d’une âme connaissant Dieu ou l’obéissance servile d’un mortel hanté par la peur. Elle est parfois l’expression pathétique d’un ardent désir spirituel et parfois la clameur criarde de phrases pieuses. La prière peut être une louange joyeuse ou un humble appel au pardon.
 
(91.0) 91:8.6 La prière peut être la demande enfantine de l’impossible ou la supplication de l’homme mûr pour la croissance morale et le pouvoir spirituel. Une supplique peut consister à demander le pain quotidien ou incorporer un désir sincère de trouver Dieu et de faire sa volonté. Elle peut être une requête entièrement égoïste ou un geste sincère et magnifique vers la réalisation d’une fraternité désintéressée.
 
(91.0) 91:8.7 La prière peut être un cri de colère pour obtenir vengeance ou une intercession miséricordieuse pour ses ennemis. Elle peut être l’expression d’un espoir de changer Dieu ou la puissante technique de se changer soi-même. Elle peut être la plaidoirie obséquieuse d’un pécheur perdu devant un Juge supposé sévère ou l’expression joyeuse d’un fils libéré, fils du Père céleste vivant et miséricordieux.
 
(91.0) 91:8.8 Les hommes modernes sont troublés à l’idée de s’entretenir de leurs questions avec Dieu d’une manière purement personnelle. Beaucoup ont abandonné la prière régulière ; ils ne prient plus que sous l’empire d’une pression inhabituelle – en cas d’urgence. L’homme ne devrait pas avoir peur de parler à Dieu, mais il serait spirituellement enfantin d’entreprendre de persuader Dieu ou de prétendre le changer.
 
(91.0) 91:8.9 Mais la véritable prière atteint bel et bien la réalité. Même quand les courants aériens sont ascendants, nul oiseau ne peut prendre son essor sans déployer ses ailes. La prière élève l’homme parce qu’elle est une technique de progrès par utilisation des courants spirituels ascendants de l’univers.
 
(91.0) 91:8.10 La prière authentique contribue à la croissance spirituelle, modifie les attitudes et procure la satisfaction qui vient de la communion avec la divinité. Elle est un débordement spontané de conscience de Dieu.
 
(91.0) 91:8.11 Dieu répond à la prière de l’homme en lui donnant une révélation accrue de la vérité, une appréciation rehaussée de la beauté et un concept élargi de la bonté. La prière est un geste subjectif, mais elle établit le contact avec de puissantes réalités objectives sur les niveaux spirituels de l’expérience humaine ; elle est un essai significatif de l’humain pour atteindre des valeurs suprahumaines. Elle est le plus puissant stimulant de la croissance spirituelle.
 
(91.0) 91:8.12 Les mots n’ont pas d’importance dans la prière ; ils sont simplement le chenal intellectuel dans lequel la rivière des supplications spirituelles se trouve couler par hasard. La valeur verbale d’une prière est purement autosuggestive dans les dévotions individuelles, et sociosuggestives dans les dévotions collectives. Dieu répond à l’attitude de l’âme et non aux paroles.
 
(91.0) 91:8.13 La prière n’est pas une technique pour échapper à des conflits, mais plutôt un stimulant pour croitre en face du conflit. Ne priez que pour des valeurs, non pour des choses ; pour la croissance, et non pour la satisfaction.
 
9. Conditions d’efficacité de la prière

(91.0) 91:9.1 Si vous voulez arriver à prier efficacement, il faut avoir présentes à la pensée les lois des requêtes auxquelles il est fait droit :
 
  (91.0) 91:9.2 1.Il faut vous qualifier comme prieur efficace en affrontant sincèrement et courageusement les problèmes de la réalité universelle. Il faut avoir de la vigueur cosmique.
 
  (91.0) 91:9.3 2.Il faut avoir honnêtement épuisé toutes les possibilités humaines d’ajustement. Il faut avoir été industrieux.
 
  (91.0) 91:9.4 3.Il faut abandonner tous les souhaits du mental et tous les désirs de l’âme à l’emprise transformatrice de la croissance spirituelle. Il faut que vous ayez expérimenté un rehaussement des significations et une élévation des valeurs.
 
  (91.0) 91:9.5 4.Il faut choisir de tout cœur la volonté divine. Il faut anéantir le centre inerte de l’indécision.
 
  (91.0) 91:9.6 5.Non seulement vous reconnaissez la volonté du Père et vous choisissez de la faire, mais vous vous êtes consacré sans réserve et voué dynamiquement à exécuter cette volonté d’une manière effective.
 
  (91.0) 91:9.7 6.Votre prière cherchera exclusivement à obtenir la sagesse divine permettant de résoudre les problèmes humains spécifiques rencontrés au cours de l’ascension vers le Paradis – l’aboutissement à la perfection divine.
 
  (91.0) 91:9.8 7.Et il faut avoir la foi – une foi vivante.
 
(91.0) 91:9.9 [Présenté par le chef des médians d’Urantia.]
 


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90. Le chamanisme – sorciers-guérisseurs et prêtres

LIVRE D'URANTIA  -  Fascicule 90. Le chamanisme – sorciers-guérisseurs et prêtres

(90.0) 90:0.1 L’évolution des observances religieuses progressa depuis l’apaisement, l’évitement, l’exorcisme, la coercition, la conciliation et la propitiation jusqu’au sacrifice, à l’expiation et à la rédemption. La technique du rituel religieux passa des formes primitives du culte aux fétiches, puis à la magie et aux miracles. À mesure que le rituel devenait plus compliqué en réponse aux concepts de plus en plus complexes que l’homme se formait des royaumes supramatériels, il fut inévitablement dominé par les sorciers-guérisseurs, les chamans et les prêtres.
 
(90.0) 90:0.2 Avec le progrès de ses concepts, l’homme primitif finit par considérer le monde des esprits comme insensible aux mortels ordinaires. Seuls les humains exceptionnels pouvaient avoir l’oreille des dieux ; seuls l’homme ou la femme extraordinaires seraient écoutés par les esprits. La religion entre alors dans une nouvelle phase, un stade où elle a graduellement recours aux intermédiaires ; un sorcier-guérisseur, un chaman ou un prêtre interviennent toujours entre la personne religieuse et l’objet de son adoration. Aujourd’hui, la plupart des systèmes urantiens de croyances religieuses organisées passent par ce niveau de développement évolutionnaire.
 
(90.0) 90:0.3 La religion évolutionnaire nait d’une peur simple et toute-puissante, la peur qui surgit dans le mental humain confronté à l’inconnu, l’inexplicable et l’incompréhensible. La religion aboutit finalement à la réalisation profondément simple d’un amour tout-puissant, l’amour qui envahit irrésistiblement l’âme humaine quand elle s’éveille à la conception de l’affection illimitée du Père Universel pour les fils de l’univers. Mais, entre le commencement et la consommation de l’évolution religieuse, interviennent les longs âges des chamans qui prétendent s’interposer entre l’homme et Dieu comme intermédiaires, interprètes et intercesseurs.
 
1.Les premiers chamans – les sorciers-guérisseurs

(90.0) 90:1.1 Le chaman était le sorcier-guérisseur le plus éminent, l’homme fétiche des cérémonies et la personnalité focale pour toutes les pratiques de la religion évolutionnaire. Dans beaucoup de groupes, le chaman était hiérarchiquement supérieur au chef de guerre, ce qui marqua le commencement de la domination de l’État par l’Église. Le chaman opérait parfois comme prêtre et même comme prêtre-roi. Plus tard, certaines tribus eurent simultanément des chamans-sorciers-guérisseurs (voyants) du type primitif et des chamans-prêtres du type apparu ultérieurement. Dans de nombreux cas, la fonction de chaman devint héréditaire.
 
(90.0) 90:1.2 Puisque, dans les anciens temps, tout caractère anormal était attribué à la possession par un esprit, toute anomalie frappante, mentale ou physique, constitua une qualification pour être sorcier-guérisseur. Beaucoup d’hommes de cette sorte étaient épileptiques et beaucoup de femmes hystériques ; ces deux types expliquent une bonne partie de l’inspiration ancienne ainsi que la possession par des esprits et des démons. Un grand nombre de ces prêtres tout à fait primitifs appartenait à une classe actuellement dénommée paranoïaque.
 
(90.0) 90:1.3 Les chamans ont peut-être pratiqué la tromperie dans des affaires mineures, mais, en grande majorité, ils croyaient être possédés par des esprits. Les femmes capables de se mettre en transe ou dans un état cataleptique devinrent de puissantes chamanesses ; plus tard, ces femmes furent des prophétesses et des médiums spirites. Leurs transes cataleptiques impliquaient généralement de prétendues communications avec les esprits des morts. Nombre de chamanesses étaient aussi des danseuses professionnelles.
 
(90.0) 90:1.4 Mais tous les chamans ne s’illusionnaient pas sur eux-mêmes ; beaucoup étaient des escrocs rusés et habiles. Quand la profession se développa, on exigea des novices un apprentissage de dix années d’épreuves sévères et de renoncement pour se qualifier comme sorcier-guérisseur. Les chamans instaurèrent une manière professionnelle de s’habiller et affectèrent une conduite mystérieuse. Ils employaient fréquemment des drogues pour provoquer certains états physiques destinés à impressionner et à mystifier les membres de leur tribu. La prestidigitation fut considérée comme surnaturelle par les gens du commun et certains prêtres astucieux furent les premiers à employer la ventriloquie. Beaucoup d’anciens chamans découvrirent par hasard l’hypnotisme ; d’autres provoquèrent l’autohypnose en regardant fixement leur nombril pendant très longtemps.
 
(90.0) 90:1.5 Bien que nombre d’entre eux eussent recours à ces supercheries et tromperies, leur réputation, en tant que classe, tenait en fin de compte à leur réussite apparente. Quand un chaman échouait dans ses entreprises, s’il ne pouvait présenter un alibi plausible, on le déclassait ou on le tuait. Ainsi, les chamans honnêtes périrent-ils tôt ; seuls les comédiens astucieux survivaient.
 
(90.0) 90:1.6 Ce fut le chamanisme qui enleva aux anciens et aux forts la direction exclusive des affaires de la tribu et la remit aux mains des rusés, des intelligents et des perspicaces.
 
2.Les pratiques chamanistes

(90.0) 90:2.1 La conjuration des esprits était une procédure très précise et fort compliquée, comparable aux rituels ecclésiastiques d’aujourd’hui conduits dans une langue archaïque. La race humaine a recherché, de très bonne heure, l’aide suprahumaine, la révélation ; et les hommes croyaient que les chamans recevaient effectivement des révélations. Les chamans utilisèrent, dans leur travail, le grand pouvoir de la suggestion, mais c’était presque invariablement une suggestion négative ; la technique de la suggestion positive n’a été employée que tout récemment. Au début du développement de leur profession, les chamans commencèrent à se spécialiser dans des branches telles que la provocation de la pluie, la cure des maladies et la détection des criminels. Toutefois, un sorcier-guérisseur chaman n’avait pas pour fonction principale de guérir les malades, mais plutôt de connaitre et de contrôler les risques de la vie.
 
(90.0) 90:2.2 L’ancienne magie noire, tant religieuse que laïque, était appelée magie blanche quand elle était pratiquée par des prêtres, des voyants, des chamans ou des sorciers-guérisseurs. Les adeptes de la magie noire étaient qualifiés de sorciers, sorcières, magiciens, magiciennes, enchanteurs, nécromanciens, exorcistes et devins. Avec le temps, tous ces prétendus contacts avec le monde surnaturel furent classés en sorcellerie ou en chamanisme.
 
(90.0) 90:2.3 La sorcellerie englobait la magie accomplie par des esprits primitifs, irréguliers et non reconnus. Le chamanisme concernait les miracles accomplis par des esprits réguliers et par les dieux reconnus de la tribu. Plus tard, les sorcières furent associées au diable, et la scène était ainsi préparée pour les nombreuses exhibitions relativement récentes d’intolérance religieuse. La sorcellerie était une religion pour beaucoup de tribus primitives.
 
(90.0) 90:2.4 Les chamans croyaient profondément à la mission du hasard pour révéler la volonté des esprits ; ils tiraient fréquemment au sort pour parvenir à des décisions. Des exemples de survivances modernes de ce penchant pour tirer au sort se retrouvent non seulement dans les nombreux jeux de hasard, mais aussi dans les “ comptines ” bien connues. Jadis, la personne éliminée devait mourir ; aujourd’hui, elle est simplement celle qui le sera dans des jeux enfantins. Ce qui était une affaire sérieuse pour les primitifs a survécu comme divertissement pour les enfants modernes.
 
(90.0) 90:2.5 Les sorciers-guérisseurs avaient grande confiance dans les signes et les présages tels que : “ Si tu entends le bruit d’un frôlement dans le sommet des muriers, alors tu te hâteras d’agir. ” Très tôt dans l’histoire de la race, les chamans tournèrent leur attention vers les étoiles. Dans le monde entier, on crut à l’astrologie primitive et on la pratiqua. L’interprétation des rêves fut également très répandue. Tout ceci fut bientôt suivi de l’apparition des chamanesses fantasques qui se déclaraient capables de communiquer avec les esprits des morts.
 
(90.0) 90:2.6 Bien que leur origine soit ancienne, les faiseurs de pluie, les chamans du temps, ont subsisté jusqu’à aujourd’hui à travers les âges. Une sécheresse grave signifiait la mort pour les agriculteurs primitifs ; la magie antique s’occupait beaucoup du contrôle du temps. Les hommes civilisés font encore de la pluie et du beau temps le thème commun des conversations. Les anciennes populations croyaient toutes au pouvoir du chaman comme faiseur de pluie, mais elles avaient coutume de le tuer s’il échouait, à moins qu’il n’ait pu fournir une excuse valable pour rendre compte de son échec.
 
(90.0) 90:2.7 Les astrologues furent maintes et maintes fois bannis par les Césars, mais ils revenaient invariablement à cause de la croyance populaire à leurs pouvoirs. Ils ne purent être chassés et, même au seizième siècle de l’ère chrétienne, les administrateurs des Églises et des États occidentaux protégèrent l’astrologie. Des milliers de personnes censément intelligentes croient encore que l’on peut naitre sous la domination d’une bonne ou d'une mauvaise étoile, et que la juxtaposition des corps célestes détermine l’aboutissement de diverses aventures terrestres. Les diseurs de bonne aventure ont encore une clientèle de crédules.
 
(90.0) 90:2.8 Les Grecs croyaient à l’efficacité du conseil des oracles, les Chinois employaient la magie pour se protéger des démons, le chamanisme a fleuri aux Indes et persiste encore ouvertement en Asie centrale. Dans une grande partie du monde, sa pratique n’a été abandonnée que tout récemment.
 
(90.0) 90:2.9 De temps à autre, de vrais prophètes et instructeurs ont surgi pour dénoncer et démasquer le chamanisme. Même les hommes rouges en voie de disparaitre eurent un prophète de cet ordre au cours du siècle dernier, Tenskwatawa le Shawnie, qui prédit l’éclipse du soleil en 1806 et dénonça les vices des hommes blancs. Beaucoup de vrais éducateurs sont apparus parmi les diverses tribus et races au cours des longs âges de l’histoire évolutionnaire. Il continuera toujours d’en apparaitre pour défier les chamans ou prêtres de toute époque qui s’opposent à l’éducation générale et tentent de contrecarrer le progrès scientifique.
 
(90.0) 90:2.10 De bien des manières et par des méthodes tortueuses, les chamans de jadis établirent leur réputation en tant que voix de Dieu et gardiens de la providence. Ils aspergeaient d’eau les nouveau-nés et leur conféraient des noms ; ils circoncisaient les mâles. Ils présidaient à toutes les cérémonies d’enterrement et annonçaient dument la bonne arrivée des morts au pays des esprits.
 
(90.0) 90:2.11 Les prêtres et sorciers-guérisseurs chamaniques devenaient souvent très riches par le cumul de leurs divers honoraires qui, ostensiblement, étaient des offrandes aux esprits. Il n’était pas rare qu’un chaman accaparât pratiquement toute la fortune matérielle de sa tribu. À la mort d’un homme riche, on avait coutume de diviser son héritage en parts égales entre le chaman et une entreprise publique ou une œuvre de charité. Cette pratique prévaut encore dans certaines parties du Tibet, où la moitié de la population masculine appartient à cette classe de non-producteurs.
 
(90.0) 90:2.12 Les chamans s’habillaient bien et avaient en général un certain nombre de femmes. Ils furent l’aristocratie originelle, exempte de toute restriction tribale. Leur mental et leur morale étaient très souvent de bas étage. Ils supprimaient leurs rivaux en les dénonçant comme sorciers ou sorcières et s’élevaient à de telles situations d’influence et de pouvoir qu’ils pouvaient fréquemment dominer les chefs ou les rois.
 
(90.0) 90:2.13 Les hommes primitifs considéraient le chaman comme un mal nécessaire ; ils le craignaient, mais ne l’aimaient pas. Ils respectaient le savoir, ils honoraient et récompensaient la sagesse. Les chamans étaient surtout des charlatans, mais la vénération du chamanisme illustre bien la prime accordée à la sagesse dans l’évolution de la race.
 
3.La théorie chamanique de la maladie et de la mort

(90.0) 90:3.1 Puisque l’homme de l’antiquité considérait que lui-même et son environnement matériel étaient directement sensibles aux caprices des fantômes et aux fantaisies des esprits, il est bien naturel que sa religion se soit si exclusivement occupée des affaires matérielles. L’homme moderne attaque directement ses problèmes matériels ; il reconnait que la matière est docile aux manipulations intelligentes du mental. L’homme primitif désirait aussi modifier, et même contrôler, la vie et les énergies des domaines physiques, mais sa compréhension limitée du cosmos le conduisit à croire que les fantômes, les esprits et les dieux s’occupaient personnellement et immédiatement du contrôle détaillé de la vie et de la matière. Il orienta donc logiquement ses efforts pour gagner la faveur et le soutien de ces agents suprahumains.
 
(90.0) 90:3.2 Vue sous cette lumière, une grande partie des éléments inexplicables et irrationnels des anciens cultes devient compréhensible. Les cérémonies du culte étaient les tentatives des hommes primitifs pour contrôler le monde matériel dans lequel ils se trouvaient. Et une bonne partie de leurs efforts tendait à prolonger la vie et à assurer la santé. Or, toutes les maladies et la mort elle-même furent originellement considérées comme des phénomènes dus aux esprits ; il était donc inévitable que les chamans, tout en opérant comme sorciers-guérisseurs et prêtres, aient aussi travaillé comme médecins et chirurgiens.
 
(90.0) 90:3.3 Le mental primitif est peut-être handicapé par le manque de faits, mais, en dépit de tout cela, il reste logique. Quand des hommes réfléchis observent la maladie et la mort, ils entreprennent de déterminer les causes de ces calamités, et, conformément à leur compréhension, les chamans et les savants ont proposé les théories suivantes à propos des afflictions :
 
  (90.0) 90:3.4 1.Les fantômes – les influences directes des esprits. La toute première hypothèse avancée pour expliquer la maladie et la mort fut que les esprits causaient des maladies en attirant l’âme hors du corps ; si l’âme ne réussissait pas à revenir, la mort s’ensuivait. Les anciens craignaient tellement l’action malveillante des fantômes producteurs de maladies qu’ils abandonnaient souvent les individus mal portants sans même leur laisser de quoi manger et boire. Indépendamment de leurs prémisses erronées, ces croyances isolaient efficacement des individus malades et empêchaient la propagation des maladies contagieuses.
 
  (90.0) 90:3.5 2.La violence – les causes évidentes. Les causes de certains accidents et décès étaient si faciles à identifier qu’elles furent tôt supprimées de la catégorie des activités des fantômes. Les issues fatales et les blessures accompagnant la guerre, les combats avec les animaux et d’autres facteurs facilement identifiables furent considérés comme des évènements naturels. Mais on crut longtemps que les esprits restaient responsables des retards dans les guérisons ou des infections de blessures même dues à des causes “ naturelles ”. Si nul agent naturel observable ne pouvait être découvert, on tenait encore les esprits fantômes pour responsables de la maladie et de la mort.
 
  (90.0) 90:3.6 Aujourd’hui, en Afrique et ailleurs, on peut trouver des peuplades primitives qui tuent quelqu’un chaque fois qu’il se produit un décès non dû à la violence. Leurs sorciers-guérisseurs leur indiquent les coupables. Si une mère meurt en couches, on étrangle immédiatement l’enfant – une vie pour une vie.
 
  (90.0) 90:3.7 3.La magie – l’influence des ennemis. On croyait de bien des maladies qu’elles étaient causées par ensorcellement, par l’action du mauvais œil et de l’arc pointé magiquement. À une époque, il fut réellement dangereux de montrer quelqu’un du doigt ; on considère encore comme mal élevé de le faire. Dans le cas de maladie et de mort obscures, les anciens faisaient une enquête officielle, disséquaient le corps, s’arrêtaient sur quelque découverte et décidaient qu’elle était la cause de la mort ; autrement, on l’aurait attribuée à la sorcellerie et il aurait fallu exécuter la sorcière responsable. Ces antiques enquêtes judiciaires ont sauvé la vie à bien des sorcières présumées. Dans certaines tribus, on croyait qu’un homme pouvait mourir comme conséquence de sa propre sorcellerie, auquel cas nul n’était accusé.
 
  (90.0) 90:3.8 4.Le péché – la punition pour avoir violé un tabou. À une époque relativement récente, on a cru que la maladie était un châtiment du péché, personnel ou racial. Chez les peuples traversant ce niveau d’évolution prévaut la théorie que l’on ne peut être affligé à moins d’avoir violé un tabou. Une forme typique de cette croyance consiste à considérer la maladie et la souffrance comme “ des flèches du Tout-Puissant à l’intérieur du corps ”. Les Chinois et les Mésopotamiens ont longtemps considéré les maladies comme résultant de l’activité de mauvais démons, bien que les Chaldéens aient aussi regardé les étoiles comme cause de la souffrance. Cette théorie de la maladie comme conséquence de la colère divine prévaut encore parmi de nombreuses collectivités urantiennes réputées civilisées.
 
  (90.0) 90:3.9 5.Causes naturelles. L’humanité fut très lente à apprendre les secrets matériels des relations de cause à effet dans les domaines physiques de l’énergie, de la matière et de la vie. Les anciens Grecs, ayant préservé les traditions des enseignements d’Adamson, furent parmi les premiers à reconnaitre que toute maladie résulte de causes naturelles. Avec lenteur et certitude, le développement d’une ère scientifique détruit les théories millénaires des hommes sur la maladie et la mort. La fièvre fut l’une des premières des indispositions ôtées de la catégorie des désordres surnaturels ; l’ère de la science a progressivement rompu les entraves de l’ignorance qui a si longtemps emprisonné le mental humain. La compréhension de la vieillesse et de la contagion efface graduellement du mental des hommes la peur des fantômes, des esprits et des dieux en tant qu’auteurs de la misère humaine et des souffrances des mortels.
 
(90.0) 90:3.10 L’évolution parvient infailliblement à ses fins : elle imprègne l’homme de la peur superstitieuse de l’inconnu et de la crainte de l’invisible, qui sont l’échafaudage pour atteindre le concept de Dieu. Puis, après avoir constaté la naissance d’une compréhension élevée de la Déité par l’action coordonnée de la révélation, la même technique d’évolution met immanquablement en marche les forces de pensée qui détruiront inexorablement l’échafaudage dont la mission est accomplie.
 
4.La médecine au temps des chamans

(90.0) 90:4.1 Toute la vie des anciens était axée sur la prophylaxie ; leur religion était, dans une large mesure, une technique pour prévenir les maladies. Indépendamment de l’erreur de leurs théories, ils étaient sincères en les mettant en œuvre. Ils avaient une foi illimitée dans leurs méthodes de traitement, et ce seul facteur est déjà par lui-même un remède puissant.
 
(90.0) 90:4.2 La foi exigée pour se rétablir au moyen des soins stupides d’un de ces anciens chamans n’était pas, après tout, substantiellement différente de celle qu’il faut aujourd’hui pour se faire guérir par un de leurs successeurs lancé dans le traitement non scientifique des maladies.
 
(90.0) 90:4.3 Les tribus les plus primitives craignaient beaucoup les malades ; pendant de longs âges, on les évita soigneusement, on les négligea honteusement. L’humanitarisme avança d’un grand pas quand l’évolution du métier de chaman suscita des prêtres et des sorciers-guérisseurs consentant à traiter les maladies. Il devint alors coutumier pour tout le clan d’affluer dans la chambre du malade pour aider le chaman à chasser, par des hurlements, le fantôme de la maladie. Il n’était pas rare que le chaman faisant le diagnostic fût une femme, tandis qu’un homme administrait le traitement. La méthode habituelle pour diagnostiquer les maladies consistait à examiner les entrailles d’un animal.
 
(90.0) 90:4.4 On traitait la maladie en psalmodiant, en hurlant, en imposant les mains, en soufflant sur le patient et par bien d’autres techniques. Plus tard, on eut recours au sommeil dans le temple, durant lequel on supposait que la guérison avait lieu, et cette coutume se généralisa. Les sorciers-guérisseurs finirent par essayer de véritables opérations chirurgicales liées au sommeil dans le temple ; la trépanation avec une tarière, pour permettre la fuite d’un esprit causant le mal de tête, fut l’une des premières opérations. Les chamans apprirent à réduire les fractures et les luxations, à ouvrir les furoncles et les abcès ; les chamanesses devinrent des sages-femmes expertes.
 
(90.0) 90:4.5 Une méthode courante de traitement consistait à frotter quelque chose de magique sur un point infecté ou souillé du corps, à jeter le charme et à supposer que l’on avait obtenu une guérison. Si par hasard quelqu’un ramassait le charme jeté, on croyait qu’il acquerrait immédiatement l’infection ou la souillure. Il fallut longtemps pour introduire les plantes médicinales et autres vrais médicaments. Le massage se développa en liaison avec les incantations, pour chasser l’esprit du corps par friction ; il fut précédé par des efforts pour introduire des médicaments par frottement, semblables aux tentatives modernes pour faire pénétrer des liniments. On crut qu’en appliquant des ventouses, en suçant les parties affectées et en pratiquant des saignées, on contribuait utilement à se débarrasser d’un esprit générateur de maladies.
 
(90.0) 90:4.6 L’eau était un puissant fétiche ; elle fut donc utilisée pour le traitement d’un grand nombre de maladies. On crut pendant longtemps que l’esprit causant la maladie pouvait être éliminé par la transpiration. On accorda beaucoup de crédit aux bains de vapeur. Des stations de cure primitive fleurirent autour des sources thermales naturelles. Les primitifs découvrirent que la chaleur soulageait la souffrance ; ils utilisèrent les rayons du soleil, des organes d’animaux fraichement tués, de l’argile chaude, des pierres chauffées ; nombre de ces méthodes sont encore employées aujourd’hui. On s’efforça d’influencer les esprits en pratiquant des rythmes ; les tam-tams furent universellement employés.
 
(90.0) 90:4.7 Chez certains peuples, on croyait que la maladie était causée par une conspiration pernicieuse entre des esprits et des animaux. Cela donna naissance à la croyance qu’il existait un remède végétal bienfaisant pour chaque maladie causée par un animal. Les hommes rouges étaient spécialement fidèles à la théorie des plantes comme remèdes universels ; ils laissaient toujours tomber une goutte de sang dans le trou laissé par les racines quand on arrachait la plante.
 
(90.0) 90:4.8 On utilisait souvent le jeûne, les régimes et les révulsifs comme mesures curatives. Les sécrétions humaines, étant nettement magiques, jouissaient d’une haute considération ; le sang et l’urine figuraient donc parmi les premiers médicaments, et l’on y ajouta bientôt des racines et divers sels. Les chamans croyaient que les esprits de maladie pouvaient être chassés par des médicaments infects et nauséabonds. La purge devint très tôt un traitement ordinaire, et la valeur du cacao et de la quinine bruts fut l’une des toutes premières découvertes pharmaceutiques.
 
(90.0) 90:4.9 Les Grecs furent les premiers à établir des méthodes vraiment rationnelles pour soigner les malades. Les Grecs et les Égyptiens tenaient leurs connaissances médicales des habitants de la vallée de l’Euphrate. L’huile et le vin furent employés de très bonne heure pour panser les blessures. Les Sumériens utilisaient l’huile de ricin et l’opium. Beaucoup de ces remèdes secrets anciens et efficaces perdirent leur vertu quand ils furent connus ; le secret a toujours été essentiel pour pratiquer avec succès la supercherie et la superstition. Seuls les faits et la vérité recherchent la pleine lumière de la compréhension et se réjouissent de la clarté et de l’illumination apportées par la recherche scientifique.
 
5.Prêtres et rituels

(90.0) 90:5.1 L‘essence du rituel est la perfection de son accomplissement ; parmi les sauvages, il faut le pratiquer avec une précision parfaite. La cérémonie n’a de pouvoir coercitif sur les esprits que si elle a été célébrée correctement. Si le rituel est défectueux, il ne fait qu’exciter la colère et le ressentiment des dieux. Donc, puisque le mental lentement évoluant des hommes concevait que la technique du rituel était le facteur décisif de son efficacité, il était inévitable que les chamans primitifs se transforment tôt ou tard en une prêtrise entrainée à diriger la pratique méticuleuse du rituel. Et ainsi, pendant des dizaines de milliers d’années, d’interminables rituels devinrent des entraves pour la société et un fléau pour la civilisation, un fardeau intolérable pour tous les actes de la vie, pour toutes les entreprises raciales.
 
(90.0) 90:5.2 Le rituel est la technique pour sanctifier la coutume ; le rituel crée et perpétue des mythes aussi bien qu’il contribue à préserver les coutumes sociales et religieuses. De plus, le rituel lui-même a été engendré par des mythes. Les rituels commencent souvent par être sociaux, deviennent ensuite économiques et finissent par acquérir la sainteté et la dignité de cérémonies religieuses. La pratique du rituel peut être personnelle ou collective – ou les deux – comme on en voit l’exemple dans la prière, la danse et les représentations dramatiques.
 
(90.0) 90:5.3 Les paroles devinrent partie du rituel, comme le montre l’usage de termes tels que amen et sélah. L’habitude de jurer, le blasphème, représente une prostitution de l’ancienne répétition rituelle de noms sacrés. Les pèlerinages à des sanctuaires sont un très ancien rituel. Les rituels devinrent ensuite un cérémonial minutieux de purification, d’assainissement et de sanctification. Les cérémonies d’initiation des sociétés secrètes des tribus primitives étaient en réalité un rite religieux grossier. La technique d’adoration des anciens cultes des mystères était simplement une longue performance de rituels religieux accumulés. Le rituel finit par donner les types modernes de cérémonies sociales et de cultes religieux, les services englobant des prières, des chants, des répons et d’autres dévotions spirituelles individuelles et collectives.
 
(90.0) 90:5.4 Les prêtres évoluèrent à partir des chamans en passant par les stades d’oracles, de devins, de chanteurs, de danseurs, de faiseurs de pluie et de beau temps, de gardiens de reliques, de conservateurs de temples et de pronostiqueurs d’évènements, pour en arriver au statut de directeurs effectifs du culte religieux. Leur charge devint finalement héréditaire, et une caste ecclésiastique permanente s’éleva.
 
(90.0) 90:5.5 À mesure que la religion évoluait, les prêtres commencèrent à se spécialiser selon leurs talents innés ou leurs prédilections spéciales. Certains devinrent chanteurs, d’autres prieurs et d’autres encore sacrificateurs ; plus tard vinrent les orateurs – les prédicateurs. Quand la religion devint une institution, ces prêtres prétendirent “ détenir les clefs du ciel ”.
 
(90.0) 90:5.6 Les prêtres ont toujours cherché à impressionner les gens du peuple et à leur inspirer une crainte respectueuse en conduisant le rituel religieux dans une langue morte et en faisant diverses passes magiques pour mystifier les fidèles de manière à rehausser leur propre piété et leur autorité. Le grand danger, dans tout cela, est que le rituel tend à devenir un substitut de la religion.
 
(90.0) 90:5.7 Les prêtrises ont beaucoup contribué à retarder le développement de la science et à empêcher le progrès spirituel, mais elles ont contribué à stabiliser la civilisation et à relever certains aspects de la culture. Mais beaucoup de prêtres modernes ont cessé d’opérer comme directeurs du rituel d’adoration de Dieu et ont tourné leur attention vers la théologie – la tentative pour définir Dieu.
 
(90.0) 90:5.8 Les prêtres ont incontestablement été une meule attachée au cou des races, mais les vrais chefs religieux ont eu une valeur inestimable en montrant le chemin vers des réalités supérieures et meilleures.
 
(90.0) 90:5.9 [Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]
 


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89. Péché, sacrifice et expiation

LIVRE D'URANTIA  -  Fascicule 89. Péché, sacrifice et expiation

(89.0) 89:0.1 L’homme primitif se considérait comme endetté vis-à-vis des esprits, comme ayant besoin de rédemption. Du point de vue des sauvages sur la justice, les esprits auraient pu leur envoyer beaucoup plus de malchance. Avec l’écoulement du temps, ce concept se transforma en doctrine du péché et du salut. On considérait l’âme comme venant au monde avec un passif – le péché originel. Il fallait racheter l’âme, fournir un bouc émissaire. Les chasseurs de têtes, outre qu’ils pratiquaient le culte de l’adoration des crânes, pouvaient fournir un remplaçant pour leur propre vie, un bouc émissaire.
 
(89.0) 89:0.2 Très tôt les sauvages furent imbus de la notion selon laquelle les esprits prennent une satisfaction suprême à contempler la misère, les souffrances et l’humiliation humaines. Tout d’abord les hommes ne s’occupèrent que du péché de commission, mais ensuite ils se préoccupèrent du péché d’omission. Et tout le système subséquent des sacrifices se développa autour de ces deux idées. Ce nouveau rituel se rapportait à l’observance des cérémonies propitiatoires du sacrifice. Les primitifs croyaient qu’il fallait faire quelque chose de spécial pour gagner la faveur des dieux ; seule une civilisation évoluée reconnait un Dieu bienveillant et d’humeur égale. La propitiation était une assurance contre la malchance immédiate plutôt qu’un investissement pour une félicité future. Les rituels d’évitement, d’exorcisme, de coercition et de propitiation se fondent tous les uns dans les autres.
 
1. Le tabou

(89.0) 89:1.1 L’observance d’un tabou était l’effort de l’homme pour esquiver la malchance en s’abstenant de quelque chose, pour éviter d’offenser les esprits fantômes. Tout d’abord, les tabous ne furent pas religieux, mais ils acquirent de bonne heure la sanction des fantômes et des esprits ; quand ils furent ainsi renforcés, ils devinrent des législateurs et des bâtisseurs d’institutions. Le tabou est la source des normes cérémonielles et l’ancêtre de la maitrise de soi primitive. Il fut la première forme de réglementation sociale et, pendant longtemps, la seule ; il est encore un facteur fondamental de la structure sociale régulatrice.
 
(89.0) 89:1.2 Le respect que ces prohibitions inspiraient au mental des sauvages était exactement proportionnel à leur peur des pouvoirs censés imposer ces prohibitions. Les tabous naquirent tout d'abord d’expériences malheureuses dues au hasard ; plus tard, ils furent proposés par des chefs et des chamans – hommes fétiches que l’on croyait dirigés par un esprit fantôme, voire par un dieu. La peur du châtiment par les esprits est si vive dans le mental des primitifs qu’ils meurent parfois de frayeur lorsqu’ils ont violé un tabou ; ces épisodes dramatiques renforcent énormément l’emprise du tabou sur le mental des survivants.
 
(89.0) 89:1.3 Parmi les premières prohibitions se trouvaient les restrictions sur l’appropriation des femmes et d’autres biens. À mesure que la religion joua un rôle croissant dans l’évolution du tabou, l’article frappé d’interdit fut considéré comme impur, puis comme impie. Les annales des Hébreux sont remplies de mentions concernant des choses pures et impures, saintes et impies, mais les croyances des Hébreux dans ce sens étaient beaucoup moins encombrantes et étendues que chez maints autres peuples.
 
(89.0) 89:1.4 Les sept commandements de Dalamatia et d’Éden, ainsi que les dix commandements des Hébreux, étaient des tabous précis, tous exprimés dans la même forme négative que les plus anciennes prohibitions ; mais ces nouveaux codes avaient une véritable valeur émancipatrice en ce sens qu’ils remplaçaient des milliers de tabous préexistants. De plus, ces commandements plus tardifs promettaient catégoriquement quelque chose en récompense de l’obéissance.
 
(89.0) 89:1.5 Les tabous primitifs sur la nourriture naquirent du fétichisme et du totémisme. Le porc était sacré pour les Phéniciens, la vache pour les Hindous. Le tabou égyptien sur la viande de porc a été perpétué par la foi hébraïque et islamique. Une variante du tabou sur la nourriture était la croyance qu’une femme enceinte pouvait tellement penser à un certain aliment que l’enfant, lors de sa naissance, serait le reflet de cet aliment, lequel serait alors tabou pour lui.
 
(89.0) 89:1.6 Les manières de manger devinrent taboues de bonne heure, d’où l’étiquette de table ancienne et moderne. Les systèmes de castes et les niveaux sociaux sont des vestiges d’antiques prohibitions. Les tabous furent très efficaces pour organiser la société, mais ils étaient terriblement pesants ; le système d’interdit négatif maintenait non seulement des règles utiles et constructives, mais aussi des tabous périmés, désuets et inutiles.
 
(89.0) 89:1.7 Il n’y aurait cependant pas de société civilisée pour critiquer l’homme primitif sans ces tabous nombreux et variés, et les tabous n’auraient jamais persisté s’ils n’avaient été soutenus par l’approbation et la sanction de la religion primitive. Nombre de facteurs essentiels dans l’évolution humaine ont été extrêmement onéreux, ont couté d’immenses trésors d’efforts, de sacrifices et de renoncements ; mais ces accomplissements de la maitrise de soi furent les véritables échelons sur lesquels l’homme a gravi l’échelle ascendante de la civilisation.
 
2. Le concept du péché

(89.0) 89:2.1 La peur du hasard et la crainte de la malchance poussèrent littéralement les hommes à inventer la religion primitive comme une assurance supposée contre ces calamités. Partant de la magie et des fantômes, et passant par les esprits et les fétiches, la religion évolua jusqu’aux tabous. Chaque tribu primitive avait son arbre au fruit défendu, littéralement la pomme, mais, au figuré, consistant en un millier de branches pendantes, lourdes de toutes sortes de tabous. L’arbre défendu disait toujours : “ Tu ne feras pas. ”
 
(89.0) 89:2.2 Quand le mental du sauvage évolua au point d’imaginer à la fois de bons et de mauvais esprits, et quand le tabou reçut la sanction solennelle de la religion évoluante, la scène fut toute prête pour l’apparition de la nouvelle conception, celle du péché. L’idée du péché était universellement établie dans le monde bien avant que la religion révélée y pénétrât. Seul le concept du péché permit à la mort naturelle de devenir logique pour le mental primitif. Le péché était la transgression du tabou, et la mort était le châtiment du péché.
 
(89.0) 89:2.3 Le péché était rituel, et non rationnel ; un acte et non une pensée. Et l’ensemble de ce concept du péché était entretenu par ce qui persistait des traditions de Dilmun et de l’époque d’un petit paradis sur terre. La tradition d’Adam et du Jardin d’Éden prêtait également substance au rêve d’un ancien “ âge d’or ” à l’aurore des races. Tout ceci confirmait les idées qui s’exprimèrent plus tard par la croyance que l’homme avait son origine dans une création spéciale, qu’il avait débuté parfait dans sa carrière, et que la transgression des tabous – le péché – l’avait rabaissé à son triste sort ultérieur.
 
(89.0) 89:2.4 La violation habituelle d’un tabou devint un vice ; la loi primitive fit du vice un crime ; la religion en fit un péché. Chez les tribus primitives, la violation d’un tabou était un crime et un péché conjugués. Une calamité atteignant la communauté était toujours considérée comme une punition pour un péché de la tribu. Pour ceux qui croyaient que la prospérité va de pair avec la droiture, la prospérité apparente des méchants causa tant de soucis qu’il devint nécessaire d’inventer des enfers pour punir les violateurs de tabous. Le nombre de ces lieux de châtiments futurs a varié de un à cinq.
 
(89.0) 89:2.5 L’idée de confession et de pardon apparut de bonne heure dans la religion primitive. Les hommes demandaient pardon dans une réunion publique pour des péchés qu’ils avaient l’intention de commettre la semaine suivante. La confession était simplement un rite de rémission, et aussi une notification publique de souillure, un rituel pour crier “ impur, impur ! ”. Suivaient ensuite toutes les formes rituelles de purification. Tous les peuples de l’antiquité pratiquèrent ces cérémonies dépourvues de sens. Bien des coutumes, apparemment hygiéniques, des tribus primitives étaient surtout cérémonielles.
 
3. Renoncement et humiliation

(89.0) 89:3.1 Le renoncement fut l’étape suivante de l’évolution religieuse ; on pratiquait couramment le jeûne. Bientôt s’établit la coutume de s’abstenir de nombreuses formes de plaisir physique, spécialement de nature sexuelle. Le rituel du jeûne était profondément enraciné dans nombre de religions anciennes ; et il a été transmis pratiquement à tous les systèmes modernes de pensée théologique.
 
(89.0) 89:3.2 Juste à l’époque où les barbares commençaient à renoncer au gaspillage consistant à bruler et à enterrer des biens avec les morts, au moment où la structure économique des races commençait à prendre forme, cette nouvelle doctrine religieuse du renoncement fit son apparition, et des dizaines de milliers d’âmes sérieuses se mirent à briguer la pauvreté. Les biens furent considérés comme un handicap spirituel. Cette notion des dangers spirituels accompagnant la possession des biens matériels fut largement entretenue à l’époque de Philon et de Paul, et, depuis lors, elle a toujours notablement influencé la philosophie européenne.
 
(89.0) 89:3.3 La pauvreté était simplement une partie du rituel de mortification de la chair, qui, malheureusement, s’incorpora dans les écrits et les enseignements de nombre de religions, notamment du christianisme. La pénitence est la forme négative de ce rituel, souvent stupide, de renonciation. Mais tout cela enseigna la maitrise de soi aux primitifs, et ce fut un progrès vraiment valable dans l’évolution sociale. La négation de soi et la maitrise de soi comptèrent parmi les plus grands gains sociaux provenant de la religion évolutionnaire primitive. La maitrise de soi apporta à l’homme une nouvelle philosophie de vie ; elle lui enseigna l’art d’accroitre sa fraction de vie en diminuant le dénominateur d’exigences personnelles au lieu de toujours essayer d’augmenter le numérateur de satisfactions égoïstes.
 
(89.0) 89:3.4 Ces anciennes idées de discipline de soi-même englobaient la flagellation et toutes sortes de tortures physiques. Les prêtres du culte de la mère étaient spécialement actifs pour enseigner la vertu des souffrances physiques ; ils donnaient l’exemple en se soumettant à la castration. Les Hébreux, les Hindous et les bouddhistes étaient de fidèles adeptes de cette doctrine d’humiliation physique.
 
(89.0) 89:3.5 Durant toute l’antiquité, les hommes cherchèrent, par ce moyen, à bénéficier, sur le grand livre de la négation de soi tenu par leurs dieux, d’un supplément de crédit dû à leur renoncement. Il fut jadis coutumier, quand on éprouvait certaines tensions émotionnelles, de faire le vœu de renoncer à soi et de se torturer. Avec le temps, ces vœux prirent la forme de contrats avec les dieux. En se sens, ils représentaient un véritable progrès évolutionnaire, car les dieux étaient censés faire quelque chose de précis en récompense de cette torture et de cette mortification de la chair. Les vœux étaient aussi bien négatifs que positifs. Aujourd’hui c’est aux Indes, parmi certains groupes, que l’on observe le mieux des serments de nature aussi extrême et nuisible.
 
(89.0) 89:3.6 Il était bien naturel que le culte du renoncement et de l’humiliation prêtât attention aux satisfactions sexuelles. Le culte de la continence prit naissance comme un rituel parmi les soldats qui allaient se lancer dans la bataille ; plus tard, il devint la pratique des “ saints ”. Ce culte tolérait le mariage en le considérant comme un mal moindre que la fornication. Nombres de grandes religions du monde ont été défavorablement influencées par cet ancien culte, mais aucune plus notoirement que le christianisme. L’apôtre Paul en était un adepte, et ses vues personnelles se reflètent dans les enseignements qu’il introduisit dans la théologie chrétienne : “ Il est bon pour un homme de ne pas toucher de femme. ” “ Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi-même. ” “ Je dis donc aux célibataires et aux veuves de demeurer comme moi. ” Paul savait bien que ces enseignements ne faisaient pas partie de l’évangile de Jésus, et il le reconnait en disant : “ Je dis ceci par permission et non par commandement. ” Mais ce culte conduisit Paul à mépriser les femmes. Le malheur est que ses opinions personnelles ont longtemps influencé les enseignements d’une grande religion du monde. Si le conseil de l’éducateur fabricant de tentes était littéralement et universellement suivi, la race humaine prendrait fin d’une manière soudaine et peu glorieuse. En outre, le fait de mêler une religion aux anciens cultes de continence conduit directement à la guerre contre le mariage et le foyer, qui sont les véritables fondations de la société et les institutions de base du progrès humain. Il n’y a rien d’étonnant à ce que ces croyances aient favorisé la formation de prêtrises pratiquant le célibat dans les nombreuses religions de divers peuples.
 
(89.0) 89:3.7 Un jour, l’homme devra apprendre à jouir de la liberté sans licence, de la nourriture sans gloutonnerie et du plaisir sans débauche. La maitrise de soi est une meilleure politique humaine pour régler sa conduite que l’extrême reniement de soi. Jésus n’a d’ailleurs jamais enseigné ces points de vue déraisonnables à ses disciples.
 
4. Les origines du sacrifice

(89.0) 89:4.1 Le sacrifice en tant que partie des dévotions religieuses, comme beaucoup d’autres rituels d’adoration, n’eut pas une origine simple et unique. La tendance à s’incliner devant le pouvoir et à se prosterner en adoration respectueuse en présence d’un mystère est préfigurée par le chien qui se couche devant son maitre. Il n’y a qu’un pas entre l’impulsion à adorer et l’acte du sacrifice. L’homme primitif mesurait la valeur de son sacrifice à la douleur qu’il ressentait. Lorsque l’idée de sacrifice s’attacha pour la première fois au cérémonial religieux, on n’envisagea pas d’offrande sans accompagnement de souffrances. Les premiers sacrifices furent des actes tels que celui de s’arracher les cheveux, se taillader la chair, se mutiler, se casser les dents et se couper les doigts. Avec l’avance de la civilisation, ces concepts grossiers du sacrifice furent élevés au niveau des rituels d’abnégation de soi, d’ascétisme, de jeûne, de privations et, plus tard, de la doctrine chrétienne de sanctification par les chagrins, les souffrances et la mortification de la chair.
 
(89.0) 89:4.2 Tôt dans l’évolution de la religion, il exista deux conceptions du sacrifice : l’idée de sacrifier des offrandes, qui impliquait l’attitude d’action de grâces, et le sacrifice pour la dette, qui englobait l’idée de rédemption. La notion de substitution se développa plus tard.
 
(89.0) 89:4.3 Plus tard encore, l’homme conçut que son sacrifice, quelle qu’en fût la nature, pouvait servir de messager auprès des dieux ; il pouvait faire l’effet d’une odeur agréable dans les narines de la déité. Cela amena l’usage de l’encens et les autres notes esthétiques des rituels de sacrifice ; ceux-ci se transformèrent avec le temps en festoiements sacrificiels qui devinrent de plus en plus minutieux et ornés.
 
(89.0) 89:4.4 Avec l’évolution de la religion, les rituels sacrificiels de conciliation et de propitiation remplacèrent les anciennes méthodes d’évitement, d’apaisement et d’exorcisme.
 
(89.0) 89:4.5 L’idée initiale du sacrifice fut celle d’un impôt de neutralité perçu par les esprits ancestraux ; l’idée d’expiation se développa seulement plus tard. À mesure que les hommes s’écartaient de la notion d’une origine évolutionnaire pour la race, à mesure que les traditions de l’époque du Prince Planétaire et du séjour d’Adam étaient filtrées par le temps, le concept du péché et du péché originel se répandit. Ainsi, le sacrifice pour un péché accidentel et personnel se transforma par évolution en la doctrine du sacrifice pour expier le péché de la race. L’expiation sacrificielle était un expédient d’assurance générale qui couvrait tout, même la rancune et la jalousie d’un dieu inconnu.
 
(89.0) 89:4.6 Entouré de tant d’esprits susceptibles et de dieux rapaces, l’homme primitif était en face d’une telle armée de déités créancières qu’il fallait tous les prêtres, le rituel et les sacrifices pendant une vie entière pour le tirer de ses dettes spirituelles. La doctrine du péché originel, ou culpabilité raciale, faisait débuter chaque personne avec une dette sérieuse envers les pouvoirs spirituels.
 
(89.0) 89:4.7 Les hommes reçoivent des cadeaux et des pots-de-vin, mais, quand on en offre aux dieux, on les décrit comme étant consacrés, rendus sacrés ou bien on les appelle sacrifices. Le renoncement était la forme négative de la propitiation ; le sacrifice en devint la forme positive. L’acte de propitiation incluait la louange, la glorification, la flatterie et même le divertissement. Ce sont les reliquats de ces pratiques positives de l’antique culte de propitiation qui constituent les formes modernes d’adoration divine. Celles-ci sont simplement la transformation, en rites, des anciennes techniques sacrificielles de la propitiation positive.
 
(89.0) 89:4.8 Le sacrifice d'un animal avait, pour les hommes primitifs, une signification bien plus grande qu’il n’en peut avoir pour les races modernes. Ces barbares considéraient les animaux comme leurs proches parents effectifs. Avec l’écoulement du temps, l’homme devint astucieux dans ses sacrifices et cessa d’offrir ses animaux de travail. Au début, il sacrifiait le meilleur de tout, y compris ses animaux domestiques.
 
(89.0) 89:4.9 Un certain souverain égyptien ne se vantait pas lorsqu’il affirmait avoir sacrifié 113 433 esclaves, 493 386 têtes de bétail, 88 bateaux, 2 756 statuettes d’or, 331 702 jarres de miel et d’huile, 228 380 jarres de vin, 680 714 oies, 6 744 428 miches de pain et 5 740 352 sacs de grain. Pour en arriver là, il fallait qu’il eût prélevé de cruels impôts sur ses sujets soumis à un travail pénible.
 
(89.0) 89:4.10 La simple nécessité poussa finalement ces demi-sauvages à manger la partie matérielle des créatures sacrifiées, les dieux ayant bénéficié de leur âme. Cette coutume trouva sa justification sous le prétexte de l’ancien repas sacré, un service de communion d’après les usages modernes.
 
5. Sacrifices et cannibalisme

(89.0) 89:5.1 Les idées modernes sur le cannibalisme primitif sont entièrement fausses ; le cannibalisme faisait partie des mœurs de la société primitive. Alors qu’il est traditionnellement horrible pour la civilisation moderne, il était un élément de la structure sociale et religieuse de la société primitive. Des intérêts collectifs dictèrent la pratique du cannibalisme. Il se développa sous la pression de la nécessité et persista parce que les hommes étaient esclaves de la superstition et de l’ignorance. Il était une coutume sociale, économique, religieuse et militaire.
 
(89.0) 89:5.2 L’homme primitif était un cannibale ; il aimait la chair humaine, et c’est pourquoi il l’offrait comme un don de nourriture aux esprits et à ses dieux primitifs. Puisque les esprits fantômes étaient simplement des hommes modifiés, et puisque la nourriture était le principal besoin de l’homme, alors la nourriture devait aussi être le plus grand besoin d’un esprit.
 
(89.0) 89:5.3 Le cannibalisme fut jadis à peu près universel parmi les races en évolution. Les Sangiks étaient tous cannibales, mais, à l’origine, les Andonites, les Nodites et les Adamites ne l’étaient pas ; les Andites non plus jusqu’à ce qu’ils se soient exagérément mêlés aux races évolutionnaires.
 
(89.0) 89:5.4 Le gout pour la chair humaine grandit. Inaugurée par la faim, l’amitié, la revanche ou le rituel religieux, l’absorption de chair humaine devient un cannibalisme habituel. Elle naquit par suite de la pénurie de nourriture, bien que cette pénurie en fût rarement le motif sous-jacent. Cependant, les Esquimaux et les premiers Andonites s’adonnaient rarement au cannibalisme, sauf en période de famine. Les hommes rouges, spécialement en Amérique centrale, étaient cannibales. Les mères primitives eurent jadis l’habitude générale de tuer et de manger leurs propres enfants en vue de renouveler la force qu’elles avaient perdue lors de la parturition. Au Queensland, il arrive encore souvent que le premier-né soit ainsi tué et dévoré. À une époque récente, de nombreuses tribus africaines ont délibérément recouru au cannibalisme comme procédé de guerre, une sorte d’atrocité pour terroriser leurs voisins.
 
(89.0) 89:5.5 Un certain cannibalisme résulta de la dégénérescence de lignées jadis supérieures, mais il prévalait surtout parmi les races évolutionnaires. L’habitude de manger des hommes naquit à une époque où les hommes éprouvaient des émotions intenses et âpres au sujet de leurs ennemis. Le fait de manger de la chair humaine fit partie d’une cérémonie solennelle de revanche. On croyait que, de cette manière, le fantôme d’un ennemi pouvait être détruit ou incorporé à celui du mangeur. L’idée que les magiciens obtenaient leurs pouvoirs en mangeant de la chair humaine fut jadis une croyance très répandue.
 
(89.0) 89:5.6 Certains groupes de mangeurs d’hommes ne voulaient consommer que des membres de leur propre tribu ; cette consanguinité pseudo-spirituelle était censée accentuer la solidarité de la tribu. Les mêmes mangeaient aussi des ennemis pour se venger, avec l’idée de s’approprier leur force. On considérait comme un honneur pour l’âme d’un ami ou d’un compagnon de tribu de manger son corps, tandis qu’en dévorant un ennemi, on ne faisait que lui infliger un juste châtiment. Le mental du sauvage n’avait nullement la prétention d’être conséquent.
 
(89.0) 89:5.7 Chez certaines tribus, les parents âgés cherchaient à être mangés par leurs enfants. Chez d’autres, la coutume voulait que l’on s’abstienne de manger des proches parents ; on vendait leurs corps ou on les échangeait contre des corps d’étrangers. Il existait un commerce considérable de femmes et d’enfants engraissés pour la boucherie. Quand la maladie ou la guerre ne parvenait pas à limiter la population, l’excédent était mangé sans cérémonie.
 
(89.0) 89:5.8 Le cannibalisme a graduellement tendu à disparaitre sous les influences suivantes :
 
  (89.0) 89:5.9 1.Il devint parfois une cérémonie communautaire, la prise de responsabilité collective pour infliger la peine de mort à un membre de la tribu. La culpabilité du sang cesse d’être un crime quand tous y participent, quand la société y prend part. La dernière pratique du cannibalisme en Asie fut de manger les criminels exécutés.
 
  (89.0) 89:5.10 2. Le cannibalisme devint de très bonne heure un rituel religieux, mais la croissance de la peur des fantômes n’eut pas toujours l’effet de le réduire.
 
  (89.0) 89:5.11 3.Finalement, il progressa au point où l’on ne mangeait plus que certaines parties ou certains organes du corps, les parties que l’on supposait contenir l’âme ou des portions de l’esprit. Il devint commun de boire du sang et de mélanger les parties “ comestibles ” du corps avec des drogues.
 
  (89.0) 89:5.12 4.Il se limita aux hommes ; on défendit aux femmes de manger de la chair humaine.
 
  (89.0) 89:5.13 5.On le limita ensuite aux chefs, aux prêtres et aux chamans.
 
  (89.0) 89:5.14 6.Il devint ensuite tabou parmi les tribus supérieures. Le tabou sur le cannibalisme prit origine à Dalamatia et se répandit ensuite lentement dans le monde. Les Nodites encouragèrent la crémation comme moyen de combattre le cannibalisme, car il fut jadis courant de déterrer des cadavres pour les manger.
 
  (89.0) 89:5.15 7.Les sacrifices humains sonnèrent le glas du cannibalisme. La chair humaine était devenue la nourriture des hommes supérieurs, des chefs. On finit par la réserver aux esprits encore supérieurs, et c’est ainsi que l’offrande de sacrifices humains mit efficacement fin au cannibalisme, excepté chez les tribus les plus inférieures. Quand la pratique des sacrifices humains fut pleinement établie, le cannibalisme devint tabou ; la chair humaine n’était plus une nourriture que pour les dieux ; les hommes n’avaient le droit d’en manger qu’un petit morceau cérémoniel, un sacrement.
 
(89.0) 89:5.16 Finalement, la pratique de substituer des animaux devint un usage général pour les buts sacrificiels. Même parmi les tribus les plus arriérées, on mangea des chiens, ce qui réduisit grandement le cannibalisme. Le chien fut le premier animal domestique et il était tenu en haute estime à la fois comme animal domestique et comme nourriture.
 
6. L’évolution des sacrifices humains

(89.0) 89:6.1 Les sacrifices humains résultèrent indirectement du cannibalisme et furent aussi sa cure. Le fait de fournir une escorte d’esprits au monde des esprits conduisit également à la diminution du cannibalisme, car on n’eut jamais la coutume de manger les morts ainsi sacrifiés. Nulle race n’a été entièrement dégagée de la pratique des sacrifices humains sous une forme quelconque et à une certaine époque, même si les Andonites, les Nodites et les Adamites furent ceux qui s’adonnèrent le moins au cannibalisme.
 
(89.0) 89:6.2 Les sacrifices humains ont été pratiquement universels ; ils se maintinrent dans les coutumes religieuses des Chinois, des Hindous, des Égyptiens, des Hébreux, des Mésopotamiens, des Grecs, des Romains et de nombreux autres peuples ; on les retrouve encore récemment parmi les tribus arriérées d’Afrique et d’Australie. Les Indiens d’Amérique plus tardifs avaient une civilisation qui émergeait du cannibalisme et se trouvait donc imbue de sacrifices humains, surtout en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Les Chaldéens furent parmi les premiers à abandonner les sacrifices humains dans les circonstances ordinaires et à y substituer des animaux. Il y a environ deux-mille ans, un empereur japonais au cœur tendre introduisit des statuettes d’argile pour remplacer les sacrifices humains, mais c’est seulement il y a moins de mille ans que la pratique de ces sacrifices s’est éteinte en Europe septentrionale. Parmi certaines tribus arriérées, le sacrifice humain est encore pratiqué par des volontaires comme une sorte de suicide religieux ou rituel. Un chaman ordonna jadis de sacrifier un vieil homme très respecté d’une certaine tribu. La population se révolta et refusa d’obéir, sur quoi le vieil homme se fit expédier dans l’au-delà par son propre fils ; les anciens avaient réellement foi en cette coutume.
 
(89.0) 89:6.3 Parmi les récits illustrant les déchirements de cœur des luttes entre les anciennes coutumes religieuses honorées depuis longtemps et les exigences contraires de la civilisation en progrès, l’histoire hébraïque n’en relate pas de plus tragique et de plus pathétique que celui de Jephté et de sa fille unique. Selon la coutume courante, cet homme bien intentionné avait fait un vœu stupide, une transaction avec le “ dieu des batailles ”, acceptant de payer un certain prix pour la victoire sur ses ennemis. Ce prix consistait à faire un sacrifice de ce qui sortirait en premier lieu de sa maison à sa rencontre quand il reviendrait à son foyer. Jephté pensait que l’un de ses fidèles esclaves viendrait ainsi le saluer, mais il arriva que sa fille, son unique enfant, sortit pour lui souhaiter la bienvenue chez lui. Ainsi, même à cette date tardive et chez un peuple supposé civilisé, cette belle jeune fille, après deux mois de deuil sur son sort, fut effectivement offerte en sacrifice par son père, avec l’approbation des hommes de sa tribu. Tout ceci fut fait à l’encontre des rigoureuses ordonnances de Moïse sur les offrandes de sacrifices humains. Mais les hommes et les femmes s’obstinent à faire des vœux stupides et inutiles, et les hommes de l’antiquité tenaient ces engagements pour hautement sacrés.
 
(89.0) 89:6.4 Jadis, quand on commençait la construction d’un édifice de quelque importance, la coutume voulait que l’on mette à mort un être humain comme “ sacrifice de fondation. ” Cela fournissait un esprit fantôme pour veiller sur l’édifice et le protéger. Quand les Chinois étaient prêts à fondre une cloche, la coutume ordonnait le sacrifice d’au moins une jeune fille pour améliorer le timbre de la cloche ; la jeune fille choisie était jetée vivante dans le métal en fusion.
 
(89.0) 89:6.5 De nombreux groupes eurent longtemps la pratique d’emmurer vivants des esclaves dans les murs importants. Plus tard, les tribus du Nord de l’Europe se contentèrent d’emmurer l’ombre d’un passant pour remplacer la coutume d’ensevelir des personnes vivantes dans les parois des nouveaux bâtiments. Les Chinois ensevelissaient dans un mur les ouvriers qui étaient morts en le bâtissant.
 
(89.0) 89:6.6 En construisant les murs de Jéricho, un roitelet de Palestine “ en posa les fondations sur Abiram, son fils premier-né, et en posa les portes sur Ségub, son plus jeune fils. ” À cette date tardive, non seulement ce père mit deux de ses fils vivants dans les trous de fondation des portes de la ville, mais son acte fut transcrit comme accompli “ selon la parole du Seigneur ”. Moïse avait interdit ces sacrifices de fondation, mais les Israélites y revinrent bientôt après sa mort. Les cérémonies du vingtième siècle consistant à déposer des bibelots et des souvenirs dans la première pierre d’un nouvel édifice sont une réminiscence des sacrifices primitifs de fondation.
 
(89.0) 89:6.7 Bien des peuples eurent longtemps la coutume de dédier les premiers fruits aux esprits. Ces observances, maintenant plus ou moins symboliques, sont toutes des survivances des cérémonies primitives impliquant des sacrifices humains. L’idée d’offrir le premier-né comme un sacrifice était très répandue parmi les anciens, spécialement chez les Phéniciens, qui furent les derniers à l’abandonner. Lors du sacrifice, on avait l’habitude de dire “ la vie pour la vie ”. Maintenant, lors d’un décès, vous dites “ la poussière retourne à la poussière ”.
 
(89.0) 89:6.8 Bien que choquant pour les susceptibilités civilisées, le spectacle d’Abraham contraint de sacrifier son fils Isaac n’était pas une idée nouvelle ou étrange pour les gens de cette époque. La pratique a longtemps prévalu chez les pères, à des moments de grande tension émotive, de sacrifier leur fils premier-né. De nombreux peuples ont une tradition analogue à cette histoire, car il exista jadis une croyance universelle et profonde à la nécessité d’offrir un sacrifice humain lorsqu’il était arrivé quelque chose d’extraordinaire ou d’insolite.
 
7. Les modifications des sacrifices humains

(89.0) 89:7.1 Moïse essaya de mettre fin aux sacrifices humains en inaugurant la rançon comme substitut. Il établit un barème systématique permettant à ses gens d’échapper aux pires résultats de leurs vœux téméraires et stupides. On pouvait racheter des terres, des biens et des enfants moyennant des honoraires établis, payables aux prêtres. Les groupes qui cessèrent de sacrifier leurs premiers-nés possédèrent bientôt de grands avantages sur leurs voisins moins évolués qui continuaient ces atrocités. Non seulement beaucoup de tribus arriérées furent très affaiblies par cette perte de fils, mais encore la dévolution successorale du commandement fut souvent rompue.
 
(89.0) 89:7.2 Un dérivatif du sacrifice désuet des enfants fut la coutume de barbouiller du sang sur les montants des portes de la maison pour protéger les premiers-nés. On le faisait souvent en relation avec l’une des fêtes sacrées de l’année, et cette cérémonie prévalut jadis dans la majeure partie du monde, depuis le Mexique jusqu’à l’Égypte.
 
(89.0) 89:7.3 Même après que la plupart des groupes eurent renoncé au meurtre rituel des enfants, ils gardèrent la coutume d’abandonner un enfant dans le désert ou sur l’eau dans un petit bateau. Si l’enfant survivait, on croyait que les dieux étaient intervenus pour le protéger, comme la tradition le rapporte pour Sargon, Moïse, Cyrus et Romulus. Vint ensuite la pratique de dédier les fils premiers-nés comme sacrés ou sacrificiels ; on les laissait grandir, puis on les exilait au lieu de les faire mourir ; ce fut l’origine de la colonisation. Les Romains adhéraient à cette coutume dans leurs plans de colonisation.
 
(89.0) 89:7.4 Nombre d’associations spéciales entre le laisser-aller sexuel et le culte primitif prirent naissance en liaison avec les sacrifices humains. Dans les temps anciens, si une femme rencontrait des chasseurs de têtes, elle pouvait racheter sa vie par un abandon sexuel. Plus tard, une jeune fille consacrée comme sacrifice aux dieux pouvait choisir de racheter sa vie en dédiant définitivement son corps au service sexuel sacré du temple ; de cette manière, elle pouvait gagner l’argent de sa rédemption. Les anciens considéraient comme très ennoblissant d’avoir des rapports sexuels avec une femme ainsi engagée pour la rançon de sa vie. La fréquentation de ces filles sacrées était une cérémonie religieuse, et l’ensemble du rite fournissait en outre un prétexte acceptable pour des satisfactions sexuelles ordinaires. C’était une subtile manière de se tromper soi-même, et les filles et leurs partenaires prenaient plaisir à la pratiquer. Les mœurs sont toujours en retard sur le progrès évolutionnaire de la civilisation ; elles sanctionnent ainsi les pratiques sexuelles plus primitives et plus sauvages des races évoluantes.
 
(89.0) 89:7.5 La prostitution dans les temples s’étendit finalement dans toute l’Europe du Sud et l’Asie. L’argent gagné par les prostituées des temples fut considéré comme sacré par tous les peuples – un don de grande valeur à offrir aux dieux. Les femmes du type le plus évolué emplissaient le marché sexuel du temple et consacraient leurs gains à toutes sortes de services sacrés et d’œuvres d’intérêt public. De nombreuses femmes des meilleures classes amassaient leur dot par un service sexuel temporaire dans les temples et la plupart des hommes préféraient épouser de telles femmes.
 
8. Rédemption et alliances

(89.0) 89:8.1 La rédemption sacrificielle et la prostitution dans les temples étaient en réalité des modifications du sacrifice humain. Vint ensuite le simulacre de sacrifice des filles. Cette cérémonie consistait en une saignée accompagnée d’une consécration à la virginité pour la vie ; ce fut une réaction morale contre l’ancienne prostitution dans les temples. À une époque plus récente, des vierges se consacrèrent au service d’entretien des feux sacrés des temples.
 
(89.0) 89:8.2 Les hommes finirent par concevoir l’idée que l’offrande d’une partie du corps pouvait remplacer le sacrifice humain total de jadis. Les mutilations physiques furent également considérées comme des substituts acceptables. Cheveux, ongles, sang et même doigts et orteils furent sacrifiés. L’ancien rite ultérieur et à peu près universel de la circoncision dériva du culte du sacrifice partiel ; il était purement sacrificiel ; nulle pensée d’hygiène ne lui était attachée. Les hommes furent circoncis, les femmes eurent leurs oreilles percées.
 
(89.0) 89:8.3 Ultérieurement, on prit l’habitude d’attacher des doigts ensemble au lieu de les couper. On se rasa la tête et l’on se coupa les cheveux également à titre de dévotion religieuse. La castration fut d’abord une modification de l’idée des sacrifices humains. On continue à percer les nez et les lèvres en Afrique, et le tatouage est une évolution artistique des cicatrices grossières que l’on se faisait primitivement sur le corps.
 
(89.0) 89:8.4 À la suite d’enseignements plus élevés, la coutume du sacrifice finit par être associée à l’idée d’alliance. Enfin, on conçut les dieux comme faisant de réels accords avec les hommes, et ce fut une étape majeure dans la stabilisation de la religion. La loi, une alliance, remplaça la chance, la peur et la superstition.
 
(89.0) 89:8.5 Les hommes ne pouvaient même pas rêver d’établir un contrat avec la Déité avant que leur concept de Dieu eût progressé au niveau où ils envisagèrent la possibilité que les contrôleurs de l’univers fussent dignes de confiance. Les primitifs se faisaient de Dieu une idée tellement anthropomorphe qu’ils furent incapables de concevoir une Déité digne de confiance avant d’être devenus eux-mêmes relativement dignes de confiance, moraux et éthiques.
 
(89.0) 89:8.6 L’idée de contracter une alliance avec les dieux finit cependant par se faire jour. L’homme évolutionnaire acquit finalement une dignité morale suffisante pour oser traiter avec ses dieux. C’est ainsi que le trafic des offrandes de sacrifices se transforma graduellement pour devenir le marchandage philosophique de l’homme avec Dieu. Tout cela représentait un nouvel expédient pour s’assurer contre la malchance, ou plutôt une meilleure technique pour acheter plus précisément la prospérité. Ne nourrissez pas l’idée fausse que les sacrifices primitifs étaient des dons librement offerts aux dieux, des offrandes spontanées de gratitude ou d’actions de grâces ; ils n’étaient pas des expressions de véritable adoration.
 
(89.0) 89:8.7 Les formes primitives de prière n’étaient ni plus ni moins que des marchandages avec les esprits, une discussion avec les dieux. Elles représentaient une sorte de troc dans lequel on substituait la plaidoirie et la persuasion à quelque chose de plus tangible et de plus couteux. L’expansion du commerce entre les races avait inculqué le sens commercial et développé l’habileté dans les trocs ; ces caractéristiques commencèrent alors à apparaitre dans les méthodes humaines de culte. De même que certains hommes étaient meilleurs commerçants que d’autres, de même certains furent considérés comme faisant de meilleurs prieurs que d’autres. La prière d’un homme juste était tenue en haute estime. Le juste était celui qui avait payé toutes ses dettes aux esprits, qui avait pleinement rempli toutes ses obligations rituelles envers les dieux.
 
(89.0) 89:8.8 La prière primitive n’était guère une adoration ; c’était une demande avec marchandage pour obtenir la santé, la richesse et la vie. Sous bien des rapports, les prières n’ont pas beaucoup changé avec l’écoulement des âges. On continue à les lire à haute voix dans des livres, à les réciter officiellement et à les écrire pour les placer dans des moulins et les accrocher aux arbres, où le souffle des vents évitera aux hommes la peine de dépenser leur propre souffle.
 
9. Sacrifices et sacrements

(89.0) 89:9.1 Au cours de l’évolution des rituels urantiens, les sacrifices humains ont progressé depuis les sanglants procédés cannibales jusqu’à des niveaux supérieurs et plus symboliques. Les rituels primitifs de sacrifice engendrèrent les cérémonies ultérieures des sacrements. À une époque plus récente, seul le prêtre absorbait un morceau du sacrifice cannibale ou une goutte de sang humain, et ensuite toute l’assistance mangeait de l’animal substitué. Ces idées primitives de rançon, de rédemption et d’alliance ont évolué pour devenir les services sacramentels plus modernes. Et toute cette évolution cérémonielle a exercé une puissante influence socialisante.
 
(89.0) 89:9.2 En liaison avec le culte de la Mère de Dieu, au Mexique et ailleurs, on utilisa finalement un sacrement de gâteaux et de vin à la place de la chair et du sang des anciens sacrifices humains. Les Hébreux pratiquèrent longtemps ce rituel comme partie de leurs cérémonies de la Pâque, et ce fut dans ce cérémonial que prit naissance la version chrétienne ultérieure du sacrement.
 
(89.0) 89:9.3 Les anciennes confréries sociales étaient basées sur le rite consistant à boire du sang ; la fraternité juive primitive était une affaire de sang sacrificiel. Paul inaugura un nouveau culte chrétien bâti sur “ le sang de l’alliance éternelle ”. Bien qu’il ait inutilement encombré le christianisme avec des enseignements sur le sang et le sacrifice, il réussit à mettre fin une fois pour toutes aux doctrines de rédemption par des sacrifices d’hommes ou d’animaux. Ses compromis théologiques montrent que la révélation elle-même doit se soumettre au contrôle gradué de l’évolution. Selon Paul, Christ est devenu le sacrifice humain ultime et suffisant à tout ; le divin Juge est maintenant pleinement et définitivement satisfait.
 
(89.0) 89:9.4 Et, ainsi après de longs âges, le culte du sacrifice a évolué en culte du sacrement. Les sacrements des religions modernes sont donc les successeurs légitimes des choquantes cérémonies primitives de sacrifices humains et des rituels cannibales encore plus anciens. Bien des personnes comptent encore sur le sang pour le salut, mais le sang est au moins devenu figuratif, symbolique et mystique.
 
10. Le pardon des péchés

(89.0) 89:10.1 C’est seulement par les sacrifices que les anciens obtenaient la conscience d’être en faveur auprès de Dieu. Les modernes doivent développer de nouvelles techniques pour atteindre la conscience intérieure du salut. La conscience du péché persiste dans le mental des mortels mais les modèles mentaux de la délivrance du péché sont maintenant périmés et démodés. La réalité du besoin spirituel subsiste, mais le progrès intellectuel a détruit les antiques manières d’obtenir la paix et la consolation pour le mental et pour l’âme.
 
(89.0) 89:10.2 Il faut redéfinir le péché comme une déloyauté délibérée envers la Déité. La déloyauté comporte des degrés : la loyauté partielle due à l’indécision, la loyauté divisée due à un conflit, la loyauté évanescente due à l’indifférence et la mort de la loyauté due à la consécration à des idéaux impies.
 
(89.0) 89:10.3 Le sens ou sentiment de culpabilité est la conscience d’avoir contrevenu aux mœurs ; ce n’est pas nécessairement le péché. Il n’y a pas réellement péché en l’absence d’une déloyauté consciente envers la Déité.
 
(89.0) 89:10.4 La possibilité de reconnaitre le sens de culpabilité est un signe de distinction transcendante pour l’humanité. Il ne classe pas l’homme comme un misérable, mais le situe plutôt à part comme une créature de grandeur potentielle et de gloire toujours ascendante. Un tel sentiment d’indignité est le stimulus initial qui devrait, rapidement et sûrement, conduire à ces conquêtes de la foi, qui transfèrent le mental du mortel sur les splendides niveaux de noblesse morale, de clairvoyance cosmique et de vie spirituelle. Toutes les significations de l’existence humaine sont alors changées du plan temporel au plan éternel, et toutes les valeurs sont élevées du plan humain au plan divin.
 
(89.0) 89:10.5 La confession du péché est une répudiation virile de la déloyauté mais elle n’atténue en aucune manière les conséquences dans l’espace-temps de cette déloyauté. Mais la confession – la récognition sincère de la nature du péché – est toutefois essentielle pour la croissance religieuse et le progrès spirituel.
 
(89.0) 89:10.6 Le pardon des péchés par la Déité est le renouvellement des relations de loyauté qui suit une période de la conscience où l’homme est déchu de ces relations comme conséquence d’une rébellion consciente. Le pardon ne doit pas être recherché, mais seulement reçu en tant que conscience du rétablissement des relations de loyauté entre la créature et le Créateur. Et tous les fils loyaux de Dieu sont heureux, aiment le service et progressent constamment dans l’ascension vers le Paradis.
 
(89.0) 89:10.7 [Présenté par une Brillante Étoile du Soir de Nébadon.]
 


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88. Fétiches, charmes et magie

LIVRE D'URANTIA  -  Fascicule 88. Fétiches, charmes et magie

(88.0) 88:0.1 LE concept de la pénétration d’un esprit dans un objet inanimé, un animal ou un être humain est une croyance fort ancienne et honorable, ayant prévalu depuis le commencement de l’évolution de la religion. Cette doctrine de possession par un esprit n’est rien de plus ou de moins que le fétichisme. Le sauvage n’adore pas nécessairement le fétiche ; il adore et révère très logiquement l’esprit qui y habite.
 
(88.0) 88:0.2 Au début, on crut que l’esprit d’un fétiche était le fantôme d’un humain décédé ; plus tard, on supposa que les esprits supérieurs résidaient dans des fétiches. Le culte des fétiches finit ainsi par incorporer toutes les idées primitives sur les fantômes, les âmes, les esprits et la possession par les démons.
 
1. La croyance aux fétiches

(88.0) 88:1.1 Les hommes primitifs ont toujours éprouvé le besoin de transformer en fétiches toutes les choses extraordinaires ; le hasard donna donc naissance à beaucoup de fétiches. Un homme est malade, quelque chose arrive, et il recouvre la santé. Le même phénomène se vérifie pour la réputation de nombreux médicaments et les méthodes de traitement des maladies au hasard. Des objets liés à des rêves avaient des chances d’être convertis en fétiches. Des volcans, mais non des montagnes, des comètes, mais non des étoiles, devinrent des fétiches. Les hommes primitifs considéraient les étoiles filantes et les météores comme indiquant l’arrivée sur terre d’esprits visiteurs spéciaux.
 
(88.0) 88:1.2 Les premiers fétiches furent des cailloux portant des marques particulières, et, depuis lors, les hommes ont toujours recherché les “ pierres sacrées ”. Un collier était jadis une collection de pierres sacrées, une batterie d'amulettes. Bien des tribus eurent des pierres fétiches, mais peu de ces fétiches ont survécu, comme la Kaaba et la pierre de Scone. Le feu et l’eau figurèrent aussi parmi les premiers fétiches, et l’adoration du feu ainsi que la croyance à l’eau bénite survivent encore.
 
(88.0) 88:1.3 Les arbres fétiches n’apparurent que plus tard, mais, parmi certaines tribus, la persistance de l’adoration de la nature conduisit à croire à des amulettes habitées par certains esprits de la nature. Quand des plantes et des fruits devenaient fétiches, ils étaient tabous comme nourriture. La pomme fut parmi les premières à se ranger dans cette catégorie ; les peuples levantins n’en mangeaient jamais.
 
(88.0) 88:1.4 Si un animal mangeait de la chair humaine, il devenait un fétiche. C’est ainsi que le chien devint l’animal sacré des Parsis. Si le fétiche est un animal et si le fantôme y réside en permanence, alors le fétichisme peut empiéter sur la réincarnation. Les sauvages enviaient les animaux sous bien des rapports ; ils ne se sentaient pas supérieurs à eux et recevaient souvent le nom de leur bête favorite.
 
(88.0) 88:1.5 Quand des animaux devinrent fétiches, il s’ensuivit un tabou sur l’absorption de la chair de ces animaux. À cause de leur ressemblance avec les hommes, les singes devinrent, de bonne heure, des animaux fétiches ; plus tard, des serpents, des oiseaux et des porcs furent également considérés comme tels. À une certaine époque, la vache fut un fétiche ; son lait était tabou et ses excréments hautement considérés. Le serpent était vénéré en Palestine, spécialement par les Phéniciens qui, ainsi que les Juifs, le considéraient comme le porte-parole des mauvais esprits. Chez de nombreux peuples modernes, on croit encore au pouvoir de charme des reptiles. Le serpent a été vénéré en Arabie, dans toute l’Inde et jusque chez les hommes rouges avec la danse du serpent de la tribu Moqui.
 
(88.0) 88:1.6 Certains jours de la semaine étaient des fétiches. Pendant des âges, le vendredi a été considéré comme un jour de malchance et le nombre treize comme mauvais. Les nombres heureux trois et sept vinrent de révélations ultérieures. Le quatre était le chiffre de chance des primitifs, parce qu’ils avaient reconnu de bonne heure les quatre points cardinaux. Ils croyaient que le fait de compter le bétail ou d’autres possessions portait malchance. Les anciens s’opposaient toujours au recensement, au “ dénombrement du peuple ”.
 
(88.0) 88:1.7 Les primitifs ne firent pas du sexe un fétiche exagéré ; ils n’accordaient à la fonction reproductrice qu’une attention limitée ; les sauvages avaient des pensées naturelles ; ils n’étaient ni obscènes ni lascifs.
 
(88.0) 88:1.8 La salive était un puissant fétiche ; on pouvait chasser les démons d’une personne en crachant sur elle. Le plus grand compliment des ainés ou des supérieurs consistait à cracher sur vous. Certaines parties du corps humain furent regardées comme des fétiches potentiels, en particulier les cheveux et les ongles. Les longs ongles des mains des chefs avaient une grande valeur, et leurs rognures constituaient de puissants fétiches. La croyance aux crânes comme fétiches rend compte d’une grande partie de l’activité ultérieure des chasseurs de têtes. Les cordons ombilicaux étaient des fétiches hautement appréciés et le sont encore aujourd’hui en Afrique. Le premier jouet de l’humanité fut un cordon ombilical conservé. Orné de perles comme on le faisait souvent, il fut le premier collier des humains.
 
(88.0) 88:1.9 Les enfants bossus ou infirmes étaient considérés comme des fétiches. On croyait que les lunatiques avaient été frappés par la lune. Les hommes primitifs ne pouvaient distinguer entre le génie et la folie. Les idiots étaient soit battus à mort, soit révérés comme des personnalités fétiches. L’hystérie confirma de plus en plus la croyance populaire à la sorcellerie ; les épileptiques étaient souvent prêtres ou sorciers-guérisseurs. On regardait l’ivresse comme une forme de possession par un esprit ; quand un sauvage tirait une bordée, il mettait une feuille dans ses cheveux pour désavouer la responsabilité de ses actes. Les poisons et les spiritueux devinrent des fétiches ; ils passaient pour être possédés.
 
(88.0) 88:1.10 Nombre de personnes considéraient les génies comme des personnalités fétiches possédées par un esprit sage. Ces hommes de talent apprirent bientôt à recourir à la fraude et à des stratagèmes pour servir leurs propres intérêts. On croyait qu’un homme fétiche était plus qu’humain ; il était divin et même infaillible. C’est ainsi que les chefs, rois, prêtres, prophètes et dirigeants d’Église finirent pas disposer d’un grand pouvoir et par exercer une autorité illimitée.
 
2. L’évolution du fétichisme

(88.0) 88:2.1 On supposait que les fantômes préféraient habiter un objet qui leur avait appartenu pendant leur incarnation. Cette croyance explique l’efficacité de bien des reliques modernes. Les anciens vénéraient toujours les os de leurs chefs, et nombre de personnes regardent encore les ossements de leurs saints et de leurs héros avec une crainte superstitieuse. Même aujourd’hui, on fait des pèlerinages sur la tombe de grands hommes.
 
(88.0) 88:2.2 La croyance aux reliques est une résultante de l’antique culte des fétiches. Les reliques des religions modernes représentent une tentative pour rationaliser les fétiches des sauvages et les élever à une place digne et respectable dans les systèmes religieux modernes. On considère comme païenne la croyance aux fétiches et à la magie, mais on trouve très bien d’accepter les reliques et les miracles.
 
(88.0) 88:2.3 Le foyer – l’endroit du feu – devint plus ou moins un fétiche, un lieu sacré. Les sanctuaires et les temples furent d’abord des lieux fétiches parce que les morts y étaient enterrés. La hutte fétiche des Hébreux fut élevée, par Moïse, au niveau d’abri d’un superfétiche, le concept alors existant de la loi de Dieu. Mais les Israélites n’abandonnèrent jamais la croyance spéciale des Cananéens aux autels de pierre : “ Et cette pierre que j’ai dressée en stèle sera la maison de Dieu. ” Ils croyaient véritablement que l’esprit de leur Dieu habitait dans ces autels de pierre, qui étaient en réalité des fétiches.
 
(88.0) 88:2.4 Les premières images furent faites pour conserver l’apparence et la mémoire des morts illustres : elles étaient en réalité des monuments. Les idoles furent un raffinement du fétichisme. Les primitifs croyaient qu’une cérémonie de consécration amenait l’esprit à entrer dans l'image. De même, lorsque certains objets étaient bénits, ils devenaient des charmes.
 
(88.0) 88:2.5 En ajoutant le deuxième commandement à l’ancien code moral de Dalamatia, Moïse fit un effort pour contrôler l’adoration des fétiches parmi les Hébreux. Il leur ordonna soigneusement de ne faire aucune espèce d’image qui puisse être consacrée comme fétiche. Il s’expliqua sans équivoque : “ Tu ne feras pas d’image taillée ni aucune reproduction de ce qui est dans les cieux au-dessus, ni sur la terre au-dessous, ni dans les eaux de la terre. ” Ce commandement contribua beaucoup à retarder l’art parmi les Juifs, mais il restreignit l’adoration des fétiches. Mais Moïse était trop sage pour essayer de supplanter brusquement les antiques fétiches ; il consentit donc à placer certaines reliques à côté des tables de la loi dans l’arche, qui était la combinaison d’un autel de guerre et d’une châsse religieuse.
 
(88.0) 88:2.6 Les paroles devinrent finalement des fétiches, plus spécialement celles que l’on considérait comme les paroles de Dieu ; de cette manière, les livres sacrés de bien des religions sont devenus des prisons fétichistes où l’imagination spirituelle des hommes est incarcérée. L’effort même de Moïse contre les fétiches devint un suprême fétiche ; son commandement fut utilisé plus tard pour dénigrer l’art et retarder la jouissance et l’adoration du beau.
 
(88.0) 88:2.7 Dans les temps très anciens, la parole d’autorité fétiche était une doctrine inspirant la peur, le plus terrible de tous les tyrans qui asservissent les hommes. Un fétiche doctrinal conduira un mortel à se trahir lui-même et à se jeter dans les griffes de la bigoterie, du fanatisme, de la superstition, de l’intolérance et des cruautés barbares les plus atroces. Le respect moderne envers la sagesse et la vérité dénote que l’homme vient seulement d’échapper à la tendance à instaurer des fétiches, qui sévissait jusqu’aux niveaux supérieurs de la pensée et du raisonnement. En ce qui concerne les accumulations d’écrits fétiches que diverses religions tiennent pour des livres sacrés, non seulement les fidèles croient que tout ce qui est dans le livre est vrai, mais aussi que le livre contient toute la vérité. Si, par aventure, l’un de ces livres sacrés parle de la terre comme étant plate, alors, pendant de longues générations, des hommes et des femmes par ailleurs sensés refuseront d’accepter les preuves positives que la planète est ronde.
 
(88.0) 88:2.8 La pratique d’ouvrir l’un de ces livres sacrés pour laisser l’œil tomber, par hasard, sur un passage dont la mise en œuvre pourrait influencer d’importants projets et des décisions vitales, ne représente ni plus ni moins qu’un fétichisme notoire. Prêter serment sur un “ livre saint ”, ou jurer par quelque objet suprêmement vénéré, constitue une forme de fétichisme raffiné.
 
(88.0) 88:2.9 Par contre, il y a progrès évolutionnaire réel quand on passe de la peur fétichiste des rognures d’ongles d’un chef de sauvages à l’adoration d’une superbe collection de lettres, de lois, de légendes, d’allégories, de mythes, de poèmes et de chroniques ; après tout, ceux-ci reflètent une sagesse morale séculaire passée au crible, au moins jusqu’à l’époque de leur assemblage sous la forme d’un “ livre sacré ”.
 
(88.0) 88:2.10 Pour devenir des fétiches, il fallait que les paroles fussent considérées comme inspirées. L’invocation d’écrits que l’on supposait d’inspiration divine conduisit directement à établir l’autorité de l’Église, tandis que l’évolution des formes civiles conduisit à l’épanouissement de l’autorité de l’État.
 
3. Le totémisme

(88.0) 88:3.1 Le fétichisme se retrouvait dans tous les cultes primitifs depuis la toute première croyance aux pierres sacrées, en passant par l’idolâtrie, le cannibalisme et l’adoration de la nature, jusqu’au totémisme.
 
(88.0) 88:3.2 Le totémisme est une combinaison d’observances sociales et religieuses. Originellement, on croyait s’assurer des provisions de nourriture en respectant l’animal totem dont on se supposait le descendant biologique. Les totems étaient à la fois les symboles des groupes et leur dieu. Ce dieu était le clan personnifié. Le totémisme fut une phase des tentatives pour rendre sociale la religion, qui autrement est personnelle. Le totem évolua finalement pour devenir le drapeau, ou symbole national des divers peuples modernes.
 
(88.0) 88:3.3 Un sac fétiche, un sac à médicaments, était une bourse contenant un honorable assortiment d’articles imprégnés de fantômes. Le sorcier-guérisseur de jadis ne laissait jamais son sac, symbole de son pouvoir, toucher le sol. Les peuples civilisés du vingtième siècle veillent à ce que leurs drapeaux, emblèmes de la conscience nationale, ne touchent pas non plus le sol.
 
(88.0) 88:3.4 Les insignes des charges sacerdotales et royales furent finalement considérés comme des fétiches. Le fétiche de l’État suprême a passé par de nombreuses phases de développement, du clan à la tribu, de la suzeraineté à la souveraineté, du totem au drapeau. Des rois fétiches ont régné par “ droit divin ”, et bien d’autres formes de gouvernement ont prévalu. Les hommes ont aussi fait un fétiche de la démocratie – l’exaltation et l’adoration des idées des hommes du commun quand on les qualifie collectivement “ d’opinion publique ”. On ne considère pas que l’opinion d’un homme prise isolément ait une grande valeur, mais, quand beaucoup d’hommes agissent collectivement en démocratie, le même jugement médiocre est tenu pour être l’arbitre de la justice et le critère de la droiture.
 
4. La magie

(88.0) 88:4.1 Les hommes civilisés attaquent, par la science, les problèmes d’un milieu réel. Les sauvages essayaient de résoudre, par la magie, les problèmes réels d’un milieu illusoire de fantômes. La magie était la technique par laquelle on manipulait le milieu hypothétique d’esprits dont les machinations expliquaient interminablement l’inexplicable ; c’était l’art d’obtenir la coopération volontaire des esprits et de les contraindre à apporter leur aide involontaire par l’emploi de fétiches ou d’autres esprits plus puissants.
 
(88.0) 88:4.2 L’objet de la magie, de la sorcellerie et de la nécromancie était double :
 
  (88.0) 88:4.3 1.Pénétrer l’avenir par clairvoyance.
 
  (88.0) 88:4.4 2.Influencer favorablement le milieu.
 
(88.0) 88:4.5 Les buts de la science sont identiques à ceux de la magie. L’humanité progresse de la magie à la science, non par la méditation et la raison, mais plutôt graduellement et péniblement par une longue expérience. L’homme avance à reculons dans la vérité ; il commence dans l’erreur, progresse dans l’erreur et atteint finalement le seuil de la vérité. C’est seulement avec l’arrivée de la méthode scientifique que l’homme s’est pris à marcher en regardant devant lui. Mais l’homme primitif devait expérimenter ou périr.
 
(88.0) 88:4.6 La fascination des superstitions primitives fut la mère de la curiosité scientifique ultérieure. Il y avait, dans ces superstitions primitives, une émotion dynamique progressiste – la peur ajoutée à la curiosité ; l’ancienne magie avait une force motrice progressiste. Ces superstitions représentaient l’émergence du désir humain de connaitre et de contrôler le milieu planétaire.
 
(88.0) 88:4.7 Si la magie prit une telle emprise sur les sauvages, c’est parce qu’ils ne pouvaient saisir le concept de la mort naturelle. L’idée ultérieure du péché originel aida beaucoup à affaiblir l’emprise de la magie sur la race, parce qu’elle expliquait la mort naturelle. À une certaine époque, il n’était pas rare de voir dix personnes innocentes mises à mort parce qu’on leur attribuait la responsabilité d’une seule mort naturelle. C’est l’une des raisons pour lesquelles les anciens peuples ne se sont pas multipliés plus rapidement, et cela est encore vrai chez certaines tribus africaines. L’accusé confessait généralement sa culpabilité, même s’il était menacé de mort.
 
(88.0) 88:4.8 La magie est naturelle pour un sauvage. Il croit que l’on peut effectivement tuer un ennemi par des pratiques de sorcellerie sur ses cheveux coupés ou sur ses rognures d’ongles. Les morts par morsures de serpents étaient attribuées à la magie du sorcier. Le fait que les gens peuvent mourir de peur rend difficile de combattre la magie. Les peuples primitifs craignaient tellement la magie qu’elle avait réellement un effet mortel, et ce résultat était suffisant pour justifier cette croyance erronée. En cas d’échec, on donnait toujours une explication plausible ; le remède à une magie défectueuse était un supplément de magie.
 
5. Les charmes magiques

(88.0) 88:5.1 Puisque tout objet lié au corps était susceptible de devenir un fétiche, la magie la plus primitive s’occupa des cheveux et des ongles. Le secret accompagnant les éliminations corporelles naquit de la peur qu’un ennemi puisse s’emparer d’un dérivé du corps et l’employer pour une magie préjudiciable. En conséquence, tout excrément corporel était soigneusement enterré. On s’abstint de cracher en public par peur de laisser utiliser la salive à une magie nuisible ; les crachats étaient toujours recouverts. Même les restes de nourriture, les vêtements et les ornements pouvaient devenir des instruments de magie. Les sauvages ne laissaient jamais de restes de leurs repas sur la table ; et tout ceci était fait par peur qu’un ennemi ne les emploie dans des rites magiques, et non parce qu’ils appréciaient la valeur hygiénique de cette pratique.
 
(88.0) 88:5.2 Les charmes magiques étaient composés d’une grande variété de choses : chair humaine, griffes de tigre, dents de crocodile, graines de plantes vénéneuses, venin de serpent et cheveux humains. Les os des morts étaient très magiques. Même la poussière des traces de pas pouvait être utilisée en magie. Les anciens croyaient beaucoup aux charmes d’amour. Le sang et d’autres formes de sécrétions corporelles étaient capables d’assurer l’influence magique de l’amour.
 
(88.0) 88:5.3 On supposait que les images étaient efficaces en magie. On faisait des effigies et, quand on les traitait mal ou bien, on croyait que les mêmes effets atteignaient la personne réelle. En faisant des achats, les personnes superstitieuses mâchaient un morceau de bois dur pour attendrir le cœur du vendeur.
 
(88.0) 88:5.4 Le lait d’une vache noire était hautement magique, ainsi que les chats noirs. Le bâton ou la baguette étaient magiques au même titre que les tambours, les cloches et les nœuds. Tous les objets anciens étaient des charmes magiques. Les pratiques d’une civilisation nouvelle ou supérieure étaient regardées avec défaveur à cause de leur prétendue mauvaise nature magique. Les écrits, les imprimés et les images furent longtemps considérés sous cet angle.
 
(88.0) 88:5.5 Les hommes primitifs croyaient qu’il fallait traiter les noms avec respect, spécialement les noms des dieux. On considérait le nom comme une entité, une influence distincte de la personnalité physique ; il était tenu dans la même estime que l’âme et l’ombre. On donnait son nom en gage pour un emprunt ; un homme ne pouvait plus utiliser son nom avant de l’avoir racheté en remboursant l’emprunt. Aujourd’hui, on signe son nom sur une reconnaissance de dette. Le nom des personnes ne tarda pas à prendre de l’importance en magie. Les sauvages avaient deux noms ; le principal était considéré comme trop sacré pour être utilisé dans les occasions ordinaires, d’où le second nom ou nom de tous les jours – un surnom. Un sauvage ne disait jamais son vrai nom à des étrangers. Toute expérience de nature insolite l’amenait à changer de nom ; quelquefois c’était un effort pour guérir une maladie ou arrêter la malchance. Il pouvait obtenir un nouveau nom en l’achetant au chef de la tribu ; les modernes investissent encore des capitaux dans des titres et des grades. Mais, chez les tribus les plus primitives, telles que les Boshimans d’Afrique, les noms individuels n’existent pas.
 
6. La pratique de la magie

(88.0) 88:6.1 La magie fut pratiquée par l’emploi de baguettes, de rituels “ médicaux ” et d’incantations. Les guérisseurs avaient l’habitude de travailler dévêtus. Parmi les magiciens primitifs, les femmes étaient plus nombreuses que les hommes. En magie, “ médecine ” signifie mystère, et non traitement. Les sauvages ne se soignaient jamais eux-mêmes ; ils ne prenaient jamais de médicaments autrement que sur l’avis des spécialistes en magie. Les docteurs vaudous du vingtième siècle représentent typiquement les magiciens de jadis.
 
(88.0) 88:6.2 La magie avait une phase publique et une phase privée. Celle qu’accomplissaient le sorcier-guérisseur, le chaman ou le prêtre était supposée être destinée au bien de toute la tribu. Les sorcières, les sorciers et les magiciens dispensaient la magie privée, la magie personnelle et égoïste employée comme méthode coercitive pour amener le mal sur les ennemis. Le concept du spiritisme duel, des bons et des mauvais esprits, donna naissance aux croyances ultérieures à la magie blanche et à la magie noire. À mesure que la religion évolua, chacun appliqua le terme de magie aux opérations d’esprits étrangères à son propre culte, et l’on s’en servit aussi pour désigner les croyances plus anciennes aux fantômes.
 
(88.0) 88:6.3 Les combinaisons de mots, le rituel des chants et des incantations, étaient hautement magiques. Certaines incantations primitives se transformèrent finalement en prières. La magie imitative fut bientôt pratiquée ; les prières furent exprimées par des actes ; les danses magiques n’étaient rien d’autre que des prières mises en scène. La prière remplaça graduellement la magie en tant qu’associée aux sacrifices.
 
(88.0) 88:6.4 Étant plus anciens que la parole, les gestes étaient d’autant plus sacrés et magiques, et l’on crut que le mimétisme avait un fort pouvoir magique. Les hommes rouges mettaient souvent en scène une danse du bison, dans laquelle l’un d’eux jouait le rôle d’un bison, se faisait attraper et assurait ainsi le succès de la chasse imminente. Les festivités sexuelles du 1er Mai étaient simplement une magie imitative, un appel suggestif aux passions sexuelles du monde végétal. La poupée fut d’abord employée comme un talisman magique par les épouses stériles.
 
(88.0) 88:6.5 La magie fut la branche de l’arbre religieux évolutionnaire qui porta finalement le fruit d’un âge scientifique. La croyance à l’astrologie conduisit au développement de l’astronomie ; la croyance à la pierre philosophale conduisit à la maitrise des métaux, tandis que la magie des nombres fonda la science des mathématiques.
 
(88.0) 88:6.6 Mais un monde aussi rempli de charmes contribua beaucoup à détruire toute ambition et toute initiative personnelles. Les fruits du travail supplémentaire ou de la diligence étaient regardés comme magiques. Si un homme avait, dans son champ, plus de grain que son voisin, il pouvait être trainé devant le chef et accusé d’avoir attiré ce surplus de grain hors du champ de son voisin indolent. En vérité, au temps de la barbarie, il était dangereux d’en savoir trop long ; on risquait toujours d’être exécuté comme praticien de l’art noir.
 
(88.0) 88:6.7 Graduellement, la science enlève à la vie le caractère de jeu de hasard. Mais, si les méthodes modernes d’éducation échouaient, il se produirait un retour presque immédiat aux croyances primitives à la magie. Ces superstitions s’attardent encore dans le mental de bien des personnes dites civilisées. Le langage contient de nombreuses expressions fossiles témoignant que la race a longtemps croupi dans la magie superstitieuse, expressions telles que : envoutements, mauvaise étoile, possession, inspiration, faire disparaitre par enchantement, ingéniosité, enchanteur, tombé des nues et étonné. Des êtres intelligents croient encore à la bonne chance, au mauvais oeil et à l’astrologie.
 
(88.0) 88:6.8 La magie ancienne fut la chrysalide de la science moderne, indispensable en son temps, mais désormais inutile. Et ainsi les chimères de la superstition ignorante agitèrent le mental primitif des hommes jusqu’à ce que les concepts de la science aient pu naitre. Aujourd’hui, Urantia est à mi-chemin de cette évolution intellectuelle. La moitié du monde est avide de la lumière de la vérité et des faits de la découverte scientifique, tandis que l’autre moitié languit sous l’emprise des anciennes superstitions et d’une magie à peine déguisée.
 
(88.0) 88:6.9 [Présenté par une Brillante Étoile du Soir de Nébadon.]
 


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